Le nerprun : une nouvelle plante envahissante fait son apparition

FORÊT. Une nouvelle plante menace la santé de nos forêts et, selon les plus récentes observations sur le terrain, sa présence et ses caractéristiques font qu’elle pourrait causer des dommages irréparables. On l’appelle le nerprun ou de la bourdaine, pour certains.

Très présente en Estrie, en Montérégie et au Centre-du-Québec, elle a été observée pour la première fois dans la région à Saint-Damien à l’été 2021. Pour le directeur de l’Agence de mise en valeur des forêts privées des Appalaches, Jean-Pierre Faucher, il ne faut pas tarder à faire de la sensibilisation auprès des citoyens et propriétaires.

« Cette une plante qui se répand très rapidement, même en milieu forestier. On se retrouve rapidement avec une épidémie. On vient de la découvrir et certains plants semblent avoir plus de 20 ans », indique-t-il, ajoutant que si plusieurs plants ont été répertoriés à Saint-Damien, elle est aussi présente à Saint-Lazare, Armagh ou Buckland et peut-être même Saint-Camille, mais on doit le valider. Des plants ont aussi été observés dans des localités comme Saint-Zacharie, Lévis ou Saint-Sylvestre.

« Il y en a peut-être déjà dans d’autres localités. À Saint-Zacharie, on ne sait pas pourquoi et comment elle s’est retrouvée là. C’est un propriétaire de boisé qui en a aperçu. »

Elle n’a pas de préférence pour les types de sols, ajoute Gabrielle Préfontaine-Dastous, biologiste et coordonnatrice de projets multiressources à l’Agence. « Milieu terrestre ou milieu humide, elle va profiter d’une ouverture de lumière par la chute d’un arbre ou la récolte du bois. »

Difficile à repérer

Son apparence fait que souvent, des gens pourraient la confondre avec d’autres espèces, dont le cerisier à grappes. Ses feuilles sont alternes, elle n’a pas de marge dentelée sur les côtés et ses nervures sont bien visibles. Elle produira des fruits tout l’été, ajoute Mme Préfontaine-Dastous. « Il y aura des fruits de couleur blanche, rouge ou noire sur un même plant. Ça peut atteindre 7 mètres de hauteur et on peut observer un couvert très dense. C’est pourquoi on a besoin des gens pour l’enrayer rapidement, surtout que nous n’avons pas encore de densité énorme. Elle ressemble à plusieurs autres, raison pour laquelle elle passe possiblement sous le radar souvent ».

Aux dires de Jean-Pierre Faucher, le nerprun a toutes les caractéristiques d’une plante envahissante et nuisible. « D’abord, elle est exotique, puisqu’elle vient d’Eurasie, elle n’a pas de prédateur naturel au Québec et rien ne la contrôle, elle a tout ce qu’il faut pour bien pousser parce qu’elle tolère l’ombre et prend de la lumière, elle fait beaucoup de graine et elle prend toute la place, ce qui fait que rien ne va plus pousser en dessous. »

Mme Préfontaine-Dastous ajoute qu’elle entre dans les milieux forestiers, ce qui pourrait causer préjudice à la forêt. « Quand elle est bien installée, réduire la biodiversité, ça va nuire à la régénération des boisés, à l’établissement des semis et compromettre la survie des écosystèmes forestiers. Les arbres matures vont survivre. Ce qui nous inquiète, c’est ce qui va se produire après. Si on laisse ça aller, on n’en a plus de boisé et c’est aussi l’aspect récréotouristique qui sera affecté. »

M. Faucher insiste toutefois pour préciser que le nerprun n’a aucune incidence sur la santé, sinon que ses fruits, une fois consommés, pourraient donner de légères diarrhées. « Certains oiseaux pourraient s’intéresser aux fruits et le disperser parfois, sauf que la faune en général, les chevreuils ou orignaux par exemple, ne s’en servira pas comme nourriture. »

Contrôler d’abord

M. Faucher s’inquiète notamment pour l’avenir des érablières de la région si le nerprun s’installe. « En Estrie et au Centre-du-Québec, ils ont des envahissements en érablières, alors la propriété ne vaut plus grand-chose, puisque l’érable ne pourra reprendre sa place. L’investissement ne vaudra plus la peine une fois que le nerprun aura pris sa place. »

Idéalement, le plant de nerprun ne doit pas être sectionné, mais arraché, précise Mme Préfontaine-Dastous. « Lorsqu’on la coupe, on la stimule. Elle produit beaucoup de graines et de rejets de souche. On arrive difficilement au bout de ses ressources. Le meilleur moment pour la repérer est surtout en automne, car elle garde ses feuilles plus longtemps que d’autres espèces. »

L’Agence se lance d’ailleurs dans une large campagne visant à contrôler ou même éliminer la présence du nerprun/bourdaine sur le territoire. « Nous avons rencontré des ouvriers sylvicoles et fait le tour avec eux pour leur montrer, alors eux pourront nous signaler de la présence. Les gens qui marchent dans les boisés pourraient aussi nous aider. Il y aurait peut-être moyen de faire une corvée éventuellement à Saint-Damien pour éviter qu’elle se propage davantage. »

À ce titre, l’Agence a récemment obtenu du financement de la Fondation de la faune pour faire de la sensibilisation auprès de la population et répertorier la présence du nerprun sur le territoire. Les organismes de bassins versants, les groupements forestiers du territoire, la municipalité de Saint-Damien et plusieurs propriétaires ont d’ailleurs déjà été sollicités. Les agences de la région travaillent actuellement à préparer des activités de formation à l’intention des propriétaires qui souhaitent apprendre à reconnaitre et contrôler la présence du nerprun bourdaine chez eux en septembre prochain. Les personnes intéressées à en savoir davantage peuvent déjà communiquer avec l’Agence de mise en valeur de leur territoire.