Carla Qualtrough revient ministre des Sports dans une période tumultueuse

Carla Qualtrough revient en tant que ministre fédérale des Sports avec plus d’expérience, mais dans une période tumultueuse.

L’ancienne nageuse paralympique devra faire face aux appels incessants en faveur d’une enquête nationale sur le sport canadien, dont sa prédécesseure Pascale St-Onge a dit qu’il traversait une crise en termes de sécurité.

Mme Qualtrough s’est vu confier le dossier des Sports lors du remaniement ministériel de mercredi à Ottawa. Mme St-Onge a été transférée au ministère du Patrimoine, qui chapeaute le sport.

Le premier ministre Justin Trudeau a changé de titulaire des Sports pour la cinquième fois en huit ans de gouvernement libéral et au milieu d’un flot de plaintes d’athlètes et de casrapportés d’abus, de maltraitance et de harcèlement.

D’athlète paralympique à ministre

Le Canada n’avait jamais eu de ministre des Sports comme Mme Qualtrough lorsque la députée de Delta a été nommée pour la première fois à ce portefeuille et aux Personnes en situation de handicap en 2015.

L’athlète paralympique, avocate avec une déficience visuelle et aussi mère de quatre enfants, est arrivée après avoir occupé des postes de direction dans le domaine du sport, notamment en tant que présidente du Comité paralympique canadien et présidente du Centre de règlement des différends sportifs du Canada.

Mme Qualtrough était ministre de l’Emploi et de l’Inclusion depuis 2019, et a été auparavant aux Services publics et de l’Approvisionnement de 2017 à 2019. 

«Elle était une ministre junior en 2015. Aujourd’hui, elle est une ministre fédérale très expérimentée et accomplie sur plusieurs dossiers difficiles», analyse Bruce Kidd, professeur émérite en sport et politique publique à l’Université de Toronto et athlète olympique en 1960.

«J’espère que sa nomination signifie que le premier ministre souhaite accorder beaucoup plus d’attention à la résolution de la crise du sport, poursuit-il. Le fait que Pascale St-Onge ait été promue au Patrimoine et que Carla soit maintenant au sport, et que toutes deux travaillent ensemble dans le cadre d’une relation ministérielle, est très encourageant.»

Les cofondatrices de Gymnastes pour le changement, Amelia Cline et Kim Shore, qui ont témoigné à Ottawa des abus qu’elles avaient subis en tant qu’athlètes, ont rencontré Mme Qualtrough à Ottawa en mai.

«Nous avons senti qu’elle était très réceptive à ce que nous disions et qu’elle était vraiment motivée pour que le système sportif change. À ce moment-là, nous ne savions pas qu’elle allait devenir ministre des Sports», a déclaré Mme Cline. 

Un enjeu dominant

Les questions entourant la sécurité physique et mentale des athlètes ont dominé les 21 mois passés par Mme St-Onge en tant que ministre des Sports.

Au cours des derniers mois, des commissions parlementaires ont entendu les révélations d’athlètes en larmes sur des violences psychologiques, physiques et sexuelles, et sur leurs craintes pour leur carrière s’ils les signalaient aux dirigeants de leur organisation.

Kirsty Duncan qui a été ministre de ce portefeuille en 2018 a mis en place des mesures pour améliorer la sécurité dans le sport. 

Mme St-Onge a été talonnée pour en faire davantage, notamment à la suite de révélations touchant Hockey Canada qui ont suscité l’indignation à l’échelle nationale.

Il avait été rapporté que l’organisation avait réglé une poursuite avec une femme qui alléguait avoir été violée par des membres de l’équipe nationale junior masculine lors d’un gala en 2018 — et que Hockey Canada avait utilisé une partie des frais d’inscription au hockey mineur pour régler ce litige.

Mme St-Onge a suspendu le financement de Hockey Canada l’année dernière et a ordonné un audit pour déterminer si des fonds publics avaient été utilisés pour régler des poursuites judiciaires. L’audit a permis de déterminer que des fonds publics n’avaient pas été utilisés, et le financement fédéral de Hockey Canada a été rétabli en avril.

Mme St-Onge a également gelé les fonds de Gymnastique Canada jusqu’à ce que l’organisation devienne signataire du Bureau du commissaire à l’intégrité du sport (BICS), ce qu’elle a fait en octobre.

Mme St-Onge a créé le BICS pour en faire un organisme indépendant chargé de traiter les plaintes d’abus. Il a commencé à traiter les plaintes il y a plus d’un an, en juin 2022. 

Tous les organismes nationaux de sport avaient jusqu’au 1er avril de cette année pour devenir signataires du BICS, sous peine de perdre leur financement fédéral.

Mme St-Onge a aussi annoncé une série de mesures pour renforcer les pratiques de sport sécuritaire en mai. 

Parmi celles-ci, il y a un registre public des personnes qui ont été sanctionnées ou suspendues au sein du système sportif, la restriction de l’utilisation des accords de non-divulgation, la publication des états financiers et la modification de la composition des conseils d’administration.

Plusieurs continuent de réclamer une enquête publique nationale. 

L’impact du départ de Mme St-Onge du ministère des Sports sur une éventuelle enquête nationale demeure inconnu pour le moment.

«L’annonce qu’elle a faite il y a plusieurs mois, selon laquelle il y aurait une sorte d’enquête nationale, n’a pas eu lieu et nous ne savons pas vraiment pourquoi», dit Mme Cline. 

«Du point de vue des survivants et des défenseurs, nous avons eu l’impression qu’il y avait un certain niveau d’obstruction et que le dialogue n’était pas vraiment productif. Nous sommes encouragés et optimistes quant à un changement de leadership sur ce front», mentionne-t-elle.