Trudeau estime que des premiers ministres mentent aux Canadiens sur la tarification

OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau affirme que les politiciens conservateurs de partout au pays, y compris des premiers ministres provinciaux, mentent aux Canadiens au sujet de la tarification sur le carbone.

Le gouvernement Trudeau hausse le ton ces jours-ci alors que les attaques se multiplient contre la mesure et que les électeurs se rangent de plus en plus du côté des politiciens qui affirment que cette tarification participe à une hausse du coût de la vie pour les Canadiens.

La plupart des premiers ministres provinciaux et les députés conservateurs fédéraux réclament des libéraux qu’ils annulent, à tout le moins, l’augmentation annuelle, prévue le 1er avril, du taux de la tarification sur les émissions de gaz carbonique.

M. Trudeau a affirmé mercredi que ces politiciens refusent de reconnaître les remises versées aux consommateurs par Ottawa pour compenser la hausse des prix des carburants attribuable à la tarification fédérale.

Le premier ministre accuse aussi le chef conservateur, Pierre Poilievre, de bloquer l’adoption d’une loi qui doublerait la remise supplémentaire accordée aux Canadiens des régions rurales.

M. Trudeau a tenu ces commentaires en conférence de presse à Vancouver, mercredi, alors que plusieurs premiers ministres présentent cette semaine leur plaidoyer devant un comité des Communes.

Scott Moe plaide sa cause

Mercredi matin, le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a ainsi déclaré au Comité des opérations de la Chambre qu’il croyait au changement climatique et à la nécessité de réduire les émissions, mais que le prix à la pollution n’était pas la bonne façon d’y parvenir.

«Le but n’est pas que les gros pollueurs paient: le but est qu’ils émettent moins», a-t-il lancé en se hérissant un peu lors d’un échange avec le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.

«Comment se fait-il qu’on ne fasse pas payer les gros pollueurs?», a demandé le député montréalais, accusant M. Moe de croire que des «aspirateurs géants» débarrasseraient du ciel les émissions de gaz carbonique pour résoudre le changement climatique.

La nature antagoniste du débat était palpable au sein du comité, qui a passé presque autant de minutes à se demander si M. Moe aurait dû être là qu’à entendre ce qu’il avait à dire.

Les députés libéraux, néo-démocrates et bloquistes ont accusé les conservateurs, qui président ce comité, d’avoir contourné les autres membres et d’avoir invité M. Moe à témoigner sans aucune consultation.

Les députés de ces trois partis, qui soutiennent tous la tarification du carbone, ont poussé M. Moe à expliquer ce qu’il ferait, lui, pour réduire les émissions.

M. Trudeau avait écrit mardi une lettre aux premiers ministres des provinces récalcitrantes, dans laquelle il les invitait à proposer leur propre «système de tarification de la pollution crédible» s’ils détestent tellement la mesure fédérale.

Le premier ministre Moe a déclaré mercredi en visioconférence que l’industrie et les agriculteurs de la Saskatchewan avaient réduit leurs émissions et supplantaient des produits étrangers dont l’empreinte carbone est plus élevée.

«Nous ne sommes pas à la traîne en matière climatique», a assuré M. Moe, qui plaide que la tarification sur le carbone rend en fait plus difficile pour les familles et les entreprises de réduire leurs émissions.

Gaz naturel et mazout

Le député libéral ontarien Francis Drouin a demandé à M. Moe pourquoi il n’avait pas réduit la fiscalité qu’il contrôle dans sa province, comme la taxe de vente sur le chauffage résidentiel, s’il est si préoccupé par le coût de la vie des Saskatchewanais.

Le gaz naturel est distribué en Saskatchewan par une société d’État de la province. La Saskatchewan exempte déjà de la taxe de vente provinciale le gaz naturel utilisé pour le chauffage.

En janvier dernier, M. Moe a également arrêté de percevoir pour Ottawa la tarification sur le gaz naturel utilisé pour le chauffage, en représailles à la décision des libéraux d’exempter temporairement le mazout pour le chauffage résidentiel. Or, environ 80 % des ménages de la Saskatchewan utilisent le gaz naturel pour se chauffer, contre seulement 3 % qui utilisent du mazout.

Le député libéral Charles Sousa a poussé M. Moe dans les derniers retranchements de sa logique, mercredi, en demandant au premier ministre s’il s’attendait à ce que les Saskatchewanais respectent les lois. M. Moe a répondu que oui, mais il a expliqué que la décision avait été prise parce qu’Ottawa était inéquitable dans ses mesures.

Les libéraux avaient annoncé l’exemption sur le mazout l’automne dernier et ils en font la promotion comme une mesure équitable, car le mazout coûte déjà trois à quatre fois plus cher que le gaz naturel.

Mais d’autres premiers ministres et des députés conservateurs ont qualifié cette décision de manoeuvre électoraliste dans le Canada atlantique, où les libéraux sont traditionnellement forts et où le mazout représente environ un tiers de la consommation de chauffage des ménages.

La lettre des économistes

Par ailleurs, les conservateurs fédéraux ont ridiculisé, mercredi, les économistes associés à plusieurs universités un peu partout au pays qui ont critiqué une à une les allégations des opposants à la tarification du carbone.

Les conservateurs se sont concentrés presque uniquement sur l’abolition de cette mesure avant l’augmentation prévue du taux, qui passera de 65 $ à 80 $ le 1er avril.

Les économistes rejettent les affirmations selon lesquelles la tarification sur le carbone aurait fait augmenter le coût de la vie des Canadiens et ils dénoncent les opposants qui sont incapables de proposer une solution moins coûteuse pour réduire les émissions. La lettre ouverte avait recueilli mercredi la signature de 212 professeurs en économie.

En réponse à cette lettre, les conservateurs ont affirmé mercredi que ces «experts» vivent dans le confort tout en imposant une hausse de taxe de 23 % aux Canadiens qui ont déjà du mal à boucler les fins de mois. Les conservateurs s’engagent à écouter le «bon sens du peuple» plutôt que l’avis de ces «soi-disant experts».

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Saskatchewan Premier Scott Moe speaks during a press conference before the 2024-2025 Saskatchewan budget is presented in Regina, on Wednesday, March 20, 2024. Moe says big polluters shouldn’t be forced to pay for their pollution they should just emit less.
Moe is appearing today at a House of Commons committee at the invitation of Conservative MPs to discuss his plea for Ottawa to kill off the carbon price. THE CANADIAN PRESS/Heywood Yu

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