Rapport sur les proches aidants: le CCEA craint une crise du vieillissement

MONTRÉAL — La santé mentale des proches aidants est mise à mal, ils éprouvent des difficultés financières et la moitié d’entre eux ne connaissent pas les ressources qui s’offrent à eux pour les appuyer. C’est ce qui ressort d’un rapport national sur les proches aidants canadiens publié mercredi par le CCEA. 

Intitulé «Être aidant au Canada: Enquête auprès des aidants et des fournisseurs de soins à travers le Canada», le rapport du Centre canadien d’excellence pour les aidants (CCEA) sonne l’alarme en ce qui concerne le vieillissement de la population. Il prévient que la crise des soins à laquelle le pays est confronté ne fera qu’empirer sans la mise en place de mesures concrètes. 

«Le pire des scénarios se prépare: la demande de soins augmente, les aidants vieillissent, le nombre d’aidants disponibles diminue et les besoins en matière de soins deviennent plus complexes en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation des taux d’invalidité et des problèmes de santé mentale», peut-on lire dans le rapport.

«Il est urgent de veiller à ce que les aidants et les fournisseurs de soins disposent des ressources et des services nécessaires pour assumer leurs responsabilités.»

La moitié des Canadiens seront des aidants au cours de leur vie. Selon Statistique Canada, en 2022, 6,4 millions de Canadiens ont prodigué des soins non rémunérés à des adultes dépendants de soins.

Le CCEA définit les aidants comme «des membres de la famille, des amis ou autres personnes offrant un soutien non rémunéré à une personne ayant une déficience physique, intellectuelle ou développementale, des problèmes de santé, une maladie mentale ou des besoins liés au vieillissement». Les fournisseurs de soins prodiguent les mêmes types de soins, mais ils sont rémunérés. 

Les résultats du rapport se basent sur un sondage national sur la prestation de soins, auquel ont participé plus de 3000 aidants et fournisseurs de soins à travers le pays, principalement de l’Ontario (38 % des répondants) et du Québec (24 % des répondants). 

Double emploi 

Selon le CCEA, ce sondage comble certaines lacunes en matière de données et certains indicateurs sont mesurés pour la première fois au Canada. 

Un constat inquiétant ressort de l’enquête concernant la santé mentale des proches aidants au pays: un quart d’entre eux indiquent que leur santé mentale est passable ou mauvaise. «Plus les aidants passent de temps à s’occuper d’autrui, plus ils sont fatigués, débordés et déprimés», résume le rapport. 

Il n’est pas étonnant que les proches aidants s’épuisent lorsqu’on sait qu’ils fournissent en moyenne 5,1 heures de soins par jour, ce qui représente souvent plus de 30 heures de soins par semaine, l’équivalent d’un emploi à temps plein. 

Le CCEA croit qu’il est nécessaire de mettre en place des politiques et des lois en matière d’emploi, telles que des congés et des avantages spécifiques pour les aidants.

Le vieillissement de la population a aussi pour conséquence que de nombreux aidants peuvent également avoir besoin de soins. Près d’un aidant sur cinq est âgé de plus de 65 ans. 

Le centre appréhende que les proches aidants et les fournisseurs de soins devront prodiguer des soins pendant plus d’heures et plus d’années à mesure que la population vieillit. Selon lui, les besoins en matière de soins seront plus complexes et le nombre d’aidants diminuera en raison du vieillissement. 

L’enquête montre aussi qu’être proche aidant est source de stress financier. Les résultats du sondage ont révélé que 37 % ont connu des difficultés financières, 19 % ont dû cesser d’épargner et 15 % se sont endettés davantage, tous en raison de leurs responsabilités d’aidant. 

Les données révèlent également qu’un proche aidant sur cinq a soutenu financièrement la personne dont il s’occupe, et parmi eux, 22 % ont déboursé de leur proche au moins 1000 $ par mois. 

Le CCEA signale que la moitié des proches aidants ne connaissent pas les crédits d’impôt liés aux soins et la grande majorité estime qu’un crédit d’impôt sur le revenu ou une allocation mensuelle de soins serait utile. 

«Les aidants ont indiqué que les aides financières sont la solution politique la plus importante – dans tous les aspects du soutien – pour répondre à leurs besoins», peut-on lire dans le document. Le CCEA souhaite que des mesures soient prises pour mettre en œuvre une compensation directe pour les aidants. Il fait valoir aussi qu’il faut mieux faire connaître les crédits d’impôt et les avantages fiscaux et en élargir l’admissibilité.

Pénurie de fournisseurs de soins 

Les mauvaises conditions de travail font fuir les fournisseurs de soins, affirme le CCEA. Il indique que 80 % du personnel, notamment les préposés aux bénéficiaires et les professionnels de soutien aux personnes vivant avec un handicap, ont envisagé de changer de carrière, invoquant le faible revenu, le manque de personnel, la discrimination et le manque de sécurité en milieu de travail. 

Il existe plusieurs obstacles à la rétention du personnel soignant, tels que les bas salaires et l’épuisement professionnel. Le rapport suggère d’améliorer leurs conditions de travail, ce qui passe surtout par l’augmentation des salaires et par une sécurité accrue sur leur lieu de travail.

Peu de proches aidants utilisent les services de soins à domicile alors qu’ils en auraient grandement besoin. L’enquête nationale révèle que 42 % des aidants n’ont jamais tenté d’obtenir des soins rémunérés pour leur bénéficiaire et 16 % seulement ont déclaré que la personne dont ils s’occupent a eu recours à des services de soins à domicile au cours des 12 derniers mois. 

Les difficultés d’accès aux services semblent être l’explication numéro un. La majorité (63 %) des proches aidants qui ont tenté d’avoir recours à des soins rémunérés ont trouvé difficile de les engager ou d’y accéder. 

Le Centre canadien d’excellence pour les aidants presse les législateurs et les employeurs d’améliorer les conditions de travail des fournisseurs de soins afin d’attirer du personnel et de retenir celui qui fournit déjà des soins. Cela est primordial pour répondre à la demande.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.