Plafond pour le secteur fossile: les jeunes semblent moins pressés que les vieux

MONTRÉAL — Un nouveau sondage Léger montre sans surprise que les électeurs conservateurs du Québec sont moins enclins que ceux des autres partis à appuyer des politiques de réduction de gaz à effet de serre de l’industrie pétrolière. Ce qui peut toutefois étonner, dans ce coup de sonde, c’est que les jeunes semblent moins pressés que les plus vieux à voir le gouvernement agir.

En décembre dernier, le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a présenté un plan pour plafonner les GES de l’industrie pétrolière et gazière. Le projet de règlement devrait être publié d’ici le milieu de 2024 et la réglementation finale devrait être mise en place en 2025.

Un nouveau sondage commandé par Nature Québec montre que 80 % des Québécois veulent que le gouvernement du Canada agisse rapidement dans ce dossier, mais seulement 37 % des répondants  croient qu’il est réellement déterminé à le faire. 

Les Québécois plus âgés, ceux de 55 ans et plus, croient à 84 % qu’Ottawa devrait accélérer sa mise en place de règlements des émissions de l’industrie du pétrole et de gaz.

En revanche, chez les 18 à 34 ans, ils sont 72 % à croire qu’Ottawa devrait accélérer sa réglementation.

Cette petite différence d’opinions, entre les plus âgés et les plus jeunes, est également notable dans d’autres aspects du sondage.

Par exemple, une proportion de 84 % des 55 ans et plus a répondu être en accord avec l’énoncé qui soutient que «le gouvernement du Canada devrait arrêter de permettre aux entreprises de retarder les politiques et les actions de réduction de la pollution».

Les 18 à 34 ans, pour leur part, étaient à 70 % en accord avec cet énoncé. 

«C’est une des affaires qu’on qualifie d’inusitées dans ce sondage-là», mais «c’est intéressant, car les 55 ans et plus sont ceux qui vont voter le plus lors d’élections», a réagi Anne-Céline Guyon, analyste Climat-Énergie chez Nature Québec.

Même si de récents sondages font état d’une montée de la popularité du Parti conservateur du Canada auprès des jeunes adultes et que le sondage commandé par Nature Québec indique que les jeunes se soucis moins que leurs aînés de la mise en place rapide de mesures pour forcer les pétrolières à plafonner leurs émissions, Anne-Céline Guyon ne croit pas qu’il faut y voir le signe d’une sorte de «désengagement climatique» de la jeunesse. 

«Le taux d’adhésion à la réglementation des jeunes reste quand même aux alentours de 75 %, c’est quand même des taux très élevés, j’ai envie de vous dire. Donc moi, je n’y vois pas tant d’inquiétudes que ça pour le moment», a indiqué l’analyste chez Nature Québec.

Payer pour polluer

Il y a quelques mois, lorsqu’il a annoncé les grandes lignes de son plan pour plafonner les émissions de GES du secteur du pétrole et du gaz en 2030, de 35 à 38 % sous les niveaux de 2019, le gouvernement a également indiqué que les entreprises pourront payer des montants pour se donner de la flexibilité. 

Ainsi, si l’on tient compte des assouplissements, l’industrie pourra produire des niveaux d’émissions de 20 à 23 % sous les niveaux de 2019 à condition qu’elle achète des crédits de compensation ou qu’elle contribue à un fonds de décarbonation.

Le sondage Léger indique que 78 % des 55 ans et plus ne sont pas d’accord avec l’idée de permettre aux entreprises de «payer pour polluer». 

Chez les 18-34 ans, cette proportion est de 64 %.

Différences d’opinions entre les allégeances politiques

Le sondage Léger montre très peu de divergence d’opinions entre les électeurs libéraux, néo-démocrates et bloquistes alors que les électeurs conservateurs ont des avis moins favorables que ceux des autres partis à réglementer l’industrie.

Par exemple, 59 % des électeurs conservateurs du Québec sondés croient que le gouvernement «devrait accélérer sa réglementation de la pollution de l’industrie pétrolière et gazière», comparativement à 91 % des électeurs bloquistes, 91 % des électeurs du NPD et 88 % des électeurs libéraux.

Toutefois, même parmi l’électorat conservateur, une majorité souhaite agir vite et sans tenir compte de l’avis du secteur fossile, puisque 54 % des répondants s’identifiant aux conservateurs se disent en accord avec l’énoncé selon lequel «le gouvernement du Canada devrait agir rapidement pour mettre en place la politique sur les émissions de pétrole et de gaz, quelles que soient les préoccupations exprimées par les compagnies pétrolières et gazières».

Le sondage en ligne a été réalisé à l’échelle de la province, du 5 au 8 avril 2024, auprès de 1002 répondants québécois âgés de 18 ans ou plus.