L’Inde sur le point de devenir le pays le plus peuplé, quels impacts pour le Canada?

MONTRÉAL — L’Inde est appelée à devenir le pays le plus peuplé du monde d’ici le milieu de 2023, dépassant ainsi la Chine qui détenait ce titre depuis 1950, indique un rapport des Nations unies publié la semaine dernière. Pour le Canada, cela signifie plus d’immigrants indiens et des relations commerciales plus étroites avec l’Inde. 

Bien qu’il n’y ait pas de moyen de savoir précisément à quelle date l’Inde sera la nation comptait le plus d’habitants, le rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) sur l’état de la population mondiale indique que l’Inde comptera 1,4286 milliard de citoyens en 2023 versus 1,4257 pour la Chine. 

Ensemble, l’Inde et la Chine représentent plus d’un tiers des 8 milliards d’êtres humains de la planète.

Il n’y a pas si longtemps, l’ONU prédisait une population indienne plus élevée que celle de la Chine aux alentours de 2027-2028. Mais la Chine a une population vieillissante et sa croissance démographique stagne même si elle a retiré sa politique de l’enfant unique, et même permis aux familles d’avoir trois enfants, il y a à peine deux ans. 

En Inde, seulement 7% de la population est âgée de 65 ans et plus. «Le taux de fertilité en Chine a chuté dramatiquement, c’est pour cela que le rattrapage démographique de l’Inde se fait plus tôt que prévu», a expliqué Serge Granger, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke et spécialiste des relations sino-indiennes. 

Le statut de l’Inde comme peuple le plus nombreux a plusieurs impacts pour le Canada. Le premier, c’est d’un point de vue purement démographique, explique M. Granger. «Étant donné que l’Inde va surpasser la population chinoise, cela a un effet direct sur la diaspora indienne au Canada, qui va dépasser la diaspora chinoise, dit-il. Cela fait en sorte que ça va davantage rapprocher le Canada avec l’Inde de personne à personne». 

Il ajoute que cela a assurément un impact sur la migration mondiale. M. Granger indique que le Canada a la plus grande diaspora indienne des pays du G20. «Depuis janvier 2022, la migration originaire de l’Inde est de loin plus substantielle que les autres», dit-il. 

Comme l’Inde a une population très jeune, cela signifie plus de main-d’œuvre pour les personnes qui immigrent au Canada. M. Granger soutient également que l’Inde négocie dans ses ententes commerciales des permis de visas temporaires pour les travailleurs spécialisés. Il pourrait donc y avoir prochainement une croissance des travailleurs temporaires originaires de l’Inde au Canada. 

L’Inde est par ailleurs en voie de devenir la troisième économie mondiale, elle est présentement la cinquième. 

Du côté commercial, le Canada a récemment lancé sa politique indopacifique, qui ne comprend pas seulement l’Inde, mais une quarantaine de pays et économies. Selon Affaires mondiales Canada, l’Indo-Pacifique comprendra 50 % du PIB mondial d’ici 2040. 

«(La stratégie indopacifique) vise justement un certain rapprochement avec l’Inde d’un point de vue commercial, c’est pour cela qu’on a repris des négociations d’un traité de libre-échange sectoriel, et non pas global», précise M. Granger. 

«Il y a présentement des tentatives surtout de la part des États-Unis et de l’Occident de séduire l’Inde pour faire partie des pays amies pour faire notamment du «friendshoring», c’est-à-dire de déplacer des chaînes de valeurs ou du moins les chaînes de production en Inde et sortir de la Chine», détaille-t-il. 

Selon M. Granger, le Canada ne peut tout simplement pas ignorer la tendance géopolitique à l’échelle globale, mais surtout de nos voisins du Sud, de tenter de se rapprocher de l’Inde.

Il constate que l’on voit de plus en plus de produits manufacturiers qui proviennent de l’Inde, ce qui montre qu’elle est en train de s’industrialiser. «C’est relativement nouveau et il faut s’attendre à ce que ça se perpétue dans le temps compte tenu de l’immensité indienne et d’une délocalisation des entreprises vers l’Inde», ajoute l’expert des relations sino-indiennes. 

Discrimination entourant la surpopulation 

Dans son rapport, l’UNFPA met en lumière que «le franchissement du seuil des 8 milliards d’habitants a lieu dans un contexte de crises multiples, imbriquées et exacerbées». 

«À ce jour, la pandémie de COVID-19 a ôté la vie à plus de 6 millions de personnes (certaines sources évoquent le chiffre de 21 millions). Les catastrophes climatiques, l’affaiblissement des économies, les conflits, les pénuries alimentaires et énergétiques ainsi que la désinformation en ligne représentent des menaces partout dans le monde», peut-on lire dans le rapport. 

Même si ces crises sont présentes partout sur la planète, l’ONU dénonce que plusieurs experts «projettent une planète submergée par des êtres humains  »trop nombreux »». Selon l’organisation, aucune tendance démographique n’y échappe. «Trop de jeunes ? C’est déstabilisant. Trop de personnes âgées ? C’est un fardeau. Trop de migrants ? C’est un danger».  

Il n’est pas rare d’entendre que les pays les plus peuplés aggravent le réchauffement climatique. Or, l’ONU rappelle que «la moitié des émissions de carbone sont produites par les 10 % d’individus les plus riches du monde». Il est donc erroné de faire un lien entre l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et la croissance démographique. 

L’UNFPA met en garde contre les discours qui soutiennent que nous sommes trop nombreux sur la planète et appelle à la nuance. «Aujourd’hui, le changement climatique, les pandémies, les conflits, les déplacements massifs et l’incertitude économique, entre autres, droit doivent être le point de départ de tout débat sur la population», écrite dans le rapport Dre Natalia Kanem, directrice générale Fonds des Nations unies pour la population.