L’Inde reprend la délivrance de certains visas aux Canadiens au pays et à l’étranger

OTTAWA — Le haut-commissariat de l’Inde au Canada a annoncé mercredi que les responsables reprendraient le traitement de certains types de demandes de visa pour les Canadiens en faisant la demande à travers le pays ainsi qu’à l’étranger.

New Delhi avait suspendu il y a un mois ces services dans les bureaux indiens au Canada et pour les citoyens canadiens ailleurs dans le monde.

Le haut-commissariat a annoncé mercredi la reprise des émissions de visas d’affaires, de visas médicaux et de visas pour des conférences, ainsi que les demandes des personnes qui ont des liens familiaux en Inde.

Les restrictions semblent demeurer en vigueur en ce qui a trait aux demandes de visas de touriste, d’étudiant et de journaliste.

La reprise du traitement des demandes pour ce que l’Inde appelle le «visa d’entrée» — réservé aux «personnes d’origine indienne» ou aux citoyens indiens, à leur conjoint et leurs enfants —, fait suite au tollé en ligne de Canadiens qui n’ont pas pu rendre visite à leurs proches lors de la grande saison des mariages dans ce pays.

L’Inde a restreint l’émission de visas le mois dernier, après que le premier ministre Justin Trudeau a révélé en Chambre que les services de renseignement canadiens enquêtaient sur des informations «crédibles» concernant «un lien potentiel» entre le gouvernement indien et l’assassinat d’un dirigeant sikh canadien en Colombie-Britannique, en juin dernier.

L’Inde a cessé de délivrer aux citoyens canadiens des visas à Ottawa, Toronto et Vancouver le 21 septembre, puis a éventuellement cessé de servir les citoyens canadiens dans d’autres régions du monde.

Ottawa soulagé

New Delhi avait plaidé en septembre que ses diplomates au Canada ne pouvaient pas se rendre au travail en toute sécurité. Pourtant, dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne trois semaines auparavant, le haut-commissaire Sanjay Kumar Verma déclarait qu’il était «très satisfait» de la façon dont le Canada avait renforcé sa protection des diplomates indiens.

La mission diplomatique a expliqué qu’elle avait choisi de reprendre le traitement de certains services de visas à partir de jeudi «après un examen réfléchi de la situation en matière de sécurité, qui prend en compte certaines mesures canadiennes récentes à cet égard». Le haut commissariat note que «d’autres décisions, le cas échéant, seraient suggérées sur la base d’une évaluation continue de la situation».

Mercredi après-midi, le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a qualifié cette décision de «bon signe» après «une période angoissante» pour de nombreux Canadiens. Il a toutefois rappelé que pour son gouvernement, cette suspension «n’aurait jamais dû arriver en premier lieu».

Le ministre de la Protection civile, Harjit Sajjan, a aussi salué cette «bonne nouvelle», mais il n’a pas voulu spéculer sur le message que New Delhi tentait d’envoyer. S’adressant aux journalistes à Ottawa, il a lui aussi soutenu que «ça aurait été bien (s’ils) ne l’avaient pas décidé en premier lieu».

Le ministre Sajjan a ajouté qu’Ottawa espérait toujours la collaboration de l’Inde dans l’enquête policière sur le meurtre de Hardeep Singh Nijjar. «Un Canadien a été tué en sol canadien et nous demandons une plus grande coopération dans le cadre de l’enquête», a déclaré le ministre.

Dans un communiqué, le Conseil de commerce Canada-Inde a déclaré qu’il s’agissait d’un «développement prometteur» pour le commerce entre les deux pays. «C’est également un signe positif que les deux gouvernements aient exprimé leur soutien aux affaires et aux investissements bilatéraux en ces temps inhabituels», a écrit le président de l’organisme, Victor Thomas.

Protection du personnel diplomatique

Avant que l’annonce de M. Trudeau n’aggrave considérablement les tensions entre le Canada et l’Inde, New Delhi avait publiquement dénoncé les manifestations des groupes séparatistes sikhs devant ses missions diplomatiques au Canada, ainsi que les affiches qui semblaient offrir des récompenses en espèces pour les adresses des diplomates indiens.

L’Inde a officiellement demandé au Canada de mieux respecter son devoir de protéger les diplomates étrangers.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré le 14 septembre que les diplomates indiens au Canada «bénéficiaient d’une sécurité 24 heures sur 24, sept jours sur sept» — un service qu’Ottawa offre à très peu de missions diplomatiques.

Le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, avait déclaré en fin de semaine dernière que son pays envisageait d’assouplir les restrictions en matière de visas. «Nous avons arrêté de délivrer des visas au Canada parce qu’il n’était plus sécuritaire pour nos diplomates d’aller travailler pour délivrer des visas», a-t-il soutenu dimanche.

Le ministre Jaishankar a également critiqué les libéraux fédéraux, dans des commentaires qui, selon des analystes, marquaient une rupture avec le discours habituel de New Delhi sur les politiques canadiennes.

«Les problèmes que nous avons concernent certains volets de la politique canadienne et les politiques publiques qui en découlent», a déclaré M. Jaishankar.