Les libéraux rejettent la demande d’un plan de retour à l’équilibre budgétaire

OTTAWA — Les libéraux fédéraux ont rejeté samedi une résolution qui réclame que leur parti se dote d’une proposition «claire et chiffrée» de retour à l’équilibre budgétaire dans leur prochaine plateforme électorale.

La résolution, qui était proposée par l’aile québécoise, a été défaite durant un vote à main levée où 76 délégués étaient en faveur et 97 contre lors de leur congrès national, à Ottawa.

La veille, le premier ministre et chef libéral Justin Trudeau refusait de s’engager à adopter un tel plan bien qu’il juge «essentielle» la «responsabilité fiscale». M. Trudeau avait insisté sur le fait que le Canada a le plus bas déficit au G7, le plus bas ratio de la dette au PIB du G7 et qu’il est l’un des trois plus grands pays du monde avec une cote de crédit AAA.

Le militant montréalais qui a présenté la résolution réclamait que le plan de retour à l’équilibre budgétaire fasse partie de la prochaine plateforme électorale.

Le préambule de la motion note que la dette fédérale est passée de 30 % du PIB en 2015-2016 – lors de l’arrivée au pouvoir des libéraux – à près de 50 % en 2021-2022, ce qui «inquiète plusieurs Canadiens», bien qu’elle demeure «proportionnellement raisonnable» en comparaison de celle des autres grands pays du monde.

Elle mentionne également que les Canadiens «accorderont sans doute une importance significative» à la présence d’un programme de réduction de la dette et de retour à l’équilibre budgétaire lorsqu’ils choisiront un parti pour gouverner le pays lors des prochaines élections.

Il n’y a pas eu de débat sur cette résolution, comme sur la vaste majorité de celles soumises aux délégués. D’ailleurs, ils étaient seulement près de 200 à prendre part à cette importante assemblée plénière que les organisateurs avaient mise à l’horaire tôt samedi matin.

Le chef conservateur Pierre Poilievre a rapidement répliqué que cette décision démontre que le premier ministre Justin Trudeau est «déconnecté» tout comme les «élites libérales» qui se réunissaient en congrès.

«Ils méprisent les gens ordinaires qui ne peuvent pas manger, se chauffer ou se loger après que Trudeau ait brisé notre économie», a-t-il écrit sur Twitter.

Le lieutenant de M. Poilievre pour le Québec, Pierre-Paul Hus, a pour sa part estimé que leur prise de position est représentative des libéraux. «Participation famélique et vote CONTRE un retour à l’équilibre budgétaire. Ça, c’est dangereux pour l’avenir du Canada», a-t-il commenté.

«L’ADN du Parti libéral»

Après le vote, la présidente du Conseil du trésor, Mona Fortier, qui modérait la séance, a dit croire que la résolution a été défaite en raison de «la façon dont elle a été écrite».

Elle affirme entendre sur le terrain que «tout le monde» veut un gouvernement «responsable fiscalement» en lui laissant une «marge de manœuvre».

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a pour sa part insisté que «la rigueur budgétaire, ça fait partie de l’ADN du Parti libéral».

«En même temps, a-t-il ajouté, je pense qu’il faut se donner un peu de flexibilité parce qu’il faut savoir qu’on sort par exemple de la crise du COVID. Quand on gouverne, vous savez, des fois, on ne peut pas anticiper tout ce qui peut arriver, mais souvent il faut faire aussi une distinction entre dépenses et investissements.» 

Il a cité au passage la nouvelle usine de batteries de Volkswagen qui sera construite en Ontario et pour laquelle Ottawa a allongé jusqu’à 13 milliards $ de subventions à la production, mais qui «va payer des dividendes sur des générations».

Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, dont la résolution a été présentée par un délégué de sa propre circonscription de Laurier—Sainte-Marie a refusé de dire aux journalistes s’il était en faveur ou pas de la résolution.

«Honnêtement, c’est une bonne question, a-t-il répondu. Je suis tout à fait d’accord avec l’approche que nous avons pris dans le dernier budget. Il y a une course mondiale pour l’économie du 21e siècle, pour attirer ici les talents, les investissements, les entreprises pour bâtir l’économie du Canada pas pour les cinq prochaines années ou les dix prochaines années, mais pour les 30 ou 50 prochaines années.»

Rencontré dans la salle de la séance plénière, le militant Chant Minassian, de Brampton, en Ontario, a dit avoir voté en faveur de la résolution pour forcer le parti à prendre le chemin de l’équilibre, mais il n’est néanmoins «pas déçu» du résultat puisque la responsabilité fiscale reste un objectif.

«Le Parti libéral est fondamentalement un parti de centre et dépendant de la situation, il bouge à gauche ou à droite, a-t-il déclaré. Les autres partis, les conservateurs et le NPD, sont fixes. Ils ne sont pas polyvalents comme nous. Ils restent à droite ou à gauche.» 

Un autre, George Tabisz de Winnipeg s’opposait à la résolution. «C’est important, mais ce n’est pas une priorité pour moi en ce moment, a dit M. Tabisz. Il y a d’autres problèmes qui sont plus importants, plus sérieux comme la santé et la défense.»

Les délégués ont adopté un total de 24 résolutions qui sont ainsi devenues des politiques officielles du parti pour les huit prochaines années. Parmi elles, forcer les employeurs de compétence fédérale à offrir quatre semaines de congé payé dès l’embauche, et établir un revenu de base garanti.

Ils veulent également augmenter le supplément de revenu garanti au-dessus du seuil de la pauvreté, planfier la construction d’une ligne de train à haute vitesse électrique, abaisser à 17 ans l’âge requis pour voter lors des élections fédérales, et mettre sur pied une assemblée citoyenne sur la réforme électorale.

Les délégués ont toutefois rejeté une résolution proposant de rendre le vote obligatoire lors des élections fédérales et d’imposer une amende modique à ceux qui manquent à leur devoir. Ceux qui s’y opposaient lors du débat ont fait valoir qu’ils favorisent des mesures incitatives comme un crédit d’impôt et que de pénaliser ceux qui n’exercent pas leur droit est «fondamentalement antidémocratique».