Les conservateurs étaient d’accord avec les mesures libérales face aux géants du web

OTTAWA — Le chef conservateur, Pierre Poilievre, affirme qu’on se croirait «en Corée du Nord» avec la loi adoptée par les libéraux qui vise les géants du web, mais son parti défendait une politique similaire lors de la dernière campagne électorale il y a deux ans.

La Loi sur les nouvelles en ligne obligera les géants du web à conclure des accords avec les médias d’information canadiens dans le but de leur offrir une compensation pour les nouvelles partagées ou autrement réutilisées sur leurs plateformes, comme Facebook et X.

M. Poilievre a affirmé mardi que cette loi fera disparaître les nouvelles d’Internet et empêchera les Canadiens de s’informer. Selon le chef de l’opposition, les libéraux de Justin Trudeau ont fait adopter «des lois pour censurer l’Internet» parce qu’ils «ne veulent pas que les Canadiens sachent la vérité». 

Meta venait d’annoncer mardi qu’en réponse à la loi fédérale, il supprimerait définitivement toutes les nouvelles au Canada de ses plateformes de médias sociaux, Facebook et Instagram, «au cours des prochaines semaines».

Or, dans leur plus récente plateforme électorale, les conservateurs proposaient une politique essentiellement similaire. S’ils étaient élus en octobre 2021, ils promettaient de créer un «régime de redevances» des médias numériques «pour nous assurer que les médias canadiens sont justement indemnisés pour le partage de leur contenu sur des plateformes comme Google et Facebook».

Ce régime devait «adopter une approche propre au Canada en intégrant les meilleures pratiques de pays comme l’Australie et la France». Il devait prévoir «un solide processus d’arbitrage et la création d’un droit de propriété intellectuelle pour les extraits partagés sur les médias sociaux».

M. Poilievre n’était pas disponible pour une entrevue. Son porte-parole, Sebastian Skamski, a mentionné dans une déclaration qu’un gouvernement conservateur abrogerait la Loi sur les nouvelles en ligne. 

Les nouvelles toujours accessibles

M. Poilievre a prétendu à tort que les gens ne pourraient plus voir les nouvelles sur Internet en vertu de la nouvelle loi, adoptée en juin. 

«Un premier ministre adopte une loi visant à faire disparaître les articles d’actualité d’Internet. Qui aurait pu imaginer qu’au Canada, le gouvernement fédéral adopterait des lois interdisant aux gens de voir les informations», a affirmé M. Poilievre aux journalistes mardi. 

Les nouvelles restent facilement accessibles sur Internet au Canada, quelle que soit la décision commerciale de Meta.

En outre, les individus, les politiciens, les groupes communautaires et les gouvernements pourront toujours publier du contenu sur Facebook et Instagram, car les éditeurs seront les seuls concernés, a indiqué Meta. 

Les nouvelles publiées sur Facebook et Instagram par des éditeurs canadiens pourront également être consultées sur Internet par les personnes vivant à l’extérieur du pays. 

Le géant de la technologie a collaboré avec un expert en littératie numérique à la rédaction d’un guide destiné à enseigner aux Canadiens d’autres moyens d’obtenir des informations sur Internet, tels que la consultation directe des sites Web des éditeurs, le téléchargement d’applications d’actualités mobiles et l’abonnement à des alertes d’actualités. 

Le guide recommande également d’autres moyens de consulter les actualités canadiennes: bulletins d’information, journaux, télévisions et radios locales, mise en signet de pages Web pour une consultation ultérieure, accès à des agrégateurs d’actualités, écoute de baladodiffusions d’actualités et abonnement à divers flux de contenu provenant de sites Web. 

Une régulation qui n’est pas unique

Lorsque l’Australie a adopté une loi similaire en 2021, Meta a temporairement bloqué les informations provenant de Facebook. Dans ce pays, Meta a fini par conclure des accords avec des éditeurs de presse, et le ministre n’a jamais procédé à un processus de désignation qui aurait permis à la loi de s’appliquer spécifiquement à Meta.

Le gouvernement canadien ne décidera pas quelles entreprises seront visées par la loi. Les entreprises seront identifiées par le biais d’un processus réglementaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, un organe administratif indépendant. 

Il est devenu courant pour les pays d’adopter des politiques et des législations qui imposent davantage de contrôles aux géants du numérique qui dominent les revenus de la publicité en ligne. 

Un projet de loi en Californie, similaire à la Loi sur les nouvelles en ligne, pourrait bientôt devenir loi, entraînant des menaces similaires de la part de Meta qui supprimerait les informations de ses plateformes dans cet État. 

Les autorités de régulation de l’Union européenne (UE) ont porté des accusations antitrust à l’encontre de Google, estimant que la seule façon de répondre aux préoccupations en matière de concurrence concernant son activité lucrative de publicité numérique est de vendre des parties de la principale source de revenus du géant technologique.

L’UE a suivi une démarche similaire de la part des États-Unis, qui souhaitent mettre fin au monopole présumé de Google sur l’écosystème de la publicité en ligne.

Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne pour une Europe adaptée à l’ère numérique, a récemment fait l’éloge de la loi canadienne sur l’information en ligne. 

Mme Vestager a salué les efforts déployés par Ottawa pour garantir l’accès à des médias libres et indépendants «dans des conditions équitables».