Drainville en 2015: pour la hausse du salaire des enseignants, contre celui des élus

QUÉBEC — Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a été placé devant ses contradictions, mercredi, dans le dossier du salaire des enseignants.

En 2015, M. Drainville, alors député péquiste sous Pierre Karl Péladeau, avait fait un lien direct entre les salaires du secteur public et celui des députés, qu’il refusait de voir augmenter de 31 %.

«Le gouvernement (libéral) propose d’appauvrir les infirmières, les enseignantes, les fonctionnaires, et il nous propose d’augmenter le salaire des députés de 31 %. Voyons donc, ça n’a aucun bon sens», avait-il dénoncé.

Cet extrait d’un point de presse de 2015 a été mis en ligne mercredi par l’ex-chef du Parti québécois (PQ) devenu chroniqueur à la télé, Jean-François Lisée. 

C’est qu’aujourd’hui, le gouvernement caquiste souhaite précisément augmenter le salaire des élus de 30 %, alors qu’il propose une hausse de 9 à 13 % sur cinq ans pour la fonction publique.

En entrevue au journal Le Devoir lundi, M. Drainville s’est fait demander pourquoi les enseignants québécois ne pourraient pas être parmi les mieux payés au Canada quand leurs députés sont en voie de le devenir.

Il a répondu que la comparaison était «un petit peu boiteuse» et même un «tantinet démagogique», et qu’on ne pouvait comparer le travail des enseignants avec celui des députés.

«Tu compares vraiment le job d’enseignant au job de député? Tu es en train de me dire que ça se compare?» a-t-il demandé au chroniqueur Michel David dans un extrait vidéo de l’entrevue qui a beaucoup circulé.

Méprisant, selon Rizqy

Les propos du ministre de l’Éducation enflamment la toile depuis mardi, plusieurs y percevant une façon de minimiser le travail des enseignants. 

Du «mépris», a fustigé la porte-parole libérale en matière d’éducation, Marwah Rizqy, qui a déjà enseigné et qui a rappelé sur les réseaux sociaux que le travail d’enseignant est éreintant.

«J’ai été prof à l’université et malgré cette expérience, j’étais brûlée après une semaine à titre d’enseignante dans une classe de 5e année», a-t-elle déclaré sur son compte Twitter.

«Après plusieurs mois de suppléance, je peux affirmer qu’un enseignant peut être un excellent député, mais l’inverse est moins vrai», a-t-elle ajouté.

Lors de l’entrevue au Devoir, Bernard Drainville a reconnu que les enseignants ne gagnaient pas assez et qu’une négociation dans le secteur public était en cours.

Il a rappelé la dernière augmentation de 14 à 18 % et dit souhaiter que «les enseignants soient le mieux payés possible parce qu’elles — surtout des femmes — jouent un rôle important dans notre société».

Son cabinet a précisé mercredi que «dans aucun cas, le ministre n’a voulu insinuer que le métier d’enseignant est de moindre importance que celui de député».

«À ses yeux, toutes les professions et tous les métiers méritent le même respect, qu’on soit enseignante, infirmière, plombier, policier, travailleur de la construction», a dit son attachée de presse, Florence Plourde.

Il n’empêche que pour le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, le ministre Drainville a eu une attitude «hautaine et condescendante». 

«Comment peut-on avoir une aussi haute opinion de soi-même et si peu de considération pour les gens que nous sommes censés servir?» s’est-il indigné dans une enfilade de gazouillis.

Le député du PQ Pascal Bérubé qualifie également la réponse du ministre au Devoir de «navrante».

«Mon père était enseignant. Je suis aussi titulaire d’un baccalauréat en enseignement. Vous dire le respect que j’ai pour cette profession», a-t-il déclaré.

La Fédération autonome de l’enseignement a aussi réagi aux commentaires de M. Drainville dans une publication titrée «Le mépris, ça suffit!».

Pas «idéal», reconnaît LeBel

Suite au dépôt du projet de loi haussant les salaires des députés de 30 %, on a appris que le chef de cabinet du premier ministre François Legault, Martin Koskinen, a touché une augmentation de salaire de 71 000 $.

«L’environnement» entourant la renégociation des conventions collectives dans le secteur public n’est pas «idéal», a reconnu mercredi la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, en entrevue à Radio-Canada.

«C’est sûr que ce n’est pas un environnement idéal pour une négociation, et je comprends les gens de s’y perdre, a-t-elle affirmé. On est juste et équitable, malgré tout, pour la fonction publique et l’ensemble des réseaux.»

Mme LeBel a offert, mercredi, un chèque de 12 000 $ aux 7000 enseignants admissibles à la retraite pour qu’ils acceptent de rester en poste à temps complet lors de la prochaine année scolaire.