Distribution de semences de plantes indigènes pour protéger les pollinisateurs

MONTRÉAL — La Ville de Montréal distribue gratuitement 16 500 sachets de semences d’espèces indigènes dans 24 Grainothèques des bibliothèques de la ville afin d’aider à la survie des pollinisateurs comme le papillon monarque.

Les pollinisateurs jouent un rôle primordial dans nos écosystèmes. On estime que près d’une bouchée sur trois de tout ce que nous mangeons découle de la pollinisation.

Mais plusieurs pollinisateurs, comme l’abeille ou le papillon monarque, voient leur nombre chuter de façon inquiétante, d’où l’importance de restaurer leur habitat en plantant des semences de plantes indigènes.

Planter des asclépiades pour sauver le monarque

L’emblématique papillon monarque a été désigné espèce en voie de disparition en 2016 au Canada.

Les scientifiques attribuent la chute du nombre de monarques à la perte d’habitat, au changement climatique ainsi qu’à l’utilisation de pesticides et d’herbicides.

«Mais je dirais qu’en ville, la plus grande menace des pollinisateurs, c’est la perte d’espace vert. Quand on fait des stationnements et des routes, malheureusement, ce n’est intéressant pour aucun pollinisateur», a expliqué l’agronome David Wees, qui enseigne à l’Université McGill.

Mais les citoyens peuvent aider le Monarque à survivre en plantant des asclépiades dans leurs jardins; cette plante indigène, l’une des six espèces distribuées par la Ville, est la seule où les monarques pondront leurs œufs.

«Cette plante-là permet de supporter le cycle de vie de la chenille du monarque, c’est-à-dire qu’une fois que la maman monarque pond son œuf, la petite chenille va consommer uniquement des feuilles d’asclépiades au cours de sa vie», a expliqué le biologiste Francis Cecil Cardinal, qui fait partie de l’équipe d’éducation du Biodôme de Montréal.

Sans asclépiades donc, le papillon monarque ne pourrait tout simplement pas exister.

Cette plante qui produit des ombelles de fleurs roses attire également d’autres sortes de pollinisateurs, comme l’abeille ou le colibri.

Selon Francis Cecil Cardinal, l’initiative de la Ville «va avoir un impact intéressant si ces semences sont plantées à des endroits propices, si elles germent, poussent et font des fleurs, des fruits et des graines».

Il a ajouté que «les plantes font des centaines, voire des milliers de graines, mais que le taux de survie est très faible».

Selon lui, les terrains abandonnés et les friches sont tous désignés pour les asclépiades, toutefois il ne conseille pas de les planter dans un potager, car «c’est une plante qui a tendance à se répandre».

Depuis le 8 avril, la Ville de Montréal distribue 16 500 sachets de semences de six espèces différentes dans 24 Grainothèques des bibliothèques de Montréal ou encore «à travers des journées citoyennes, des journées porte ouverte ou des campagnes de distribution de végétaux dans les 19 arrondissements», selon un communiqué de presse de la Ville.

Ramener les plantes indigènes

Francis Cecil Cardinal déplore qu’on ne valorise pas suffisamment les plantes indigènes.

«Idéalement, on voudrait ramener des variétés de plantes indigènes sur l’île de Montréal et chaque nouvelle variété qu’on est capable de ramener dans un endroit où elle va s’implanter sur du long terme et être autonome, je vous dirais que c’est une valeur ajoutée à nos écosystèmes.»

Outre l’Asclepias incarnata et l’Asclepias syriaca, qui sont des espèces d’asclépiades, la Ville distribue des semences de Monarda fistulosa, de Symphyotrichum novae-angliae et de Verbena hastata, toutes des plantes indigènes.

«Les plantes indigènes ont évolué avec les animaux et les insectes d’ici depuis longtemps» et «quand on en plante dans notre jardin, il y a moins de risques qu’elles deviennent envahissantes, car elles sont normalement en équilibre ici avec leurs prédateurs et les maladies et demandent moins d’entretiens», a expliqué le biologiste Francis Cecil Cardinal.

«Elles font partie un peu de notre patrimoine culturel, car depuis longtemps on jardine avec ces plantes, nos ancêtres ont appris à les cultiver», a-t-il ajouté.

Plan de protection des pollinisateurs

L’initiative de l’administration de Valérie Plante découle du Plan de protection des pollinisateurs de la Ville de Montréal, annoncé un peu avant la COP15 sur la biodiversité en 2022.

Ce plan vise notamment à augmenter la superficie des milieux naturels protégés, réaliser des inventaires écologiques de la population d’insectes et réduire la fréquence de la tonte du gazon sur les terrains de la Ville.

«Tondre le gazon, c’est quand même un bouleversement de l’habitat de certains insectes. Alors souvent, ce qu’on va dire aux gens, c’est de tout simplement tondre moins souvent», a souligné l’agronome David Wees.

En 2020, un recensement avait permis de dénombrer au moins 435 espèces d’insectes pollinisateurs sur l’île, mais selon David Wees, il y a probablement des milliers d’espèces différentes à Montréal.