Des milliards de bouteilles en plastique se retrouvent dans l’environnement canadien

OTTAWA — De nouvelles données canadiennes suggèrent que sur une période de neuf ans, entre 2012 et 2020, l’équivalent de plus de 15 milliards de bouteilles en plastique et jusqu’à 14 milliards de sacs d’épicerie en plastique sont devenus des déchets dans l’environnement.

Ces chiffres font partie d’un nouvel ensemble de données compilées par Statistique Canada pour soutenir l’«Initiative zéro déchet de plastique» du gouvernement fédéral.

Le rapport a été publié en mars, avant les négociations mondiales sur un traité pour éliminer les déchets plastiques, qui se tiennent cette semaine à Ottawa. Le Programme pour l’environnement des Nations unies supervise ces négociations, qui visent à trouver un consensus international sur la manière d’éliminer les déchets plastiques d’ici 2040.

Le rapport montre que le Canada a produit ou importé 7,1 millions de tonnes de plastique en 2020, soit une hausse de 28 % par rapport à 2012. Les emballages représentaient près d’un tiers du plastique utilisé, et les plastiques de construction, un cinquième. Un septième de ce nombre a été consacré à la fabrication de véhicules et un dixième à la fabrication de pièces électroniques et électriques.

La même année, près de cinq millions de tonnes de plastique ont été jetées, la plupart dans des dépotoirs. Environ un sixième a été détourné pour être recyclé, mais les données n’indiquent pas quelle quantité a réellement été recyclée et quelle quantité a terminé ses jours au dépotoir, finalement. 

Une étude réalisée en 2019 pour le gouvernement fédéral a révélé que moins d’un dixième des déchets plastiques au Canada sont recyclés. La Ville de Toronto affirme qu’environ 13 % de ce que les résidents mettent dans leurs bacs bleus est finalement jeté parce que ses installations ne peuvent pas traiter certains produits.

Le rapport estime également qu’entre 2012 et 2020, près de 350 000 tonnes de plastique se sont retrouvées dans l’environnement. Près de la moitié de cette quantité, soit 155 000 tonnes, était constituée d’emballages en plastique, dont 31 000 tonnes de bouteilles et 73 000 tonnes de pellicules plastiques utilisées pour fabriquer des sacs d’épicerie et des emballages alimentaires.

En poids, cela équivaut à environ 15,5 milliards de bouteilles d’eau jetables en plastique et jusqu’à 14,4 millions de sacs d’épicerie en plastique à usage unique; 45 000 tonnes supplémentaires provenaient d’autres contenants en plastique rigide, comme des pots de yaourt, des «emballages double coque» et des bouteilles de savon à lessive.

Des sources variées

Alice Zhu, doctorante en écologie à l’Université de Toronto et chercheuse au laboratoire de recherche «Trash Team» de la faculté, a déclaré qu’elle avait récemment mené sa propre étude et révélé que 4000 tonnes de plastique s’échappaient chaque année dans l’environnement à partir de Toronto seulement.

Les sources sont variées, a-t-elle expliqué, mais incluent les détritus jetés un peu partout, les ordures qui s’échappent des poubelles de rues ou tombent de l’arrière des camions, et les microplastiques – qui se détachent lorsque les fibres s’échappent dans la lessiveuse, ou que la poussière de caoutchouc s’échappe des pneus lorsqu’ils frottent contre le bitume.

«Si du plastique s’échappe dans l’environnement, cela a une multitude d’effets, y compris, sans s’y limiter, les émissions de gaz à effet de serre provenant du plastique lors de sa dégradation, mais cela peut également entraîner divers impacts négatifs sur les organismes vivants», dit Mme Zhu.

Le plastique peut étrangler des animaux, déchirer leur tractus intestinal ou s’accumuler dans leur estomac au fil du temps, provoquant la famine et la mort.

Les nanoplastiques sont plus souvent trouvés dans les aliments et l’eau potable, et les preuves de leurs effets négatifs sur la santé humaine, notamment les perturbations hormonales et les cancers, se multiplient.

Les plastiques sont fabriqués à partir de milliers de produits chimiques différents, principalement dérivés de combustibles fossiles, notamment l’éthylène, le styrène, le propylène et le chlorure de vinyle.

Agir sur toutes les étapes du cycle

Les discussions lors des négociations sur un traité pour l’élimination des déchets de plastique visent à empêcher que tout le plastique ne finisse comme déchet d’ici 2040, afin qu’aucun plastique ne finisse dans les dépotoirs ou ne s’échappe dans l’environnement.

Mme Zhu souligne que les solutions se trouvent à toutes les étapes du cycle de vie du plastique. Il est essentiel d’abord de réduire la quantité de plastique vierge produit, a-t-elle déclaré, ce qui impliquera d’exiger que davantage de plastique recyclé soit utilisé et de rendre l’utilisation de plastique vierge plus coûteuse que le plastique recyclé.

Actuellement, le nouveau plastique, moins cher et plus facile à fabriquer, domine le marché.

Les données de Statistique Canada montrent que le Canada n’a produit ou importé que 362 000 tonnes de granulés de plastique recyclé en 2020, sur plus de 7,1 millions de tonnes de plastique au total.

Selon Mme Zhu, les municipalités doivent également harmoniser leurs programmes de recyclage, car il est extrêmement déroutant pour les consommateurs de constater que les produits pouvant être recyclés varient considérablement d’une ville à l’autre.

Toronto, par exemple, n’autorise pas le recyclage du plastique noir comme les sacs poubelles et les bacs à plantes. La région de Peel, juste à côté, le fait.

Ottawa refuse d’accepter tout type de pellicules plastiques, y compris les sacs d’épicerie, tandis que Toronto accepte les sacs d’épicerie et les sacs à sandwich refermables, mais pas le film alimentaire, le papier bulle ou les sacs dans les boîtes de céréales.