C-56: Les libéraux veulent un appui du NPD ou du Bloc pour limiter le temps de débat

OTTAWA — Les libéraux de Justin Trudeau envisagent sérieusement de limiter le temps de débat restant avant de passer à un vote, aux Communes, sur leur projet de loi C-56 visant notamment à éliminer la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs.

Ils cherchent un partenaire de danse pour les appuyer dans cette démarche, soutien qui pourrait venir des banquettes néo-démocrates ou bloquistes.

Deux sources gouvernementales et une source néo-démocrate ont confirmé mercredi à La Presse Canadienne qu’il y a des discussions en cours sur une possible motion d’allocation de temps au stade de la deuxième lecture.

Les deux sources libérales ont indiqué que les pourparlers impliquent le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD), les deux partis d’opposition tentant de marchander certains éléments en échange de leur potentiel appui à la motion.

Ces trois sources ont requis l’anonymat puisqu’elles n’étaient pas autorisées à parler publiquement de ces questions.

«Le principal problème» de la proposition législative, parrainée par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, est qu’elle «ne va pas assez loin», dit-on du côté du NPD.

Selon cette source, il manque «plusieurs choses» dans les initiatives des libéraux en matière de logement. Les néo-démocrates aimeraient que le gouvernement fournisse un appui au secteur sans but lucratif et ils estiment que les libéraux s’en remettent trop au bon vouloir du secteur privé.

Le projet de loi C-56, présenté comme prioritaire par les troupes de Justin Trudeau, inclut aussi plusieurs modifications législatives visant à donner plus de mordant au Bureau de la concurrence du Canada. Sur ces aspects aussi, le NPD croit que des améliorations à la proposition libérale sont nécessaires.

Selon une source libérale, un élément extérieur au projet de loi C-56 fait l’objet d’une demande des bloquistes, soit le report de la date limite pour le remboursement des prêts du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC).

Le CUEC, créé durant la crise de la COVID-19, a permis de «vers(er) 49 milliards de dollars sous forme de prêts sans intérêt allant jusqu’à 60 000 $, assortis d’une radiation partielle à près de 900 000 petites entreprises et organismes à but non lucratif pour les aider à payer leurs frais de fonctionnement durant la pandémie», peut-on lire dans un document d’information du fédéral.

Une annonce des libéraux, en septembre, portait sur le report de la date butoir pour le remboursement des prêts du 31 décembre prochain au 18 janvier. Selon une source libérale, les bloquistes aimeraient voir plus de flexibilité à cet égard.

Les libéraux reprochent depuis plusieurs semaines aux conservateurs de bloquer l’avancement de l’étude du projet de loi C-56. Selon eux, les troupes de Pierre Poilievre ont recours à des manœuvres d’obstruction.

Le bureau de la leader en Chambre du gouvernement, Karina Gould, est impliqué dans les discussions sur l’allocation de temps, a dit une source libérale.

Selon celle-ci, l’adoption d’une telle motion, pouvant être vue comme un bâillon, est «une option». L’autre option est que «les conservateurs changent leur fusil d’épaule», a-t-on plaidé.

Alors que le temps file d’ici à la relâche parlementaire du temps des Fêtes, l’impatience des libéraux se fait sentir pour que le projet de loi C-56 puisse être adopté. «C’est à l’avantage des Canadiens qu’on le fasse le plus rapidement possible», a insisté une autre source gouvernementale en coulisses. 

De façon générale, l’esprit du projet de loi plaît au NPD et au Bloc québécois, comme l’ont exprimé publiquement des représentants des deux partis.

Lorsque viendra le moment du vote en deuxième lecture, étape législative à laquelle se rendra l’étude du projet de loi au terme d’un débat en Chambre, tout indique que les néo-démocrates appuieront C-56.

C’est du moins ce que le chef du NPD, Jagmeet Singh, a laissé entendre en mêlée de presse au début du mois.

M. Singh a affirmé que ses troupes et lui sont d’accord avec certains éléments du projet de loi, comme les mesures visant à donner plus de pouvoirs au Bureau de la concurrence du Canada.

«Pour la deuxième lecture, on est ouvert, mais pour la troisième lecture, on doit avoir des sanctions fermes pour forcer (les) entreprises à faire ce qu’elles doivent faire pour réduire les coûts», a-t-il répondu aux journalistes.

M. Singh a suggéré qu’une fois l’étape de la deuxième lecture franchie, il lui restera du temps pour convaincre les libéraux d’apporter des amendements à C-56.

«Il y a un moment dans (l’étude en) comité où on peut ajouter nos amendements, mais si les amendements ne sont pas acceptés, si on n’a pas des sanctions fermes, ce n’est pas un projet de loi, à la troisième lecture, qu’on veut appuyer», a-t-il dit.

Le chef du NPD a déposé sa propre pièce législative proposant des modifications à la Loi sur la concurrence.

Son parti voit, de façon générale, positivement la suggestion libérale d’élimination de la TPS sur les constructions de nouvelles unités locatives, même s’il reste sur sa faim.

En matière de logement et d’abordabilité, le chef conservateur a aussi déposé sa propre pièce législative. L’équipe de Pierre Poilievre y propose aussi l’abolition de la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs. Or, dans leur cas, ils entendent limiter la mesure à ceux «dont le prix de location est inférieur à la valeur du marché».

L’élimination de la TPS proposée par le gouvernement Trudeau revisite une promesse électorale de 2015 que les libéraux avaient abandonnée. À ce moment-là, on prévoyait que la mesure s’appliquerait seulement au logement abordable.