Une écrivaine ukrainienne primée meurt lors du bombardement russe d’un restaurant

KIEV, Ukraine — L’écrivaine ukrainienne Victoria Amelina, lauréate de prix, figure parmi les victimes d’une attaque meurtrière de missiles russes contre un restaurant populaire fréquenté par des journalistes et des travailleurs humanitaires dans l’est de l’Ukraine, selon PEN America. 

Mme Amelina, 37 ans, qui s’était détournée de la littérature pour documenter les crimes de guerre russes après l’invasion, a succombé à ses blessures après l’attaque du 27 juin dans la ville de Kramatorsk, a indiqué dimanche l’organisation de défense de la littérature et des droits de l’homme dans un communiqué.

Le ministre ukrainien de la Culture, Oleksandr Tkachenko, a présenté ses condoléances à la famille de Mme Amelina, ajoutant que la Russie en portait la responsabilité. «Pour chaque crime commis sur notre sol, pour chaque vie interrompue et chaque parole non prononcée, le terroriste doit subir le châtiment le plus sévère», a-t-il déclaré. 

Les amis, collègues et admirateurs de Mme Amelina ont pleuré sa disparition, beaucoup affirmant que sa vie pleine de potentiel avait été tragiquement interrompue. «Tant de livres non écrits, d’histoires non racontées, de jours non vécus», a écrit sur Twitter la journaliste Olga Tokariuk, une amie de Mme Amelina.

«Victoria documentait les crimes de guerre perpétrés par les Russes. Elle a été tuée lors d’un nouveau crime de guerre. Nous sommes témoins de sa mort et de celle de milliers de personnes tuées en Ukraine», a commenté l’historienne Olesya Khromeychuk sur le réseau social.

Au moins 11 autres personnes ont été tuées et 61 autres blessées lors de l’attaque qui s’est déroulée à l’heure du souper, alors que le restaurant est habituellement très fréquenté. Les autorités ukrainiennes ont arrêté un homme le lendemain, l’accusant d’avoir aidé la Russie à diriger l’attaque.

Cet attentat et d’autres perpétrés ce jour-là en Ukraine laissent penser que le Kremlin ne relâche pas ses bombardements sur le pays, malgré les troubles politiques et militaires qui ont éclaté dans le pays à la suite d’un éphémère soulèvement armé en Russie, le 24 juin.

PEN Ukraine a annoncé le décès de Mme Amelina après que sa famille en a été informée. Mme Amelina se trouvait à Kramatorsk avec une délégation d’écrivains et de journalistes colombiens. Elle avait documenté les crimes de guerre russes avec l’organisation de défense des droits de l’homme Truth Hounds.

«Victoria Amelina était une célèbre auteure ukrainienne qui a utilisé sa voix distincte et puissante pour enquêter sur les crimes de guerre et les dénoncer après l’invasion militaire à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, a déclaré Polina Sadovskaya, directrice pour l’Eurasie à PEN America. Elle a apporté une sensibilité littéraire à son travail et sa prose élégante a décrit, avec une précision médico-légale, l’impact dévastateur de ces violations des droits de l’homme sur la vie des Ukrainiens.»

Mme Amelina est née le 1er janvier 1986 à Lviv. En 2014, elle a publié son premier roman, dont le titre peut être traduit par «Le Syndrome de novembre, ou Homo Compatiens», qui a été sélectionné pour le prix ukrainien Valeri Chevtchouk. 

Elle a ensuite écrit deux livres pour enfants primés et un autre roman. En 2017, son roman dont le titre peut être traduit par «Le royaume des rêves de Dom» a reçu des récompenses nationales et internationales, notamment de l’UNESCO et de l’Union européenne.

Jeune écrivaine populaire, ses fictions et essais ont été traduits dans de nombreuses langues, dont l’anglais, le polonais, l’italien, l’allemand, le croate, le néerlandais, le tchèque et le hongrois.

En 2021, elle a fondé le festival de littérature de New York, qui se déroule dans une petite ville appelée New York, dans la région de Donetsk, en Ukraine.

Depuis le début de l’invasion, Mme Amelina s’est consacrée à la documentation des crimes de guerre russes dans l’est de l’Ukraine, selon PEN America. À Kapytolivka, près d’Izioum, elle a découvert le journal de Volodymyr Vakulenko, un écrivain ukrainien tué par les Russes.

Dans un essai percutant, Mme Amelina a décrit le sort des conformistes de l’ère soviétique pris entre les feux de l’invasion russe de 2014 en se concentrant sur la triste histoire d’Hanna, une femme âgée évacuée du Donbass vers la sécurité relative de l’Ukraine occidentale. Jusqu’à sa mort, Hanna exprime son désir de rentrer chez elle, même après qu’on lui a expliqué qu’un char russe était peut-être stationné dans son jardin.

«J’ai fait ce que j’ai pu : je suis écrivaine, et écrire la vérité est peut-être ma meilleure façon de défendre le jardin d’Hanna. Je ne pouvais protéger personne de l’artillerie russe, alors j’ai essayé de prendre les armes contre leurs mensonges», a écrit Mme Amelina. 

Peu avant sa mort, elle a également commencé à rédiger son premier essai en anglais. Dans «War and Justice Diary : Looking at Women Looking at War» («Journal de guerre et de justice : Regard sur les femmes face à la guerre»), Mme Amelina raconte l’histoire de femmes ukrainiennes qui ont recueilli des preuves de crimes de guerre russes. L’ouvrage devrait être publié prochainement, selon PEN Ukraine.