Quel avenir pour le bois de chauffage ?
FORÊT. L’annonce de la Ville de Québec, il y a deux semaines, de décréter une interdiction préventive d’utiliser tout appareil à combustible solide, même s’il est certifié, afin de limiter l’émission de particules fines et autres polluants, a fait réagir dans la région. Pour plusieurs, cette mesure, même préventive, a jeté des inquiétudes inutiles chez la population.
Interrogé sur le sujet, lors de son passage à -Scott il y a quelques jours, le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, juge qu’il serait très mal avisé, pour lui, d’émettre une règle uniforme d’un point de vue national. « Ce n’est pas une directive qui vient du Gouvernement du Québec. La réalité de nos petites villes où les habitants ont un système de chauffage qui repose presqu’essentiellement sur le bois et la réalité en milieu urbain où on sait que l’approvisionnement en électricité n’est pas problématique. C’est une compétence municipale et ce sont les municipalités, qui en fonction de leur réalité, ont la possibilité ou non de règlementer. »
Pour le directeur général de l’Agence de mise en valeur des forêts privées des Appalaches, Jean-Pierre Faucher, cette restriction dans l’utilisation des poêles à bois aurait un impact certain sur les propriétaires forestiers puisque plusieurs d’entre eux en produire de façon régulière. « Selon des données de 2011, seulement en Chaudière-Appalaches, c’est 332 000 m3 solides de bois de chauffage qui sont produits sur une base annuelle, ce qui équivaut à environ 232 000 cordes de bois de poêle de 16 pouces par année ».
Une nécessité
Pour l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce (APBB), le chauffage au bois est partie intégrante de la culture québécoise. Se protéger du froid a toujours été une priorité pour tous les humains vivant sous cette latitude, et le chauffage au bois est un moyen simple, économique et efficace de le faire.
L’Association convient toutefois que la concentration d’appareils de chauffage vétustes et non performants peut causer des problèmes respiratoires en raison de l’émission massive de particules fines dans l’air, autrement dit, le smog. Elle estime que la sensibilisation aurait un meilleur effet. Bien utiliser son poële et brûler du bois sec plutôt que du bois vert fait une grande différence dans l’émission des particules, notamment.
« Décréter certaines journées d’interdiction, lorsque la situation le nécessite est, selon nous, une bonne pratique en regard de la santé publique, mais interdire complètement le chauffage au bois serait une erreur. Au Québec il y a une question de sécurité de la population qui doit pouvoir se chauffer en hiver, en cas d’urgence. On n’est pas à l’abri d’un grand verglas ou de tempêtes de vent qui peuvent causer des pannes. Lors des périodes de froid intense, le réseau électrique est fortement sollicité et les chauffages d’appoint sont importants », résume l’association.
Bien gérer la ressource
Michel Brochu de Saint-Malachie produit près de 600 cordes de bois de chauffage dans une année, dont une grande partie sert à alimenter sa résidence et sa cabane à sucre. Le reste est distribué à quelques clients comme bois de chauffage. Son bois provient à très grande partie d’arbres rendus à maturité ou de « bois mort », pour employer une expression populaire.
« Je ne ramasse que ce qui tombe, ou presque. Je fais le ménage de mon érablière. C’est un peu le problème dans les perceptions d’aujourd’hui. Un arbre qui est mort dégage le même CO2 debout que si on le fait brûler. Il n’emmagasine plus de CO2 pour le transformer en oxygène. C’est le bois qui pollue le moins, lorsqu’utilisé pour le chauffage », insiste-t-il.
Selon lui, la grande majorité des producteurs font d’ailleurs un peu comme lui et ne font qu’entretenir leur propriété. « Nous avons eu des grands vents au cours des derniers mois qui chaque fois, ont causé des dommages dans nos boisés. C’est ce bois-là que les gens utilisent pour le chauffage de leur maison, leur érablière ou autres. Je n’ai même pas le temps de tout ramasser, alors je ne commencerai pas à couper du bois » vert ». Exceptionnellement, on va couper un arbre près d’un autre pour lui donner de l’espace et de la lumière, pour favoriser sa croissance », résume-t-il.
Représentant chez Noréa Foyer Napert à Sainte-Marie, Alain Martel estime que la nouvelle de la pause imposée par la Ville de Québec a été lancée de manière maladroite, ce qui a confondu plusieurs personnes. « La manière que c’est sorti, les gens ont pensé que c’était devenu interdit et partout, plus le droit de chauffer au bois. »
Il juge lui aussi que le chauffage au bois a son importance dans l’équation. « Des poêles à combustion lente, on en vend partout. Il n’y a que les foyers d’ambiance dont on a cessé la vente à Québec et Montréal, notamment parce qu’on ne peut pas chauffer une maison avec ça. Dans le temps, on pouvait ramoner une cheminée et il y avait beaucoup de créosote. Aujourd’hui c’est presque rien. La qualité des poêles est de beaucoup supérieure. »