Les producteurs de porcs toujours résilients

ACÉRICULTURE. L’usine d’Olymel à Vallée-Jonction ayant officiellement cessé ses activités à la fin de décembre dernier, les producteurs de porcs de la région ont dû revoir leurs façons de faire et entamer un processus de restructuration, démarche qui se prolongera encore un certain temps.

Celle-ci avait été initiée dès l’annonce de la fermeture et de la fin de l’abattage, annoncée en avril dernier. Réorganisation du transport et incitatifs, pour celles et ceux choisissant de cesser la production, avaient alors été instaurés.

Président des Éleveurs de porcs des Deux Rives, Sylvain Bouffard estime que la réorganisation du transport s’est bien déroulée. « Il y a eu des changements, comme tout grand changement qui peut survenir, mais le tout avait été bien planifié. Il est certain qu’au niveau du coût, ça a augmenté passablement. »

Président des Éleveurs de la Beauce, René Roy abonde dans le même sens et espère que cette différence sera un jour reconnue. « Pour nous en Beauce, la proximité de l’usine nous procurait l’un des rares avantages compétitifs. Le transport et l’accessibilité à l’abattoir diminuaient nos coûts de production, de façon générale. Il faudra que ce soit reconnu dans les programmes de support, car cela risque d’affecter le modèle d’affaires. »

Ce modèle est toutefois déjà sous la loupe, ajoute René Roy. « Un comité se penche déjà sur comment se positionner face à cette nouvelle réalité des marchés, surtout que nous n’avons pas accès à des abattoirs facilement à l’extérieur du Québec. Des travaux sont faits pour rencontrer les différents acheteurs, voir leur positionnement d’avenir et voir aussi comment cela se passe à l’extérieur du conventionnel. »

Il ajoute toutefois que la filière a appris à travers la crise et souhaite éviter de répéter certaines erreurs. « Vu les circonstances, toute crise crée des opportunités. Sur le terrain, on voit des initiatives surgir, soit des acquisitions de petits abattoirs en région, de nouveaux partenaires d’affaires potentiels. On a convenu toutefois de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. On a vu ce que la concentration pouvait avoir comme conséquences. Nous sommes conscients que plus l’abattoir est important, qu’il y a une diminution des coûts fixes, mais dans un contexte québécois, certaines choses vont nous aider à être plus résilients. »

Un peu de lumière

Cela dit, la tempête n’est pas terminée, avouent nos deux intervenants qui ne perdent toutefois pas espoir d’en ressortir grandis. « Le fameux phare que l’on souhaite distinguer à travers tout ça, il y a encore un peu de brouillard, mais on peut apercevoir une certaine lumière. Il faut demeurer positif là-dedans. Moi, j’y crois encore. C’est une belle production et on veut en vivre. On croit à tous les modèles », confie Sylvain Bouffard.

Cela dit, l’industrie cherche encore à profiter des installations encore disponibles. S’il affiche encore un certain optimisme relativement à la Beauce, René Roy juge que d’autres territoires sont accessibles. « Dans nos discussions avec Olymel et Sollio, on sent que les portes ne sont pas fermées. On peut penser à Vallée-Jonction et même Princeville. C’est un peu plus loin pour nous, mais ça demeure un abattoir accessible comparé à ce qu’il y a présentement. Ça demeure des possibilités que l’on regarde encore activement. »

Cela dit, il est loin de rêver à une relance à Vallée-Jonction. « Quand je passe devant l’usine, je vois que ça bouge et ça ne semble pas être pour l’abattage. Ça donne une idée, mais l’objectif est de voir à court, moyen et long terme. Notre industrie est cyclique, on le sait. C’est pourquoi il ne faut pas se faire prendre au piège et se dire que ça va mal présentement, alors on ferme la porte à toute option. Il faut voir à long terme aussi. »

Le mécanisme de retrait

Parmi les initiatives majeures visant à réduire de manière importante le nombre de bêtes élevées dans la province, un programme de retrait volontaire de la production porcine avait été instauré pour une période de cinq ans. Doté d’une enveloppe maximale de 80 millions, le mécanisme avait permis à 260 producteurs de soumettre leur candidature, lors d’un premier tour s’étant terminé en juillet dernier.

De ce nombre, 85 demandes avaient été acceptées, permettant ainsi une réduction de 3 à 4 % de la production provinciale. Un deuxième, et possiblement dernier tour, s’est conclu le 29 janvier dernier où une cinquantaine de producteurs se sont prévalus du même privilège, pour un total de 310 producteurs à l’échelle de la province.

L’objectif demeure de permettre globalement une réduction de la production d’environ 9 %. « Ce ne sont pas tous les producteurs qui vont quitter, mais on regarde le 9 % global que l’on souhaitait au départ. En bout de ligne, on aura diminué la production d’environ 640 000 têtes à la fin du processus », résume Sylvain Bouffard.

Ce mécanisme de retrait était un passage obligé pour l’industrie, même si le processus a généralement été bien vu par les producteurs, rappelle René Roy. « Ce n’est jamais plaisant de gérer de la décroissance. Des gens étaient toutefois rendus à cette étape dans leur carrière et ont choisi d’appliquer. D’autres ont pu le faire à regret, mais personne ne s’est fait forcer la main et ces décisions ont été prises individuellement. »

M. Roy ajoute que l’alternative a un programme de retrait aurait pu être plus douloureuse. « S’il n’y avait pas eu de processus volontaire, il aurait fallu que tout le monde réduise proportionnellement. Comme on fait un revenu à la marge, tout le monde aurait eu des années difficiles pendant un certain temps. Les deux options sont plates, mais c’était la moins pire. »

Si le coût de production de l’industrie du porc demeure désavantageux, certains indices laissent entrevoir des signes encourageants. Les prix du marché demeurent toutefois chancelants, avoue René Roy. « On aurait aimé que cela se replace un peu plus vite, mais on a vu des petits sursauts vers le haut. On pense qu’au printemps, il y aura une augmentation des revenus et une possible diminution du coût des grains. Les deux ont une tendance prometteuse, mais qui ne s’est pas encore matérialisée », conclut-il.