Industrie du porc: DuBreton à la recherche d’appuis

AGRICULTURE.  L’entreprise duBreton, spécialisée dans la production et la transformation de porc biologique, lance une pétition afin de demander l’appui des consommateurs en lien avec sa demande d’exclusion du Plan Conjoint de mise en marché collective des porcs du Québec.

L’entreprise, dont le siège social est à Saint-Bernard, milite depuis plusieurs années dans l’espoir que la Convention des Producteurs de porcs du Québec soit adaptée aux particularités inhérentes à la production de porcs de spécialité, c’est-à-dire biologiques et certifiés bien-être animal. Toutefois, la Convention n’a jamais été modifiée, ce qui ne permet pas le développement de ce type de porcs chez les producteurs indépendants, comme duBreton.

Le président de l’entreprise, Vincent Breton déplore également le fait que le syndicat des Éleveurs de porc du Québec prélève des cotisations pour la valorisation et la promotion du porc du Québec auprès des producteurs biologiques et certifiés bien-être animal, sans jamais investir un seul dollar dans la promotion de leurs produits.

Freiné par la législation

DuBreton avait choisi de se retirer de l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) en 2019, souligne M. Breton qui rappelle que deux lois influencent la mise en marché dans le porc au Québec, soit la mise en marché collective, qui exige des producteurs qu’ils vendent leur production à leur syndicat, et l’autre étant le support à l’agriculture, administré par la Financière agricole du Québec. Ce désir de quitter le modèle actuel de mise en marché remonte à il y a une vingtaine d’années, rappelle-t-il.

« On essaie de sortir de la production en cage de commodité traditionnelle, avec des antibiotiques et autres et de diversifier notre modèle. En 2019, nous avons abandonné la production et la transformation des porcs de commodité. On essaie depuis d’avoir des ententes avec des éleveurs, sauf que la loi nous met des bâtons dans les roues. On a même dû, dans le passé, délocaliser la production dans les Maritimes ou en Ontario pour répondre à la demande des consommateurs. »

Il déplore également le double langage du gouvernement qui prétend promouvoir le porc biologique, alors que le financement ne suit pas. « Dans sa politique bioalimentaire, le gouvernement mentionne 39 fois le mot biologique sauf que dans le porc, on ne met pas une cenne, on met tout dans le porc de commodité. Le programme de l’ASRA a été détourné, au cours des dernières années, avec la connivence du MAPAQ, du ministère de l’Agriculture et même du ministre, des transformateurs comme Olymel, Sollio et la Régie des marchés agricoles pour mettre des taxes et des cotisations pour faire baisser le revenu, ce qui amène le gouvernement à tirer de l’argent dans ces programmes. »

Les grands bénéficiaires du stratagème, selon lui, sont des entreprises comme Olymel, la Coopérative fédérée et autres. « Sur deux ans, cela va représenter plus d’un demi-milliard de dollars. Olymel contrôle 80 % de la production, alors 80 % iront à Olymel. Les producteurs indépendants sont laissés à eux-mêmes et leur nombre est en chute libre. Nous n’avons pas les moyens de subventionner Olymel, mais on nous cotise quand même pour la fermeture de Vallée-Jonction, le détournement des parts de commodité et pour les baisses de prix, alors que nous n’avons pas d’affaires là-dedans. On ne produit plus de porc ordinaire, nous sommes dans un marché de niche ».

Le modèle soviétique

Vincent Breton estime que cette situation affecte tous les producteurs indépendants, ne faisant pas partie de la filière. « C’est le modèle unique. Les programmes d’aide ne sont pas faits pour la diversité, pour aider l’entreprise familiale indépendante. On concentre vers les grands joueurs dont on ne fait pas partie. »

Toutes ces raisons ont ainsi incité l’entreprise à déposer sa demande à la Régie des marchés agricoles pour être exclue de la loi sur la mise en marché collective. « La clause existe, le ministre peut l’exercer, mais il choisit de ne pas le faire. Pendant ce temps, des éleveurs indépendants pourraient recevoir de l’aide, mais ce modèle-là nuit à tout le reste. »

Il estime que les problèmes de la filière porcine depuis plusieurs mois ne sont pas uniquement reliés à la conjoncture économique et à l’émergence d’une industrie similaire en Europe ou en Asie. « Oui, il y a eu une crise et ce fut difficile avec plein de facteurs comme la main d’œuvre, l’inflation, les taux d’intérêt et le reste. Les producteurs indépendants qui demeurent aujourd’hui ne sont pas en mesure de prendre des décisions pour leur ferme, de mettre en marché leur produit, d’avoir des leviers et de la diversité. C’est dommage. »

M. Breton se fait globalement très critique du modèle choisi par la filière porcine. « Les grosses structures de planification centralisée de l’ère soviétique, dans un marché libre, ça ne marche pas et ça n’a jamais marché dans rien. Les gens veulent aujourd’hui de la diversité, alors les modèles avec un produit unique, c’est voué à l’échec. Nous avons un modèle de production biologique et de bien-être animal. D’autres ont proposé de vendre à l’extérieur pour avoir un meilleur prix. À la limite, les programmes d’aide pourraient prendre d’autres formes que l’ASRA », juge-t-il.

M. Breton est conscient qu’il pourrait se faire des ennemis avec une initiative semblable et s’attend à des réactions. « Nous sommes habitués. De toute façon, le système ne fonctionne pas. Le nombre de producteurs indépendants est en chute libre, l’industrie ne va pas bien, l’ensemble des budgets s’en vont vers un modèle et un joueur dominant, ça ne peut pas fonctionner. »

C’est pourquoi il se met à la recherche d’appuis pour contester le modèle actuel, en vue d’obtenir des changements à la législation en place. « Aujourd’hui, nous demandons à tous nos partenaires et aux consommateurs soucieux du bien-être animal et des pratiques biologiques de signer cette pétition afin de démontrer leur appui à notre demande d’exclusion du Plan Conjoint », conclut Vincent Breton.