Le procureur voulait aider son fils

C’est en fermant les yeux sur les affaires douteuses de son fils que l’avocat Roch Jolicoeur de Saint-Georges s’est mis dans le pétrin. Déclaré coupable en octobre 2016 de trois chefs d’accusation, dont d’aliénation de biens dans l’intention de frauder des investisseurs, l’homme de 79 ans a entendu les représentations sur sentence le mardi 14 février dernier au Palais de Justice de Saint-Joseph.

Il faut rappeler que le fils en question, Pierre Jolicoeur, avait reçu une peine de six ans et demi de pénitencier en 2013 pour avoir extorqué plus de 12 M$ à une soixantaine d’investisseurs de la région. Mentionnons qu’il a déjà été libéré de sa maison de transition et qu’il étudie actuellement à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Tout avait commencé lorsque Pierre Jolicoeur était allé à la rencontre de son père en juillet 2010, alors touché par une ordonnance de blocage de l’Autorité des marchés financiers (AMF). « Il est venu me voir en pleurant. Il avait besoin de 25 000 $ pour sécuriser de l’argent des investisseurs placé aux États-Unis. L’AMF avait bloqué son compte. Je lui ai prêté, je ne l’ai jamais revu », a raconté le paternel.

Deuxième bévue, malgré l’ordonnance, Pierre Jolicoeur avait réussi à vendre son chalet à Lac-Poulin en avril 2011. Or, de cette vente, deux chèques totalisant 83 500 $ avaient été émis au nom de Roch Jolicoeur. L’accusé avait décidé de déposer la somme dans un nouveau compte de banque avant de redonner le tout à la conjointe de son garçon en quatre versements en l’espace de trois semaines.

« L’argent liquide, c’est pratique, pour ne pas que l’AMF mette la main dessus… », a commenté la procureure de la couronne Nathalie Chouinard. Questionné dans le même sens par la juge Johanne Roy, Roch Jolicoeur a laissé entendre qu’il voulait aider la famille de son fils et qu’il n’a pas pensé aux investisseurs à ce moment.

Troisième erreur, en mai 2011, le fils a demandé à son papa d’aller à la rencontre des investisseurs au Georgesville afin de leur expliquer que leur argent était temporairement bloqué à Ottawa. Pendant ce temps, Pierre Jolicoeur avait tenté de mettre fin à ses jours.

« Comme tout avocat, vous avez développé un sentiment de méfiance envers tout ce que votre client vous dit. Comment vous expliquez que vous êtes resté aveuglé? », a demandé Mme la juge. « Quand le client c’est ton fils, la différence est énorme. C’est moi qui a été assez fou de le croire. J’aurais dû être plus prudent », a-t-il répondu, en précisant avoir aujourd’hui renié et déshérité son fils. « Je l’aime encore comme un père aime son fils, mais je ne peux plus le sentir. Il m’a trahi, il m’a ruiné, il m’a humilié… Il n’y a rien qu’il n’a pas fait. »

Ainsi, Roch Jolicoeur connaîtra sa peine le 1er mai prochain.