Prisonnier de ce funeste oubli
«Les mémoires de quelqu’un qui oublie tout, ça doit être divertissant!»
C’est en ces termes qu’Édouard, personnage principal de la pièce «Tu te souviendras de moi» présenté vendredi à la Méchatigan, qualifie son petit calepin noir dans lequel il écrit ses souvenirs pour tenter de résister à la maladie qui va le détruire et mettre à mal sa famille.
Brillant professeur, véritable puits de science, Édouard sent le passé et l’avenir se refermer sur lui, comme les mâchoires d’un étau, pour ne lui laisser que la mince tranche de l’instant présent. Incapable de se souvenir ce qu’il a mangé pour déjeuner, il peut vous raconter en détail l’époque du référendum de 1980. Puis, petit à petit, même ses souvenirs lointains l’abandonneront.
Après le départ de sa femme, parti avec un autre homme, c’est sa fille Isabelle et son conjoint Patrick qui prennent la relève, ainsi que Bérénice, la fille de Patrick. La présence de cette dernière rappellera à Édouard l’histoire de sa seconde fille, suicidée à 19 ans, une mortalité qu’il avait pourtant enfouie au fond de sa mémoire.
La pièce porte principalement sur les épaules de Guy Nadon, tout simplement magistral dans le rôle d’Édouard. Il défile des pages et des pages de texte en passant du maître enseignant au mari déboussolé, du père éploré au sociologue en perte de savoir, en enchaînant les «vous êtes qui?» qui deviendront de plus en plus fréquents au fur et à mesure que la pièce avance vers sa fin.
«Tu te souviendras de moi» traite avec humour et sensibilité d’un sujet difficile : la maladie d’Alzheimer. L’auteur François Archambault a su trouver les mots pour désamorcer le côté tragique, grâce à l’humour, sans pour autant perdre de vue le drame que la maladie fait vivre à sa victime et, aussi, à tout son entourage.
(Le titre de l’article est tiré de la chanson L’oubli de Michel Rivard.)