Un buffet d’inégalités

Il est parfois plus tentant, ou facile, d’imaginer que personne ne vit avec une situation financière précaire. À travers une activité ludique, les membres du Groupe de Réflexion et d’Action sur la Lutte à la Pauvreté (GRAP) de la Nouvelle-Beauce ont servi une bonne dose de réalité à la quarantaine de participants de la deuxième édition du Déjeuner 100 préjugés. L’événement a eu lieu le jeudi 27 octobre dernier au Centre Caztel de Sainte-Marie.

L’astuce était la suivante. À leur arrivée, chacun des invités se voyait remettre une enveloppe qui contenait une identité fictive ainsi que quelques faux billets de banque. Il ou elle se retrouvait ensuite devant un buffet bien garni, mais ne pouvait placer dans son assiette que ce que le budget initial permettait. Une autre règle forçait aussi les plus riches à ne pas partager avec les moins bien nantis.

« L’idée est de montrer que face à l’abondance, il n’y a pas la même abondance pour tout le monde », a expliqué Luce Lacroix de la Maison de la Famille Nouvelle-Beauce. Il est à noter que les convives ont pu manger à leur faim une fois l’exercice terminé.

L’une des pauvres du jour était Nancy Labbé de la Chambre de commerce et d’industrie de la Nouvelle-Beauce. « J’étais frustrée. Je ne pouvais pas prendre de toast, je ne pouvais pas prendre de café… », a-t-elle témoigné, avant de confessé avoir dérobé une seconde tranche de bacon.

Pour Steve Rouleau, conseiller municipal à Sainte-Marie, l’activité lui a permis de revenir à une époque où chaque pièce de monnaie laissée dans sa voiture était cruciale pour payer l’épicerie de la semaine. « Ça fait réaliser qu’on est chanceux et que c’est important de donner au suivant », dit-il, d’avis que le tout aurait avantage à être répété.

D’autres participants ont mentionné la difficulté de faire des choix, la conscience du coût des aliments (plus ou moins abordable selon les cas), le stress de bien calculer, et le fait que manquer de sous était cocasse dans la file d’attente du déjeuner, mais dans la réalité, il s’agit d’une terrible difficulté.

État de la situation

De plus, il a été soulevé que la pauvreté augmente rapidement en Nouvelle-Beauce, avec 955 demandes d’aide alimentaire chez Moisson Beauce en 2010, pour atteindre 2049 en 2015.

De la Sûreté du Québec, l’agente Marie-Joëlle Girard est venue confirmer que des vols de vêtements, vols de nourriture dans les résidences et vols à l’étalage dans les marchés d’alimentation sont choses courantes dans la région. Également, ceci est sans compter d’autres conséquences possibles à la pauvreté, dont l’alcoolisme, les frustrations pouvant mener à la violence, le décrochage scolaire, les dépressions et les tentatives de suicide. Il y aurait même un certain nombre de personnes qui vivent littéralement dans leur voiture.

Dans cette optique, les responsables du GRAP souhaitent que les personnes présentes retiennent que tout le monde est touché par la pauvreté à un moment ou à un autre de sa vie. Avis aux intéressés, l’activité de sensibilisation connaîtra peut-être une troisième édition l’an prochain.