Vraiment vouloir
SOCIÉTÉ. Un père de famille raconte comment il est parvenu à sortir de sa dépendance à la cocaïne.
Appellons le David. Nous l’avons rencontré en compagnie de son intervenante, dans l’un des CLSC de Chaudière-Appalaches. Dès qu’on lui a demandé s’il était ouvert à parler à un journalise, il a dit «oui». Son élan en a surpris plusieurs. David a revêtu un rôle qu’il connaît peu, celui de témoigner, de raconter son histoire.
La sienne commence avec une blague aux conséquences désastreuses. Les collègues de sa «shop» ont mis du lubrifiant sur un lourd objet. David l’a soulevé. L’objet a glissé hors de ses mains. Il est tombé sur lui et causé trois hernies discales. «Je ne pouvais plus travailler. Je passais mes journées sur le sofa. J’ai même eu une infirmière parce que j’étais incontinent. Vous pouvez vous imaginer ce que ça peut faire pour le moral», décrit-il.
Cuisante douleur
Le jeune âge de David au moment de l’accident a joué en sa défaveur. Les médecins espéraient que sa colonne vertébrale guérisse d’elle-même. Il a attendu sept ans avant son opération pour qu’on lui retire trois vertèbres. Après ses deux ans de réhabilitation, David a tenté de retrouver une vie normale, mais «ça n’a pas été long, j’ai réalisé que je ne pourrais plus travailler. Ma corpulence, ma force, c’était mon point fort.» Les larmes aux yeux, son intervenante lui tend des mouchoirs. «Parler de tout ça me fait revivre des émotions», répond David, à la question silencieuse.
Dépité, il s’est mis à consommer de la cocaïne pendant environ deux ans. Pourquoi un stimulant plutôt qu’un antidouleur? La drogue endormait son mal, dit-il. David était plus fonctionnel. Quand il était «high», il pouvait tondre le gazon ou faire la vaisselle; des tâches quotidiennes, autrement très douloureuses.
Deux ans de consommation et huit ans d’abstinence ont succédé à sa réhabilitation.
«Sentir les poignées de sa tombe»
David est retombé dans la cocaïne au printemps dernier après huit ans d’abstinence. Sa relation avec les enfants et son amoureuse se sont désagrégées. «L’un est tombé dans la drogue. Il ne le prenait pas trop bien quand je lui parlais du mal que ça peut faire, poursuit David. Je n’ai jamais pu prendre ma place. Ma conjointe n’osait pas me demander de l’aide. L’autre semaine, on s’est laissé.» Il s’est mis à sortir dans les bars. Tout pour éviter d’être à la maison. Il a rencontré des «amis» profiteurs. «J’ai tenté de passer par-dessus. J’ai consommé assez pour péter. Je pouvais faire une ligne et me mettre à pleurer. J’ai senti les poignées de ma tombe», évoque David.
Urgence d’agir
Il s’est présenté en septembre à l’Urgence. L’épaisseur de son dossier fait peur. On lui adosse souvent une étiquette d’un homme qui cherche des opioïdes. «La morphine ne me fait rien. Je me suis déjà présenté une première fois, mais ils m’ont reviré de bord. Cette fois, j’ai fait comprendre à l’infirmière que je m’étais présenté pour chercher de l’aide», enchaîne David.
Après quelques semaines de thérapie, David a repris avec sa conjointe. «Nous avons passé de dures épreuves, avoue-t-il. Il faut vraiment vouloir s’en sortir. Je dis aux toxicomanes: vous avez le contrôle sur votre vie. Quand tu n’es plus capable, il faut s’asseoir et y penser.»
Endosser la cape de père
Après l’échec de se sentir utile en poursuivant un DEP et dans plusieurs emplois, David pense avoir trouvé son rôle, celui de père. Sa joie est vive quand il en parle. Elle l’est davantage lorsque son intervenante lui suggère de revenir au CLSC, parler de son histoire, aider les autres toxicomanes.
David est sorti de thérapie. Il a compris qu’il peut toujours être utile, simplement plus physiquement.