Serge Mathieu met un terme à 46 années de livraison de pain

Ce vendredi 23 décembre, Serge Mathieu de Saint-Joseph n’aura pas à se lever au milieu de la nuit pour préparer sa journée de livreur de pain. L’heure de la retraite vient de sonner.

C’est en 1970 que Serge Mathieu entamait le métier auquel il a été fidèle pendant 46 ans. Les temps ont bien changé depuis cette époque, raconte-t-il. «Au début, je mettais 20 $ d’essence par semaine dans mon camion. Aujourd’hui, ça me coûte 200 $. Puis le pain qui se vendait 0,29 $ l’unité vaut maintenant 3,50 $.»

Serge Mathieu a connu l’époque faste des livraisons à domicile où les gens n’avaient qu’à accueillir leur livreur pour se procurer pain et gâteaux, mais aussi les chips, la liqueur, le lait… «Il arrivait même, des fois, qu’on voit trois ou quatre camions dans la même rue.»

Déclin et relève

Les temps ont bien changé. Le déclin a commencé à se faire sentir au milieu des années 1980 quand s’est accentuée l’offre du pain dans les grands magasins, précise celui qu’on appelle familièrement le boulanger. Et depuis cinq ans, la baisse se fait davantage sentir puisque la clientèle est vieillissante. «Avant, quand on perdait un client, on en retrouvait un autre. Maintenant, ce n’est plus possible.»

Ce service n’intéresse pas les jeunes et il ne leur convient pas en raison de leur mode de vie. Les supermarchés ont volé la vedette!

Alors que Serge Mathieu a maintenu, pendant longtemps, un volume de 500 clients, il en avait maintenant 300. Mais cela ne l’empêchait pas de bien rouler sa bosse. Au fil du temps, ajoute-t-il, le travail a connu une certaine concentration. Au lieu de faire des livraisons deux ou trois fois par semaine à la même adresse, il ne s’en faisait plus qu’une, ce qui concourt à une économie de temps et de frais.

Pour le Joselois, la relève était quelque chose d’à peu près impensable. D’abord, il n’a trouvé personne intéressé à débuter son travail vers trois ou quatre heures du matin en commençant par emplir son camion des denrées du jour et à rentrer à la maison vers 19 h. Puis, il y a un autre fait : «Mes clients me disaient qu’ils ne voulaient pas me remplacer par un autre. »

Un tas de souvenirs

Cette relation privilégiée avec ses clients dont un couple qu’il sert depuis toujours, Serge Mathieu l’a même vécue de façon intense avec un couple de Saint-Joseph. Tous les mercredis matin, l’homme et la femme l’attendaient pour déjeuner. Cela a duré environ 25 ans..

Des faits marquants, le livreur de pain en vécus d’autres, c’est sûr. Certaines fois, des tempêtes de neige l’obligeaient à parcourir de longues entrées de maison non déblayées.

Puis, il y a eu ce jour, au détour des années 2000, où il avait recueilli en plein milieu de l’avenue du Palais à Saint-Joseph, un sac de dépôt. Il contenait 15 000 $. Le précieux butin avait été déposé, au préalable, sur le toit de la voiture de sa propriétaire qui l’avait oublié là avant de prendre la route. Grâce à des pièces d’identité à l’intérieur du sac, cette dernière avait pu récupérer son bien.

Si tout était à refaire, Serge Mathieu, qui n’a jamais manqué une journée de travail, n’hésiterait pas : il ferait le même métier. «J’ai été choyé et d’ailleurs, je veux remercier toute ma clientèle qui m’a fait confiance durant toutes ces années.»