Saint-Bernard prêt à tourner la page

COMMUNAUTÉ. La journée du 13 octobre 1997 restera à jamais symbolique pour les gens de la région. Ce jour-là, c’était un lundi, jour de l’Action de grâce. Un autocar transportant 47 personnes de Saint-Bernard était au cœur d’une sortie de route qui faucha 44 vies aux Éboulements, dans Charlevoix. Seulement quatre personnes ont survécu à l’accident.

Ce jeudi 13 octobre marquera donc les 25 ans de la tragédie. 25 ans, c’est un quart de siècle. Un moment où la localité soulignera une nouvelle fois l’événement. Ce pourrait toutefois être la dernière, avant un bon moment.

Michel Leblond était bedeau de la paroisse au moment des événements et l’est toujours aujourd’hui. « Nous l’avons fait tous les 5 ans et nous avions toujours dit qu’après 25 ans, il serait -peut-être temps de passer à autre chose. C’est toujours un peu délicat. Des familles nous disaient d’en revenir et d’autres nous demandaient si nous avions quelque chose. On a toujours dit, on fait quelque chose et celles et ceux que ça n’intéresse pas demeureront chez eux. »

Journaliste à Radio-Beauce, Patrice Moore, dont la mère est décédée dans l’accident, s’était improvisé porte-parole des familles à l’époque, un peu par accident. « Toutes les familles avaient été conviées à la morgue de Québec pour l’identification des corps. Il y avait beaucoup de journalistes à la porte. Ils ne nous agressaient pas, mais étaient là dans l’espoir de parler à quelqu’un. La Sûreté du Québec m’a suggéré de le faire et le tout s’est enchainé. Une fois que tout s’est transféré à Saint-Bernard, ça s’est poursuivi, surtout que la résidence de ma mère était face à l’église. J’ai essayé de leur donner un peu de matériel, tout en me respectant -à-dedans et souhaitant soulager un peu les familles concernées aussi. »

Michel Leblond avoue que la tragédie a été difficile, à la fois pour les citoyens, les paroissiens et pour la fabrique locale qui venait de perdre bon nombre de fidèles d’un seul coup. La communauté a pu se reconstruire depuis. « Nous avions perdu la ménagère, quelques marguilliers et plein de bénévoles. C’était des gens en forme et qui venaient nous aider. Les gens se sont pris en main. Nous n’avions pas le choix. Des gens arrivaient à leur retraite et s’impliquaient, surtout des femmes, parce que les maris étaient toujours sur le marché du travail. »

L’arrivée de nouvelles personnes ne s’est pas faite sans heurts, rappelle M. Leblond. « Ils arrivaient avec de nouvelles idées, une vision différente et ça ne plaisait pas à celles et ceux qui s’impliquaient déjà. C’était normal. »

Une boucle à boucler

Le maire actuel, Francis Gagné, est natif de Saint-Bernard, mais avoue avoir peu de souvenirs des événements, lui qui n’avait que 15 ans à l’époque. « Contrairement à beaucoup de monde, je n’avais pas de proches impliqués dans l’accident. Nous étions conscients de tout ça, mais avons été moins impliqués que d’autres émotivement. Ça fait tout de même partie de notre histoire, c’est un incontournable. »

Il ajoute que même si le temps a fait son œuvre, le nouveau conseil municipal trouvait important de se souvenir de toutes ces personnes parties tragiquement. « Le départ de ces gens qui jouaient un rôle actif dans notre communauté a laissé un trou immense à Saint-Bernard et nous en ressentons le vide, même après toutes ces années. Nous souhaitons, le 13 octobre, leur rendre hommage publiquement une dernière fois, ce jeudi, pour ensuite se tourner vers l’avenir et vers les générations futures. »

Le maire de l’époque, Liboire Lefebvre, a été premier magistrat de la localité pendant 20 ans. Il se souvient encore comment il a appris la nouvelle. « J’étais en train de livrer un voyage de bois chez mon fils quand le téléphone a sonné. C’était la Sûreté du Québec. Ils m’ont demandé si j’étais au fait qu’un autobus était parti du village ce matin-là et j’ai dit oui. C’est là que j’ai appris qu’il y avait beaucoup de morts. Nous avions ouvert la salle municipale pour recevoir les gens. J’avais de bonnes relations avec les policiers qui m’ont beaucoup aidé là-dedans. »

Selon lui, les gens ont heureusement tourné la page depuis. « On se souviendra toujours de ce qui s’est produit, mais pour la plupart, c’est du passé. D’autres veulent se souvenir. Ce n’est pas tout le monde qui a la même approche. »

Si certains ont déjà franchi cette étape, Michel Leblond insiste toutefois pour dire que ne rien faire ne voudra jamais dire qu’on oublie. « 25 ans, c’est une génération, c’est une boucle qu’on tire. On n’oubliera jamais. Qu’on le veuille ou non, nous sommes associés à l’accident, comme Les Éboulements. »

La Fabrique locale tenait tout de même à souligner la chose dimanche dernier, alors qu’une célébration spéciale s’est déroulée en mémoires des victimes de la tragédie et dont les noms ont été prononcés. Celle-ci a été célébrée par l’abbé Marc-André Lachance qui était curé de la paroisse au moment des événements. « Il avait identifié les défunts et avait fait les célébrations de l’époque. L’équipe pastorale lui a demandé de venir pour l’occasion », ajoute M. Leblond qui souligne que la communauté de Les Éboulements entendait faire de même le 16 octobre prochain.

La municipalité de Saint-Bernard se prépare également à souligner la chose lors d’une activité de commémoration qui aura lieu ce jeudi 13 octobre prochain, à 13 h 50, au monument souvenir situé entre l’Hôtel de Ville et le bureau de poste. Toutes les personnes qui se sentent interpellées pourront se joindre au groupe pour se recueillir.