Passer de plongeur à cardinal
Le cardinal Gérald-Cyprien Lacroix est un homme de terrain et sans prétention. Tout jeune, en même temps qu’il plongeait ses mains dans la vaisselle d’un restaurant, il s’est imprégné du désir d’aider les autres et de célébrer l’humanité : des valeurs qui l’animent toujours.
«Je ne suis pas carriériste; je suis bien au ras des pâquerettes.» Demeurer un prêtre heureux, c’est tout ce qu’il souhaitait et lorsqu’il a été désigné à de plus hautes fonctions au sein de l’Église, il ne voulait surtout pas se retrouver dans le rôle d’un bureaucrate usant son temps à signer des papiers. Dans son esprit, la question a vite été réglée. «Je suis et serai Gérald tout simplement »
Les valeurs de la vie que Gérald-Cyprien Lacroix a adoptées, il les a d’abord apprises auprès de ses parents qui ont émigré à Manchester, au New-Hampshire. C’était en 1967. Le couple avait joint un groupe de l’évangile axé sur le partage avec les autres. «Cela m’a beaucoup influencé.»
Un bébé mourant change tout
D’abord plongeur, puis gérant de restaurant et graphiste, le cardinal Lacroix avait 25 ans quand il a voulu profiter d’un congé sans solde, pour vivre une expérience humanitaire en Colombie. Au départ, son contact avait refusé son offre parce qu’on ne pouvait lui prodiguer aucun confort. «Je me suis dit que c’était parfait comme ça, que j’y allais.»
Dans une région d’extrême pauvreté, le futur cardinal avait surtout été marqué par un événement en particulier : l’imploration d’un jeune père qui voulait qu’on sauve son bébé mourant de deux mois. Il ne pouvait aller à l’hôpital parce que la famille y avait un compte qui n’avait jamais été acquitté et avant tout, il souhaitait qu’on baptise son enfant.
Après des recherches infructueuses pendant toute une journée, Gérald-Cyprien revenait auprès de la famille. « Comme il est possible de donner le sacrement en cas d’extrême urgence, je l’ai fait. » Le lendemain, il retournait à la maison, mais elle était abandonnée. « Je n’ai pas dormi pendant trois nuits et j’ai senti comme un appel », témoignait-il lors du dernier déjeuner de la Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Joseph.
Au cœur d’un paradis de la drogue
De retour au Québec, Gérald-Cyprien entreprenait ses études de prêtrise et en 1990, il se retrouvait à nouveau en Colombie à la tête d’une paroisse de 85 villages perdus au cœur des Andes, un terrain propice à la culture de la cocaïne où régnait beaucoup de violence.
Dans la principale communauté, on avait relevé 35 meurtres la première année de ses neuf années de cure. On lui disait que cela était normal. «Normal? Je suis né à Saint-Hilaire-de-Dorset en Beauce, un gros village de 101 habitants et des assassinats, il n’y en a jamais eu.»
Des messes trop courtes
N’empêche qu’au milieu de ces lieux remplis de souffrance, le cardinal a découvert combien les Colombiens étaient empreints d’une foi inébranlable.
Il est même arrivé qu’on se plaigne de ses homélies lors de ses messes dominicales parce qu’elles étaient trop courtes. «Ces rassemblements étaient une fête. On n’en a pas le sens ici et c’est que je souhaiterais. Je voudrais que nos communautés deviennent des communautés de vie.»
Ce que le cardinal retient des valeurs de la vie qui ont parsemé son parcours, ce sont l’espérance et la persévérance. Rien n’est jamais impossible, dit-il. «Dieu rend capables ceux qu’il a choisis.»