Le temps l’emportera

MÉMOIRE. Le sacristain de Saint-Bernard, Michel Leblond, se rappelle très bien de la journée du 13 octobre 1997.

Il faisait beau le lundi de l’Action de grâce. Il faisait partie d’un groupe de cinq de la paroisse de Saint-Bernard. Ils se sont rendus en voiture chez un couple d’amis d’Honfleur. Le curé de Saint-Bernard, Marc-André Lachance, était parmi eux.
L’après-midi s’étirait lorsque le curé reçut, sur son pagette un numéro «514». Il rappela immédiatement le numéro et c’était un journaliste à l’autre bout du fil. «Il nous a dit d’allumer la télévision. C’est comme ça qu’on l’a su», conte Michel Leblond.
Beauce Média a rencontré le sacristain à l’église de Saint-Bernard, en pleine préparation de la messe commémorative du 8 octobre. «On ne veut pas trop leur faire revivre le drame. On souhaite se rappeler les gens qu’on aimait», décrit-il. Vingt ans plus tard, la tragédie suscite des réactions diverses. Certains ne souhaitent pas en parler, d’autres ont encore une vive cicatrice, mais pour la plupart la page est tournée. «Il y a même des personnes qui disent que leurs parents sont décédés d’une belle mort. À plus de 80 ans, ils n’ont pas souffert et les couples sont partis ensemble», confie Michel Leblond.

Prémonition ou coïncidence?

Lors du souper, la veille de l’accident, Michel Leblond était attablé avec sa mère, la secrétaire de la paroisse et l’abbé Lachance. Les gens autour de la table ont tenté pendant le repas de convaincre la mère de M. Leblond d’être du voyage. Deux ans plus tôt, elle s’était rendue à L’Isle-aux-Coudres lors d’un voyage similaire. «Elle n’a pas aimé la côte des Éboulements. On lui avait dit: "si tu y vas, on vient avec toi", mais elle n’a pas changé d’idée, raconte M. Leblond. Depuis la tragédie, elle n’a jamais refait de voyages.»

Symbole toujours vivant

Dans le grenier de la sacristie, après une série de marches étroites, Michel Leblond retire une grande couronne de Noël, rangée entre deux poutres. Tous les ans, à l’occasion des Fêtes, il l’installe sur la porte de l’église. Un ruban entoure la couronne et le nom des 43 défunts y est inscrit. Elle a été confectionnée par les propriétaires de la Maison de Noël de L’Ange-Gardien; le dernier arrêt de l’autobus avant la côte des Éboulements. «C’est un symbole important. Il nous rappelle les proches qu’on a perdus», explique Michel Leblond.

L’histoire de la couronne

«Nous sommes les derniers à les avoir vus vivants. La boutique était fermée les lundis, mais on a ouvert juste pour eux, conte Thérèse Bonenfant, l’ancienne propriétaire de la Maison de Noël. Ma mère vient de Saint-Isidore. Dès que nous avons su le nom des victimes, je n’ai pas pensé à quoi que ce soit et j’ai confectionné la couronne.»
Thérèse Bonenfant demeure toujours à L’Ange-Gardien, dans la maison où se trouvait la Maison de Noël du Boulevard Saint-Anne. «On les a tous vus heureux et ensemble, ajoute-t-elle, la voix brisée par l’émotion. Je me rappelle d’un homme avec une belle croix autour du cou. Il a dit: "Avec lui, on va faire un beau voyage."»
Thérèse Bonenfant se dit heureuse de savoir que la couronne est toujours accrochée dans l’église chaque année. Elle espère que son geste ait pu aider les gens de Saint-Bernard à passer au travers du deuil.