Le microbiote de l’eau d’érable et son effet sur le goût

BIOLOGIE. Tout un écosystème encore méconnu s’agite dans la sève d’érable. Les microorganismes qu’on y retrouve sont susceptibles d’influencer le goût du sirop.

L’eau d’érable possède tous les nutriments dont ont besoin les bactéries pour s’y développer: de l’eau, des sucres et de l’azote. «L’eau d’érable est très similaire aux cultures bactériennes que j’utilise en laboratoire», montre Marie Filteau, du département de biologie de l’Université Laval.

La chercheure a publié en 2011 une importante recherche doctorale sur la composition naturelle des microorganismes de l’eau d’érable et leurs impacts sur la qualité du sirop.

«Les microorganismes vont définitivement influencer la saveur, mais dans quelle mesure ils vont le faire. On ne le sait pas. C’est toujours au stade théorique pour l’instant», a-t-elle décrit dans un entretien téléphonique avec Beauce Média.

La démonstration qu’un microorganisme en particulier apporte une saveur au sirop n’a pas encore fait l’objet d’une étude approfondie. Le savoir-faire du producteur, le métabolisme de l’arbre et le microbiote sont tous des éléments qui donnent la saveur au sirop d’érable.

«Au départ, si certaines molécules de la sève étaient absentes, on ne serait jamais capable de développer un certain goût», décrit Marie Filteau. Les notes de noisettes, épicées ou lactées sont certaines des saveurs qu’on pourrait associer à la présence de microorganismes. Ces saveurs seraient directement le résultat des bactéries ou les contributrices. «Il y a des saveurs qui sont développées au cours de la cuisson, mais dont les précurseurs peuvent être le résultat d’une activité microbienne.»

Territoire

L’un des sujets qu’espère développer la chercheure est celui des différences dans la composition de la sève d’une région à une autre au Québec. Des indices tendent à démontrer que la sève n’a pas les mêmes levures d’une région à l’autre du Québec.
Les levures, de petits champignons microbiens, permettraient de dresser un portrait selon la provenance de l’eau d’érable. «La piste des levures semble prometteuse pour les départager selon le territoire», dit Marie Filteau. «Mais ça reste encore à l’état d’hypothèse.»

Elle raconte même qu’avec le temps il serait possible de développer une appellation d’origine contrôlée (AOC) pour le sirop d’érable à partir de ces différences. Pour y arriver, il faut pouvoir retrouver les traces des microorganismes dans le sirop. Cette tâche prendra encore plusieurs années de recherche.

L’eau d’érable fluorescente

Les Pseudomonas fluorescens sont les principales bactéries qui composent la sève. «On les appelle comme ça parce qu’elles produisent un pigment fluorescent lorsqu’on regarde la sève sous une lumière ultraviolette», décrit Marie Filteau. Cette souche de bactéries aime le froid et on la retrouve généralement en association avec les plantes. Des bactéries lactiques se retrouvent dans la sève de façon naturelle.

Certaines des levures de la sève ne sont pas très connues. Les seuls endroits où les scientifiques les ont isolées sont dans des glaciers.

«Il y a plusieurs éléments méconnus de la sève. 2% de la masse solide de l’eau d’érable sont des composés qui ne sont pas bien identifiés», dit Marie Filteau.

L’eau d’érable recèle encore bien des mystères.

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