La fin du restaurant Chez Nico

Vallée-Jonction a perdu l’une de ses institutions, au cours des derniers jours, avec la fermeture du restaurant chez Niko, le dimanche 23 octobre dernier.

Pour les propriétaires du commerce, Nicole Labbé et Lucien Patry, tourner la page a été une décision difficile à prendre, mais c’était la bonne, surtout qu’une opportunité de vendre le bâtiment s’est présentée.

L’âge, la fatigue et une opportunité de vendre résument les raisons de la transaction, explique Mme Labbé. « J’ai réalisé que j’avais 69 ans. Je ne m’étais arrêté à ça. Je ne m’étais jamais arrêté à mon anniversaire de naissance. Cette année, ça m’a dérangé, parce que l’an prochain, j’aurai 70 ans. Je regardais les gens de cet âge au comptoir et je me disais que je me dirigeais vers ça. »

Les derniers mois ont été difficiles, avoue Mme Labbé, qui sentait que la tâche devenait de plus en plus lourde. Son état de santé est devenu aussi une préoccupation, avec le temps. « Ces derniers temps, quand je débarrais la porte le matin et je me disais, mon Dieu, soutenez-moi encore aujourd’hui. Ça devenait difficile. Ça me fait de la peine, mais je n’ai plus la force. Je me regarde les mains, les pieds, mes genoux font mal, je suis rendu là. J’ai passé ma vie debout, l’adrénaline au plafond, du matin au soir. »

Il était aussi difficile de trouver des employés, ce qui fait que le couple a dû mettre les bouchées doubles. L’une des filles du couple venait prêter main-forte à ses parents les week-ends, même si elle demeure à l’extérieur. « Avoir eu un cuisinier ou une cuisinière qui aurait pu faire environ 30 ou 40 heures dans une semaine, le scénario n’aurait pas été le même. Nous avions toujours espoir de trouver quelqu’un pour continuer. Nous avions même des projets. J’avais l’idée de défoncer un mur pour aménager une terrasse l’été, notamment », indique M. Patry.

« Si j’avais eu quelqu’un pour me remplacer quelques après-midis dans la semaine, nous serions encore là. Mon but était de me rendre à 40 ans, mais je ne suis plus capable », ajoute Mme Labbé.

La pandémie a eu ses effets sur la rentabilité du commerce et l’inflation actuellement visible a aussi ses conséquences. « La nourriture a augmenté, tout comme ce qui est nécessaire à l’entretien du commerce, des équipements et autres. Des clients commandaient par téléphone et nous disaient qu’ils trouvaient ça cher en venant chercher leur commande. Ce n’est pas la faute de personne en particulier si tout augmente, mais ça a un impact sur nos prix, surtout que nous souhaitions garder un bon produit », confie M. Patry.

Contexte favorable

À l’époque de l’achat du commerce, le couple se rappelle que ce devait être pour quelques années seulement. Malgré toutes les mésaventures, le couple a tenu bon. Des accidents notamment en raison de la côte à proximité, notamment en 1990 où le bâtiment avait dû être complètement refait. « Au moment où nous avons acheté, on s’était dit, on l’achète, on le remonte et on va ensuite le revendre. On s’était dit entre trois et cinq ans. On l’a agrandi deux fois, reconstruit trois fois et rénové une fois, il y a une dizaine d’années. Nous avions des projets d’avenir, jusqu’à ce que Nicole me dise qu’elle était rendue au bout. Là, le constat était simple », résume Lucien Patry.

Une opportunité de vendre s’est présentée. Il ne fallait pas la rater, selon lui. « On s’est dit qu’il ne fallait pas passer à côté. Si jamais on refusait, quand est-ce que ça aurait pu revenir. Nous aurions aimé que ça demeure un restaurant. C’était un lieu de rassemblement pour plusieurs. On sait que ça fait de la peine à des gens. »

À l’image de bien des commerçants, Mme Labbé connaissait très bien sa clientèle, surtout ses réguliers. « Je savais ce qu’ils commanderaient pour plusieurs. Quand je voyais arriver l’auto, je le savais. Je venais en maudit quand ils changeaient de voiture et qu’ils ne me le disaient pas », raconte-t-elle en riant.

Toujours actifs

M. Patry ajoute qu’il n’avait pas le même avantage. « Tôt le matin, c’était moi souvent qui servais les clients. Plusieurs me disaient, comme d’habitude. Je répondais que je ne le savais pas et il me disait simplement de le dire à Nicole. C’était la même chose pour les nouvelles serveuses. »

S’il y a eu quelques événements inusités au cours des années, la camaraderie et la complicité avec les clients demeurent le fait saillant des 36 dernières années. « Nos premiers clients ont été des entrepreneurs de la région dont les enfants ont pris la relève. Ce sont eux qui venaient nous voir au cours des dernières années. Notre premier client a été M. Jos Gagnon de Saint-Joseph et dimanche, c’est son garçon qui est venu fermer. C’est lui qui a repris l’entreprise familiale et il tenait à être le dernier client, en mémoire de tout ça. »

Si M. Patry entend continuer de travailler pour son employeur actuel et de passer davantage de temps à l’érablière de son fils, Mme Labbé, elle, entend profiter des prochaines semaines pour remettre sa maison en ordre. « Je vais remettre ma maison à mon goût. Je vais m’occuper, c’est sûr. Je vais peut-être faire un peu de bénévolat. On a aussi un motorisé acheté cette année et j’ai l’intention de courir les festivals. »

La famille deviendra aussi une priorité du couple. « Nous avons huit petits-enfants et deux arrière-petits-enfants. Je vais faire la vraie mamie », insiste-t-elle.

Ah oui ! L’acheteur, un homme de Saint-Elzéar, compte aménager une boucherie à l’intérieur du bâtiment.