Des veaux qui ne trouvent pas preneurs

AGRICULTURE. Beauce Média a visité l’encan de Saint-Isidore afin de rétablir les faits entourant l’euthanasie des veaux

Tout a démarré à la suite d’une publication sur les réseaux sociaux. Les membres du groupe Facebook «Vaches Laitières en Surplus Québec» ont largement commenté et partagé une publication du vendredi 6 octobre.

L’auteur de la publication affirme que l’encan de Saint-Isidore a euthanasié trente veaux, dont l’un des siens, «sous prétexte qu’ils en avaient trop à vendre».

Après avoir contacté des transporteurs d’animaux de la région, Beauce Média a visité les installations, le lundi 9 octobre. Le directeur de l’établissement, Eduardo Maciocia, a bien voulu ouvrir ses portes et montrer ce qui en était.
L’encan est un très grand bâtiment, situé à la sortie Saint-Isidore de l’autoroute 73. Plusieurs dizaines de véhicules de transport d’animaux sont stationnés.
Pour chacun des deux jours de vente d’animaux, les lundis et mercredis, quelque 600 veaux transitent à l’encan. Entre 20 et 30 d’entre eux ne trouvent pas preneurs, selon l’encanteur, soit environ 5% de tout le cheptel. Ils sont euthanasiés sous la supervision du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Le lundi 9 octobre, une dizaine l’ont été. Le mercredi 11 octobre, 50 veaux ont subi le même sort. Il y en aurait 40 de plus, si un abattoir ne les avait pas achetés.

L’encan des veaux

La vente des veaux se déroule de la façon suivante. Les bêtes sont amenées, par une porte dérobée, dans un amphithéâtre pouvant accueillir une quarantaine de personnes. En contrebas, les veaux sont présentés aux acheteurs. Une barrière sépare l’enclos de démonstration de la première rangée de sièges, où se trouvent cinq acheteurs. Bien qu’il y en ait que cinq cette journée, chacun des courtiers d’animaux travaille au nom de deux ou trois clients.
Les acheteurs voient passer devant leurs yeux, en grande majorité des petits veaux Holstein, au pelage blanc et noir, quelques Ayrshire et des agneaux.

Pourquoi l’euthanasie?

Les enchères du lundi tirent à leurs fins, nous descendons les marches de l’amphithéâtre pour rejoindre l’encanteur. Il prend quelques minutes pour expliquer la situation.
Les veaux euthanasiés sont ceux qui n’ont pas été achetés. Ils peuvent représenter un trop grand risque pour les fermes d’élevage. Les veaux délaissés sont peut-être chétifs; ils n’ont pas un bon potentiel de gain de poids. D’autres ont de la difficulté à marcher ou ont des malformations. Certains ont la diarrhée ou leur nombril n’est pas sec (risque d’infection).

Les veaux achetés se retrouvent dans des fermes d’engraissement jusqu’à ce qu’ils atteignent un poids de 500 ou 600 livres. Ils sont ensuite envoyés à l’abattoir pour finir dans nos épiceries.

Le directeur du Réseau Encan Québec, Eduardo Maciocia, propriétaire de l’encan de Saint-Isidore et de trois autres au Québec, explique qu’il ne tire pas d’avantage sd’une telle situation. Il ne tire aucun revenu de l’euthanasie de veaux. Il est désavantagé autant que les propriétaires et les transporteurs d’animaux.

Lorsqu’un veau est invendu, l’encan, nous a-t-on dit, a l’habitude d’appeler les propriétaires, mais personne ne vient les chercher.

Pas assez d’abattoirs au Québec

Auparavant, cette catégorie de veaux était envoyée à l’abattoir Lafrance Louis & Fils de Grand-Mère, près de Shawinigan, mais il ne les accepte plus depuis quelques mois. Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) n’aurait pas donné son aval. La propriétaire, Indira Moudi, n’a pas retourné nos appels.

Deux jours après la visite de Beauce Média à l’encan, nous avons été informés que l’abattoir Lafrance acceptait de nouveau les veaux invendus.

Le MAPAQ n’a pas répondu à nos questions au moment de mettre sous presse.

L’une des racines du problème

L’été et l’automne sont aussi des saisons où les vaches donnent naissance à plus de veaux. Les producteurs laitiers souhaitent faire plus de lait. Dans un marché où l’offre et la demande dominent, lorsqu’il y a beaucoup de veaux, les fermes d’engraissement n’ont pas la capacité de tout prendre. Ils deviennent plus sélectifs.

Cette situation a aussi son origine à la ferme. Il existe une minorité de producteurs laitiers qui se débarrassent de leurs veaux. Ils les envoient à l’encan trop jeune, malade, avec une malformation ou alors qu’ils pèsent moins de 100 livres. Ils risquent donc de ne pas trouver preneurs. Claude Viel, président des Producteurs de bovins du Québec, croit que les acheteurs sont plus sélectifs à l’automne, lors d’une période d’abondance de veaux dans les étables. Il avoue que les agriculteurs n’ont pas toujours le temps pour améliorer la condition physique de leurs veaux, mais ils en bénéficieraient en fin de compte.