Beauce Atlas: un modèle de relève d’entreprise

ENTREPRISE. Beauce Atlas de Sainte-Marie fait partie des entreprises choisies par le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ) comme modèle d’une transition réussie en matière de repreneuriat, ou de relève dans une entreprise pour employer une expression plus commune. 

Depuis près d’un an, Nicolas Blais dirige les destinées de l’entreprise que lui a confié son père Germain, après un cheminement bien particulier et qui aura duré plusieurs années, explique Germain Blais qui conserve tout de même, entretemps, la présidence du conseil d’administration ainsi qu’un rôle de mentor auprès de l’entreprise. « Quand j’ai acheté mon dernier associé en 2009. J’avais fait des 100 heures par semaine, jour et soir, et la réflexion a commencé. J’assiste toujours aux rencontres du comité Opération/exploitation où on revoit l’ensemble des départements, ce qui va bien et moins bien, les grands enjeux, les grands projets. On fait le tour et un tri. »

Au départ, Nicolas Blais ne se voyait pas chausser les chaussures de son père au sein de l’entreprise. « Je ne trouvais pas ça sexy de l’acier dans la cour. À 12-13 ans, je voulais faire mes propres trucs. Je disais ouvertement vouloir être policier, jouer au golf et finalement à 16 ans, j’ai décidé d’arrêter mes études pendant un an, question de me ressourcer et parfaire mon anglais. Ça s’est finalement précisé pendant un déjeuner à mon retour. »

Pour le père, cette rencontre a été l’élément déclencheur de la suite des choses. « C’est très important de toujours garder une petite ligne de communication avec nos enfants. Un ado n’est pas toujours facile. C’est lors de cette rencontre que j’ai pu lui exprimer certaines opinions. Il se dirigeait au départ vers la Sûreté du Québec ou la criminologie. Je souhaitais toutefois lui dire ce que j’avais à dire, parce que je ne souhaitais pas qu’il revienne cinq ans plus tard et me dise que j’aurais dû le faire. Je lui ai présenté toutes les possibilités », résume-t-il.

Après quelques mois, Nicolas Blais estime avoir pris un certain rythme. « Ça parait pire de l’extérieur. Quand je suis entré ici en 2012, je voyais qu’il y avait beaucoup de défis, notamment l’anglais, puisque nous avons beaucoup de liens avec la Nouvelle-Angleterre. Sauf que quand tu embarques dans le bain, ça va mieux. Nous un produit de niche quand même, la structure d’acier. Nous sommes une équipe de 300 avec 12 directeurs et chacun joue son rôle. »

La patience de son père aura finalement permis à Nicolas de bien s’y préparer. « Je ne connaissais rien de la structure d’acier, mais j’adorais les chiffres. Ma porte d’entrée ici a finalement été le volet administratif. J’ai fait mon baccalauréat en finances et mon père m’a dit qu’il m’attendrait. Je n’avais jamais ouvert un plan de ma vie, alors les trois années qui ont suivi m’ont permis d’apprivoiser plein de choses. »

La préparation

PDG du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, Pierre Graf estime que l’enjeu de la relève, au sein de plusieurs entreprises, pourrait brouiller les cartes chez plusieurs au cours des prochaines années. Son organisation s’est saisie de l’enjeu du repreneuriat il y a deux ans. « On s’est rendu compte qu’au Québec, nous aurions un nombre massif d’entreprises qui seraient à céder. Il y en avait 15 000 il y a deux ans et aujourd’hui, c’est 40 000. »

Selon lui, il y a trois enjeux majeurs avec lesquels notre société doit composer. « Le premier indique un taux d’échec de 70 % dans les transferts d’entreprises au Québec. Le second est que les cédants ne veulent pas dire qu’ils cèdent leur entreprise et le troisième, les repreneurs n’ont pas toujours toutes les compétences ou les leviers financiers pour être en mesure de le faire. »

Le Regroupement des jeunes chambres est actuellement en tournée du Québec, avec pour mandat d’initier certaines choses. « On fait de la formation, de la sensibilisation et même des maillages de manière publique ou anonyme. On veut aussi démontrer qu’il y a des réussites et Beauce Atlas en est un super exemple industriel, en région et familial. Il y a beaucoup de leçons à en tirer. »

M. Graf juge que Beauce Atlas prouve qu’une cessation d’entreprise peut être concluante, qu’elle soit familiale ou non. « Les statistiques sont semblables, que l’entreprise soit familiale ou non. Jusqu’à 80 % des entreprises étaient familiales au Québec il n’y a pas si longtemps, sauf que cette proportion est à la baisse maintenant, pour différentes raisons. »

Il suggère que les entreprises se préparent à se consolider en achetant possiblement elles-mêmes des entreprises existantes. « Si cela ne se fait pas, on risque de voir beaucoup d’entreprises passer à des intérêts étrangers. C’est déjà commencé. »

Minimum 10 ans

Germain Blais suggère aux entrepreneurs de réfléchir tôt à leur relève, question d’être bien préparés et d’être persuadés de n’avoir rien négligé. « Il faut quasiment y penser quand on commence. Quand tu atteins 40 ans, tu te dois déjà de penser à qui tu vas placer dans telle ou telle fonction. Tu peux demeurer président, mais qui tu vois comme directeur général, les directeurs de département, etc. »

Pierre Graf estime qu’un transfert d’entreprise efficace peut demander jusqu’à 10 ans. « On en a vu des transferts de 2 à 5 ans, mais c’est très rapide. On essaie aussi d’expliquer aux dirigeants que leur succession est peut-être déjà au sein de leur entreprise et de préparer certaines personnes pour éviter un climat d’incertitude, la perte potentielle de clients et autres. »

Germain Blais est d’accord avec cette opinion. « Chez plusieurs de notre génération, des entrepreneurs ont attendu d’avoir des ennuis de santé avant de se préparer à vendre. C’est catastrophique chez plusieurs. Il faut en parler lorsque tu es en santé pour avoir le temps de structurer tout ça. Une entreprise a une bonne valeur si elle est structurée. Il faut trouver tôt ceux qui vont nous succéder. »

Ce constat fait dire à Pierre Graf que le repreneuriat doit faire partie des réflexions, autant chez les entrepreneurs que les décideurs. « Il faudrait développer une culture de repreneuriat au Québec pour que dès qu’un propriétaire a 50 ans, il pense déjà formellement à la relève, même si le processus dure 15 ans. »