Les dangers du jeu en ligne

SOCIÉTÉ. Les gens aux prises avec une dépendance au jeu ont accès depuis plusieurs années à la Maison L’Odyssée de Sainte-Marie qui se spécialise justement pour intervenir auprès de celles et ceux vivant une problématique de jeu compulsif.

Après avoir dû cesser d’opérer pendant plus de deux ans en raison de la pandémie, la résidence a rouvert ses portes en mai dernier. Une nouvelle donnée apparait toutefois depuis quelques mois. La présence accrue du jeu en ligne et la promotion grandissante autour de la chose.

Intervenant en prévention à la Maison L’Odyssée, Christophe Miville-Deschesne ne peut que confirmer ce constat. « Les gens ayant des problèmes avec le jeu n’auront pas tendance à chercher de l’aide. Ce sont généralement des hommes, et on remarque que l’âge moyen a diminué au cours des derniers mois de 45 à 39 ans, ce qui illustre possiblement que la problématique du jeu en ligne est en hausse comparativement à d’autres formes disponibles, dont les loteries vidéos ou les loteries traditionnelles. »

L’avènement des nouvelles technologies facilite non seulement une offre plus grande, mais aussi la simplicité. « C’est facile. J’ai juste à prendre mon cellulaire ou l’ordinateur et je joue. Il y a aussi une augmentation du marketing pour les hommes fait autour de cela avec le sport maintenant. Les sites vont prétendre que le jeu est gratuit, mais il y a toujours un lien qui mène vers le site payant. Aussi, le taux de retour sur le site payant sera moins élevé que le site gratuit. »

Toutes les dépendances se ressemblent, ajoute M. Miville-Deschesne. « Avec le jeu, le cycle de la dépendance est le même que pour d’autres problématiques, mais le problème est la dopamine que développe le cerveau avec le plaisir de jouer. Les jeux sont aussi toujours attrayants, ce qui incite les gens à continuer. »

L’accessibilité accrue

La problématique est davantage présente depuis la pandémie et l’arrivée des nouvelles modalités du web. « Les revenus de Loto-Québec avaient baissé pendant les deux ans de pandémie, sauf que la portion provenant du jeu en ligne était en hausse de 214 %. Tout le monde était à la maison avec peu de choses à faire et isolé, alors plusieurs ont expérimenté la chose. Des recherches sont actuellement en cours pour mesurer plus précisément les impacts de tout cela », ajoute M. Miville-Deschesne.

« Tu n’as plus besoin de te déplacer et c’est plus facile à cacher. Presque tout le monde a un cellulaire et/ou un ordinateur. Il y a aussi le fait que plusieurs ont leur compte de banque ou de caisse branché directement avec l’application qu’ils utilisent. »

Depuis l’arrivée des dépôts et paiements directs, la dématérialisation de l’argent augmente aussi la problématique chez plusieurs personnes, observe-t-il. « Les gens ne manipulent presque plus leur argent ou ne la voient plus. Tout cela a changé la vision que les gens ont de l’argent. Payer une facture avec un ou deux 20 S ou la payer par carte ne laisse pas la même impression. Comme le jeu est une évasion, les gens ne perçoivent pas l’argent toujours de la même façon, non plus. »

Christophe Miville-Deschesne est intervenant en prévention à la Maison L’Odyssée, mais aussi dans le milieu. Son rôle l’amène à pouvoir aussi intervenir sur le terrain. « Je vais donner des ateliers ici aux résidents, mais aussi sur le terrain. Dans les autres organismes, les écoles, les entreprises aussi qui souhaitent avoir recours à nous. Il y a plein de notions à expliquer pour bien prévenir efficacement le jeu ou autre problème et comment déceler la problématique chez quelqu’un. »

L’avènement du pari sportif et l’augmentation de la promotion autour de cette forme de jeu risquent aussi de devenir difficiles à gérer, estime-t-il. « Ça demeure du hasard, car si le Canadien jour le soir, on ne connait pas plusieurs données. Si un ou des joueurs sont blessés, le gardien de but a eu une mauvaise journée. C’est normalisé davantage que le reste, mais il y a des dizaines de sites qui permettent maintenant de le faire. Il n’y a pas que Loto-Québec qui est concerné, c’est tout un monde. »

La Maison L’Odyssée couvre l’ensemble de la région Chaudière-Appalaches, mais accueille occasionnellement des gens d’autres régions au Québec. « On fait affaire avec le CISSS ici et d’autres régions nous ont déjà recommandé des gens, surtout que certaines ressources qui existaient avant sont fermées. »

La résidence est généralement réservée aux gens touchés par le jeu, mais il arrive que des gens ayant d’autres dépendances fréquentent l’établissement. « Nous avons reçu des clients ayant d’autres dépendances, d’autres établissements ayant fermé momentanément leurs portes au cours des derniers mois. Nous sommes redevenus exclusifs au jeu en septembre dernier. Si toutefois une personne a plus d’une dépendance, dont le jeu, nous allons la recevoir. »

En opération depuis 1999, l’établissement était au départ connu sous l’appellation de la Maison Claude Bilodeau. Elle loge depuis 20 ans à son adresse actuelle, soit sur la rue Albert à Sainte-Marie. Au moment de notre visite, quatre bénéficiaires y séjournaient, mais la résidence peut en accueillir jusqu’à neuf.