L’agriculture est le deuxième secteur d’activité le plus mortel

SÉCURITÉ. Beauce Média s’est entretenu avec la psychologue du travail et coach d’affaires en agriculture, Pierrette Desrosiers pour faire le point sur la situation.

D’après les données 2016 de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), l’agriculture possède le deuxième taux de décès par travailleurs le plus élevé au Québec (20 victimes), le premier étant celui de la Foresterie, pêche, mines, et extraction de pétrole et de gaz (61 victimes).

«Je demeure sur une ferme avec mon conjoint. J’ai beaucoup de clients qui ont été victime d’accidents. J’ai un frère qui est décédé à l’âge de 13 ans. Je suis très touché par l’enjeu des accidents», commente Mme Desrosiers.

Elle accompagne dans sa profession plusieurs agriculteurs et leurs familles. Son travail l’a amené à un constat: il faut arrêter la valorisation du surmenage à la ferme.

«Les gens sont leurs pires juges. Ils sous-évaluent les dangers et surévaluent leurs capacités», résume Mme Desrosiers.

Le stress à la maison, la dette de sommeil sont tous des éléments qui contribuent à une hygiène de vie, au profil peu enviable. Toute proportion gardée, l’agriculture est de loin le métier le plus dangereux.

Cette culture qui valorise la surcharge de travail en est l’un des facteurs aggravants. «Elle est très forte cette culture et elle ne se change pas en dix minutes. Ça prend beaucoup de sensibilisation. Il faut amener les gens à réfléchir», convient Mme Desrosiers.

Le démon sommeil

Les données scientifiques montrent que 17 à 19 heures d’éveil consécutif équivaut à un taux d’alcoolémie de 0,05 mg, 24 heures d’éveil à 0,10 mg. «Le sommeil et le stress contribuent à la prise de mauvaise décision qui coûte cher, explique la psychologue de Coaticook. Il y a cette image liée à la résistance au sommeil. Les agriculteurs se disent: "si je ne suis pas capable, je dois être faible."»

Au détriment de sa santé

Convaincre les agriculteurs n’est pas aisé, admet d’emblée Pierrette Desrosiers. Pour ce faire, il faut les faire réfléchir. Ils doivent s’ouvrir à la possibilité de ne pas finir les foins avant la pluie. «On a toujours le choix, mais les conséquences on ne les choisit pas. Quel est le moindre mal, une santé gâchée ou une récolte affectée? Est-ce que tu as le goût de prendre le risque? Qu’est-ce qui est le plus payant dans les sphères de ta vie?», se questionne Mme Desrosiers.

Assez de prévention?

L’Union des producteurs agricoles (UPA) organise seulement deux activités de prévention tous les ans dans Chaudière-Appalaches. Est-ce suffisant? ««Certainement pas, mais je pense que ça doit venir de plusieurs intervenants, ajoute Pierrette Desrosiers. Je connais des agriculteurs handicapés. D’autres ont inhalé des gaz dans des silos et ils ont des capacités cognitives altérées. Il y en a beaucoup.»

Le mythe de l’homme fort

La littérature scientifique confirme que les hommes aux valeurs traditionnelles (force, le courage, l’indépendance, stoïcisme, etc.) et les entrepreneurs consultent peu. «Ça va à l’encontre de leurs convictions de dire: "j’ai des limites. "Ces forces deviennent des faiblesses. Elles peuvent les amener à leur propre perte», dit Pierrette Desrosiers.