Le tri-robotisé, un défi selon un expert
ENVIRONNEMENT. Un spécialiste en gestion des matières résiduelles doute de la pertinence du choix du tri-robotisé dans la région pour la gestion des matières organiques, particulièrement en raison des coûts très élevés, mais aussi pour sa complexité et l’inconnu quant à sa fiabilité et son efficacité.
Enseignant au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable de l’Université de Sherbrooke, Mario Laquerre a œuvré plus de 20 ans chez Recyc-Québec. Il a passé toute sa carrière à comprendre, analyser et expliquer la gestion des matières résiduelles. Selon lui, c’est un mauvais choix et il ne s’en cache pas.
« Je trouve ça stupide comme projet. Ça ne marchera pas, ce sera tout croche et c’est voué à l’échec. J’ai des doutes pour plusieurs raisons. Ça coûte cher et nous ne sommes pas sûrs des résultats. Il faut trier tous les déchets pour en tirer les sacs, ce qui sera très difficile. C’est un milieu insalubre, alors on ne peut avoir de trieur, et ces sacs seront aussi très lourds possiblement, parce que ce sera de la matière organique », résume-t-il.
Selon lui, le tri-robotisé est peu répandu comme méthode en Amérique du Nord pour cette raison. « Il doit y avoir une raison si, sur 1000 municipalités au Québec, plus de 900 ont choisi de ne pas aller là. En Europe, il y a eu des flops monumentaux ».
Autre élément important du succès d’une telle aventure selon M. Laquerre, la compréhension et la participation des gens. « La population devra se procurer des sacs, d’abord. Comme c’est du volontariat, est-ce qu’on devra ajouter des obligations ? », se questionne-t-il.
À contre-courant
À son avis, un système aurait pu être mis en place qui aurait permis un nombre équilibré de collectes de déchets, puis un certain nombre de collectes de matières organiques. « On ajoute une couche de difficultés dans le système pour éviter une collecte des matières organiques et parallèlement, on va faire plus de collectes de déchets. Il faut trier tous les déchets qui arrivent pour y sortir quelques petits sacs. Aussi, on ajoute du plastique dans le système, alors qu’on essaie de le sortir. Ça ne tient pas debout ».
Les intentions du gouvernement fédéral de réduire la consommation de plastique sont une autre tuile dans l’équation, selon M. Laquerre. « Ça ne s’inscrit pas dans la mouvance de réduire la consommation de plastiques. C’est aussi simple que ça. »
À la tête d’une étude pour le compte de la MRC Côte-de-Beaupré, il avait exprimé publiquement que la compagnie qui fabriquait le robot en question exagérait dans ses présentations sur les bienfaits de son produit. « J’avais regardé les coûts associés à différents procédés, incluant le tri robotisé. Côte-de-Beaupré devait aller à l’incinérateur de Québec pour l’enfouissement, ce qui était beaucoup plus cher que les autres options. Ils avaient d’abord choisi de ne pas suivre l’option du tri robotisé, mais changé d’avis après mon départ, après une renégociation avec la Ville de Québec ».
Directeur général MRC Côte-de-Beaupré, Jean-François Guillot confirme qu’une tarification avantageuse a motivé la décision de la MRC « La collecte des ordures demeure la même, sauf que le tri à la source se fait à la source, par les citoyens eux-mêmes. Ce sont eux qui réalisent le tri des matières organiques, dans leur cuisine, et utilisent des sacs pour le faire ».
M. Laquerre se souvient d’avoir été témoin de résistances face à la collecte des matières organiques, principalement en région. Il se dit néanmoins d’accord avec le principe. « Comme c’est de compétence municipale, on a dit aux municipalités regroupées, choisissez votre système pour qu’il puisse atteindre les objectifs de la politique et on va l’approuver. À ce jour, le système n’a pas été testé. Les matières résiduelles sont le premier geste que l’on peut faire pour l’environnement. C’est la résultante de notre consommation. On finance le recyclage à travers nos achats ».
Il juge que la recette de la collecte à trois voies (bacs verts, bleus et bruns) est possible et possiblement la meilleure option. « C’est ce qui est le plus simple. Le coût n’est pas exorbitant quand on diminue le nombre de collectes de déchets pour les remplacer par celles des matières organiques. Dans leur projet, la collecte des résidus verts ou des feuilles n’est possiblement pas incluse. Le constat est facile ».
Un mode en évolution
Selon lui, la collecte des matières résiduelles est dans un mode progressif, c’est-à-dire qu’elle est appelée à évoluer. « Aujourd’hui, on agit surtout sur la collecte. Éventuellement, on ira vers des objectifs de performance. C’est vers ça qu’on se dirige dans la Politique de gestion des matières résiduelles et ce sera complètement différent. Le problème est que l’on a peut-être atteint la limite du volontarisme des gens, chose qui n’a malheureusement pas l’habitude de marcher ».
En résumé, il croit sincèrement que les MRC ayant choisi le tri-robotisé pour parvenir à leurs fins ont fait un mauvais choix. « Je crois que c’est une erreur d’utiliser ce système pour pallier à la collecte des matières organiques. Ça va occasionner plein de problèmes et ça ne règlera rien. À date, le système le plus simple est celui qui fonctionne le mieux et c’est la collecte à trois voies, en diminuant le nombre de collectes de déchets ».
L’option choisie par la MRC Beauce-Centre d’une collecte de bacs bruns et de composteurs domestiques était une meilleure option, à son avis. « Le financement est rattaché à des redevances à l’élimination et on exige une collecte des matières organiques dans les zones urbanisées, mais pas dans les zones rurales. La MRC a simplement choisi d’en faire le minimum pour aller chercher le financement. »
M. Laquerre est aussi d’avis que le lobbying de la Ville de Québec, auprès du gouvernement fédéral, aura beaucoup d’importance pour que le plastique des sacs, envisagé pour le tri-robotisé, ne fasse pas partie des produits exclus par une éventuelle loi fédérale.