« Trouver le clou et taper dessus »

SAINT-BERNARD. C’est en ces mots que s’est exprimé l’un des 110 producteurs de porcs provenant de 43 municipalités, réunis le mardi 3 mai dernier au centre municipal de Saint-Bernard, afin de discuter de l’avenir de leur secteur et de trouver des solutions pour sortir de la crise actuelle.

« Depuis quelque temps, on dirait que le mauvais sort s’acharne », a lancé l’agronome Denis Champagne en début de rencontre. En effet, il sait que les producteurs doivent jongler avec les investissements obligatoires pour le bien-être animal, la recrudescence du SDRP (syndrome dysgénésique et respiratoire porcin), la pandémie, la rareté de main-d’œuvre et de transporteurs, la hausse du prix des grains, la grève chez Olymel, les bris de machinerie, ainsi que la coupe du prix d’achat de 40 $ (par 100 kilos) par Olymel pour les trois prochains mois.

« Je ne veux pas être pessimiste, mais il faut voir les choses telles qu’elles sont. Il faut réfléchir à quel genre de production on veut pour l’avenir et c’est tous ensemble qu’on peut se relever les manches », a-t-il affirmé, en insistant sur l’urgence de la situation. « Les gens qui quittent ne reviendront pas. Il faut recevoir des messages [des élus] sans attendre. Je sais que les producteurs ne sont pas des lâcheux, mais on va avoir besoin d’aide rapidement. »

En retraçant un historique des éléments qui mettent des bâtons dans les roues de l’industrie porcine depuis 2019, le producteur Cécilien Berthiaume de Saint-Elzéar craint que la coupe de 40 $ ne s’étire après le mois de juillet, car elle représente personnellement des pertes d’environ 500 000 $. Il juge également que les producteurs sont mis au courant des décisions beaucoup trop tard, ce qui les empêche de prévoir le choc. « On ne veut pas être pris à la dernière minute. Il y a beaucoup de manque d’information. Ça ne peut pas rester de même… »

Quant à l’obligation des producteurs de rembourser les frais de grève de 19 M$ à Olymel, cette motion avait été glissée dans un contrat avec l’abattoir en 2009. Il s’agira de s’assurer que la note ne se trouve pas dans la prochaine convention. « S’il faut payer pour une grève, la moindre des choses, c’est que l’on soit assis à la table des négociations… », a soulevé plus tard un membre du public.

L’union fait la force

René Roy, président des Éleveurs de porcs de la Beauce, croit que c’est en travaillant ensemble que les producteurs auront une réelle force de négociation. Pour ce faire, il demande davantage d’équité, de transparence et de prévisibilité de la part d’Olymel et du gouvernement. « Il faut se donner les ressources pour gérer la crise. Il ne faut pas que ce soit seulement un maillon [de la chaîne] qui prend le coup quand c’est dur », dit-il, désireux de créer un environnement intéressant pour la relève.

En fin de rencontre, les questions, suggestions et cris du cœur de l’auditoire ont été nombreux. Pour plusieurs, c’est la cible qui demeure imprécise. Faut-il faire de la pression pour augmenter le nombre de travailleurs étrangers? Faut-il enlever le monopole à Olymel? Faut-il davantage sensibiliser les élus sur l’importance de l’industrie du porc? Tous l’ignorent, tandis que le sentiment d’impuissance a semblé généralisé. « C’est où qu’il faut viser?! », se demande un producteur. « On gère une décroissance, mais des cochons, ils vont en vouloir quand ça va rouler à plein régime… », devine un autre.