Ann-Marie Lessard, derrière le volant

STOCK CAR. Ann-Marie Lessard est l’une des seules femmes à concourir dans la catégorie Semi-Pro au Québec.

Les puits de l’Autodrome Chaudière sont remplis de monde le vendredi 4 août. Comme avant chaque course, les équipes s’affairent aux derniers ajustements. Parmi eux, on croise le #65. De longues mèches blondes sortent de chacun des côtés de son casque. «Ils n’ont jamais eu de fille en Semi-Pro, c’est la première fois, explique Ann-Marie Lessard. Les pilotes et les amateurs n’en reviennent pas.»

Jeune mère d’une fille de deux ans, propriétaire d’un salon de coiffure et pilote de course automobile: voilà en gros traits, qui est Ann-Marie Lessard. «Il y a des clients du Salon qui sont très surpris de cette passion», confie-t-elle.

C’est lorsque Raphaël Lessard, son jeune frère et pilote professionnel, a quitté la série Sport Compact que l’opportunité de s’essayer derrière le volant s’est présentée à Ann-Marie. «On lui a vendu la Honda Civic que j’utilisais et deux ans plus tard elle a remporté le championnat», s’exclame avec un brin de fierté Raphaël.
Elle est devenue la première femme à remporter la série Sport Compact Amateur de l’histoire du championnat en 2014.

Avec cette victoire en main, Kevin Groleau, son mari, l’a convaincue de monter de calibre. Elle est alors passée en Semi-Pro et a foulé le bitume à l’été 2015 au volant de son Trans-Am «J’ai dû arrêter lorsque je suis tombée enceinte. Je n’ai pas pu terminer la saison», conte la pilote.

Deux ans plus tard, elle est en selle pour la saison 2017. Elle ne compte cependant pas la compléter. Son mari (et mécanicien) a trop de travail à la ferme pour prendre en charge la voiture. «C’est un passe-temps. On le fait à temps perdu», prévient Ann-Marie.

Malgré tout, à travers la recherche de commanditaires, la mécanique et les pratiques, l’équipe doit se souder il ne faut pas compter ses heures pour se retrouver en Semi-Pro.

Modèle à imiter

«Quand tu es une fille, il faut se prouver plus qu’un gars. Il y a plus de pression», avoue Raphaël Lessard. Il en connaît moins de cinq femmes dans les séries NASCAR des États-Unis sur lesquels il concourt.

Ann-Marie Lessard ne s’attendait pas à devenir une pionnière dans ce sport amateur. Elle poursuit cette longue tradition familiale de passionnés de voitures.
Elle reçoit la visite de jeunes filles aux puits qui accompagnent leur père aux courses. «Il y a des jeunes filles qui m’ont vu la saison dernière dans les estrades. Elles sont venues s’informer quand j’allais reprendre le volant», ajoute Ann-Marie Lessard.

Les conjointes des coureurs automobiles passent la saluer et lui dire comment elles ne se trouveraient jamais derrière le volant.

La propriétaire du salon Rouge Velvet a l’intention de continuer la course automobile jusqu’à ce que sa fille Abelle prenne le relais. «Parfois lorsque je sors du Salon, Abelle entend le bruit des voitures. Elle imite le son et dit «vroum-vroum, sourit Ann-Marie. On voit que la cocotte tripe beaucoup. Si elle veut un jour s’essayer la course, nous allons être derrière elle.»

Une affaire de famille

Pour mieux comprendre d’où vient cette passion pour les courses chez les Lessard de Saint-Joseph, il faut remonter au grand-père. Il n’a rien qu’il n’a pas chauffé. «Des camions-remorques, des ambulances, des taxis, tout ce qui a un volant, il l’a essayé», conte Raphaël Lessard en riant.

Puis, la passion s’est transmise à François, le père d’Ann-Marie et de Raphaël. Le quart de mile de Vallée-Jonction n’était pas encore construit que le paternel participait à des courses à obstacles de style «rallye», populaire à cette époque. Puis est venu le stock-car dans lequel François a fait sa marque.

Les deux ont toujours gravité autour la course sportive. Dès un très jeune âge,  Ann-Marie suivait son père, coureur dans la série Sportsman Québec. «Autour de la table chez nous, on parle automobile. Ce n’est pas compliqué», raconte-t-elle.

Bien qu’il soit 12 ans plus jeune qu’Ann-Marie, Raphaël revient de temps à autre à Vallée-Jonction donner des conseils à sa sœur. «Je suis à même de voir son amélioration. Ça me fait de quoi revenir en Beauce et l’aider», confie le jeune pilote qui vient tout juste d’obtenir son permis de conduire temporaire.

Comme le dit si bien Raphaël Lessard: «lorsque la visière est baissée, il n’y a pas de différence.» Cette formule est tout à fait juste. Après tout, lorsqu’on est sur la piste, au volant de sa voiture, l’adrénaline rentre, tous souhaitent performer.