Accident en agriculture: en fait-on assez?

AGRICULTURE. Chaudière-Appalaches est la troisième région où les accidents au travail sont les plus nombreux.

Quatre décès sont survenus sur des fermes en l’espace de trois mois ce printemps. Un premier à Saint-Isidore le 18 mars, un deuxième à Saint-Anselme le 6 mai, un à Inverness le 30 mai et un enfant, le 3 juin, à Saint-Bruno-de-Guigues.

Le jeune Michaël Ouellet a suffoqué dans un chariot à grain. Une grosse balle de foin a écrasé le père de famille Julien Roy. Dominique Tanguay a succombé sous les roues d’un tracteur alors qu’il ramassait des roches. Steve Larose est décédé à l’hôpital des suites d’un éclat de chaîne à la tête.

Ces tragédies laisseront des familles endeuillées; des cicatrices irréparables dans leurs vies. Beauce Média souhaite exprimer ses condoléances aux familles. Et aussi, par la même occasion, se questionner sur les accidents dans le monde agricole.

Il va sans dire que seules les enquêtes de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) permettront de mieux comprendre les circonstances de ces décès.

Données incomplètes

L’Union des producteurs agricoles (UPA) ne collige pas de données sur les accidents à la ferme. Les informations nous permettant de comprendre le phénomène proviennent de la CNESST.
Seules les réclamations faites par des employés en agriculture sont rapportées, alors qu’il n’y a que le tiers des fermes qui emploient du personnel. Est-ce que ces données donnent un portrait juste de la situation? «C’est difficile de répondre à cette question. On pourrait dire oui, mais ça m’embête» dit Frank St-Pierre, responsable de la prévention à l’UPA.

Championne malgré elle

«Chaudière-Appalaches n’a pas un profil enviable. Actuellement, il y a trop d’accidents liés à l’agriculture, constate Frank St-Pierre. Ce qui m’encourage c’est de voir qu’il y a une diminution des réclamations à la CNESST d’environ 10% dans la région de 2014 à 2016.» La région se situe en deuxième position du plus grand nombre d’accidents (en augmentation depuis 2012). Le genre d’accident le plus courant est d’être frappé ou écrasé par un objet, une réaction du corps ou un effort excessif, les chutes et finalement les attaques par animaux (voir le tableau).

Il y a eu 36 décès au Québec depuis 10 ans, dont 12 causés par des accidents de la route. La CNESST a déboursé 5,7 M$ pour ces accidents agricoles en 2016, en augmentation de 1,3M$ depuis cinq ans.

On peut raisonnablement penser qu’il y a moins d’accidents dans les entreprises agricoles qui ont des employés, car comme tous les employeurs, les fermes ont une obligation de diligence raisonnable. Ils peuvent être sévèrement punis et poursuivis en justice, s’ils ne prennent pas des mesures pour éviter les accidents.

Un métier dangereux

«Les agriculteurs font presque tous les métiers. Le travail devient une routine et c’est là que ça devient dangereux», estime Nancy Langevin, travailleuse de rang de Chaudière-Appalaches. Mme Langevin est amenée à intervenir lorsqu’une tragédie telle que le décès d’un proche survient dans le rang. Elle constate d’elle-même les conséquences directes. «Le ferme n’est pas juste le lieu du travail. C’est aussi le milieu de vie de la famille», explique-t-elle.

Causes sous-jacentes

La répétition d’une tâche manuelle peut amener une personne à moins voir les risques qui y sont associés. «Le surmenage et la fatigue ont aussi un impact. Quand c’est le temps des semences, c’est facile de faire des heures impossibles pour que tout soit prêt», ajoute Nancy Langevin, qui a elle-même été productrice laitière.

«On met tout le temps en relief la méthode de travail. Elle est souvent déficiente. Les producteurs sont parfois des gens pressés», croit Frank St-Pierre.

La santé psychologique est un facteur à ne pas négliger. Presque la moitié des agriculteurs au Québec vivent une situation de détresse ou d’épuisement professionnel.

L’Institut de recherche Robert-Sauvé en Santé et sécurité au travail (IRSST) n’a pas réussi à trouver un seul chercheur lié au domaine agricole parmi son équipe ou ses associés afin de nous aiguiller sur le sujet (malgré qu’il s’agisse d’un Institut financé publiquement).

Prévenir

Environ deux activités de prévention ont lieu en Chaudière-Appalaches tous les ans. Un chiffre comparable à ce qui se fait ailleurs dans les autres régions du Québec.