Les aînés qui fréquentent internet réduiraient leur risque de démence
MONTRÉAL — Les aînés qui utilisent internet deux heures et moins par jour semblent réduire leur risque de démence, indique une nouvelle étude.
Les chercheurs de l’Université de New York ont constaté, en étudiant quelque 18 000 sujets âgés de 50 à 65 ans pendant une durée médiane de 8 ans, que ceux qui utilisaient régulièrement internet avaient un risque de démence environ deux fois moindre que les non-utilisateurs.
Le risque de démence le plus faible a été mesuré chez les personnes qui utilisaient internet entre six minutes et deux heures par jour. En revanche, une utilisation excessive de plus de six heures par jour pourrait augmenter le risque.
Il importe donc d’atteindre un juste équilibre entre une non-utilisation et une utilisation déraisonnable.
«Je ne suis pas étonnée», a commenté la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en neuroscience cognitive du vieillissement et plasticité cérébrale de l’Université de Montréal, la professeure Sylvie Belleville.
«Mon interprétation, c’est que les personnes âgées qui avaient appris à utiliser un ordinateur s’étaient familiarisées avec ça et elles étaient moins impressionnées par ça. Et peut-être que ça a fait une espèce de cercle vertueux où ces gens-là se sont mis à essayer d’autres technologies, à essayer d’aller plus sur l’internet, et cetera.»
Différents facteurs comme le sexe, l’origine ethnique et le niveau d’éducation des participants n’ont pas influencé les résultats dans un sens ou l’autre.
Les chercheurs new-yorkais admettent en revanche qu’on ne peut pas exclure que les aînés ayant d’emblée la meilleure santé cognitive soient plus portés que les autres à utiliser internet, même s’ils ont essayé de contrôler cette variable.
Fondamentalement, a dit Mme Belleville, ce n’est pas la seule utilisation d’internet qui est en cause ici. «Quand tu vas sur internet, tu as accès à tout un monde», a-t-elle rappelé.
Internet offre ainsi un accès rapide et facile à plusieurs activités stimulantes d’un point de vue cognitif: en une seule séance de deux heures, on peut jouer au poker avec des partenaires à travers le monde, découvrir la collection du Musée d’histoire naturelle de New York et peaufiner sa maîtrise de l’espagnol pendant qu’on prépare un prochain voyage en République dominicaine.
On peut donc supposer que les aînés chez qui les chercheurs ont mesuré un effet positif ne passaient pas de multiples heures par jour à regarder des vidéos de chats sur YouTube. Les chercheurs ont d’ailleurs fait abstraction, dans leurs résultats, du temps consacré au visionnement de films en ligne.
«Ça suggère que ces gens-là se sont stimulés intellectuellement, qu’ils ont appris de nouvelles choses, qu’ils sont sortis de leur zone de confort, a dit Mme Belleville. Ou alors ils sont peut-être restés en contact avec des gens ou ce sont des gens qui sont moins isolés. Donc, c’est intéressant.»
Même la résolution des problèmes qu’on pourra rencontrer en naviguant sur le web pourra avoir un effet stimulant sur le cerveau.
Les aînés s’interrogent constamment sur l’impact que peut avoir l’utilisation d’internet sur leur santé cognitive, a indiqué Mme Belleville, «parce qu’on a cette espèce d’idée que si on va sur internet, on ne se stimule pas».
Internet est une forme de stimulation intellectuelle qu’il ne faut pas démoniser, a-t-elle ajouté.
Cela étant dit, a souligné Mme Belleville, il ne faut pas perdre de vue que certains aînés défavorisés ou habitant des régions éloignées n’ont peut-être pas un accès internet égal à celui des autres.
«Ça veut dire que quelque part, il y a un impact social d’enjeux de santé publique, a-t-elle dit. Alors, peut-être ouvrir internet de façon plus large. Peut-être aussi, par exemple, dans les milieux communautaires, enseigner l’utilisation de l’internet aux personnes âgées qui viennent de milieux où ils n’ont peut-être pas eu la chance de l’apprendre. Donc ça veut dire qu’en faisant ça, en équipant peut-être un peu les gens, on a un impact sur leur cerveau.»
Les conclusions de cette étude sont en attente de publication par le Journal of the American Geriatrics Society.