Près de 60 ans comme arbitre

SPORT. Alain Drouin de Vallée-Jonction est un visage bien connu des amateurs de baseball et de balle-molle de la région. La raison est fort simple, il évolue comme arbitre depuis maintenant 57 ans.

À une époque où le rôle de l’arbitre dans un sport est de plus en plus exigeant et où la critique est omniprésente, son implication a de quoi surprendre, surtout aussi longtemps. M. Drouin a d’ailleurs été récemment honoré par l’association Baseball Beauce-Centre pour son dévouement.

Rencontré récemment, M. Drouin explique avoir commencé en 1965, alors qu’il avait à peine 16 ans. Comme il venait de perdre son père, l’arbitrage lui a permis de se changer les idées.

« Il y avait un match de balle-molle à Saints-Anges et il n’y avait pas d’arbitre. Je n’avais pas d’équipement et j’ai alors demandé d’avoir simplement un masque et un marqueur pour retenir les balles, les prises et les retraits. »

Il indique avoir poursuivi sa carrière d’arbitre un peu par accident, ayant subi quelques blessures comme joueur qui l’ont forcé à ralentir. « Je me suis blessé à un genou, lors d’une collision au marbre. En plus, c’était mon frère qui était receveur cette fois-là. Il ne m’avait pas donné de chance. Dans certaines familles, j’en suis à ma troisième génération de joueurs. J’ai arbitré le grand-père, le père et maintenant le petit-fils. »

Alain Drouin a naturellement eu à faire face à la critique et à l’émotion des joueurs au cours de sa carrière, une chose qui fait partie du sport à son avis. « Il n’y a plus d’arbitre, parce que le chialage n’arrête pas et surtout, ça critique pour rien dans certains cas. Un match se déroule bien et ça change tout d’un coup. Le sport, c’est des émotions, mais des fois c’est exagéré. Par moment, on dirait qu’il n’y a que les arbitres font des erreurs, mais pas les entraineurs ou les parents. »

Un officiel dans un match, tous sports confondus, doit rapidement rendre sa décision, ce qui complique son rôle par moment. « Quand tu arbitres, tu dois rendre ta décision sur le coup, pas trois ou quatre secondes plus tard. Nous sommes des humains, alors nous ne sommes pas à l’abri des erreurs. Il ne faut pas réparer une erreur par une autre, par exemple », explique-t-il.

L’arbitrage a toujours été un loisir pour Alain Drouin. Permettre aux jeunes de s’amuser a toujours été son leitmotiv. Sera-t-il sur le terrain l’an prochain ? Il ne le sait pas encore. « Rendu à mon âge, on y va année par année. Je viens d’avoir 73 ans. J’ai toujours aimé ça, même si quelques soirs, j’y allais à reculons. Une fois sur le terrain, tout allait bien. J’essaie d’habituer les jeunes en leur donnant des conseils, mais certains entraineurs et certains joueurs ont la critique facile. Certains jeunes ne veulent pas non plus prendre les conseils. Un jeune qui veut écouter, c’est plaisant, mais quand c’est l’inverse, on les laisse aller. »

Une tâche difficile

L’une des difficultés qu’il rencontre de plus en plus est le manque d’uniformité dans les règles, à travers les différents niveaux et les différentes ligues. « Ils m’ont donné cette année les catégories Atome, Novice, Peewee, Bantam et Midget. Les règlements sont différents d’une catégorie à l’autre. C’est difficile de retenir tout ça et même impossible. »

En 57 ans, Alain Drouin a naturellement vécu de belles expériences. Quelques gros noms de la balle rapide font partie de son répertoire. « J’ai eu la chance d’arbitrer des gars comme Bob Baker, Michel Métivier, Pierre Boulet, Marc-André Carreau, Daniel Bédard et compagnie. J’en ai vu plusieurs et la plupart de ces gars-là savaient qu’on pouvait rater une prise à l’occasion. Assez souvent, ils lançaient la balle au même endroit, sachant fort bien que j’allais me reprendre. »

L’arbitrage lui a permis d’apprendre à respecter les jeunes et à se faire respecter, du même coup. Il dit aussi s’être fait de bons amis dans la confrérie des arbitres à travers le temps. « J’ai vu des jeunes de 12 ou 13 ans ne pas respecter personne et l’inverse aussi. Il faut toujours avoir une main de fer dans un gant de velours. Je n’ai jamais toléré que l’on sacre après moi. Je me suis fait une carapace avec le temps. »

À ce chapitre, le vent est peut-être en train de changer légèrement, selon lui. « Pendant le match, il va arriver qu’il y aura de la critique, mais après, on vient nous voir pour nous remercier, en nous disant que si nous n’étions pas là, il n’y aurait pas de match. »

Lorsqu’on lui demande de relater ses plus beaux souvenirs, il n’est aucunement question de tournois, de matchs en particulier ou d’athlètes qu’il a pu côtoyer, ironiquement. « Je me souviens d’avoir fait un match de 7 manches à la balle rapide en 1 h 05 minutes. J’ai aussi fait un Midget AA au baseball cet été en 1 h 30 minutes. Habituellement, c’est plus de deux heures. C’est spécial, surtout quand on sait qu’il n’y a pas de chronomètre au baseball ou à la balle rapide. Les gars m’ont félicité. »

Il avoue être lui-même surpris de sa longévité en tant qu’arbitre. « Je ne pensais jamais faire ça aussi longtemps. Je ne pensais pas aimer ça non plus. J’y vais une année à la fois », dit-il en terminant.