Le Comité olympique canadien et la ministre St-Onge suivront de près à Boxe Canada

MONTRÉAL — Le climat toxique provoqué par le directeur haute performance et entraîneur-chef national de Boxe Canada, Daniel Trépanier, dénoncé par 121 membres et ex-membres de l’équipe nationale dans une lettre ouverte publiée mercredi, inquiète grandement la haute direction du Comité olympique canadien (COC) et la ministre fédéral des Sports, Pascale St-Onge

«C’est extrêmement préoccupant et on l’est, a noté le chef des Sports du COC, Éric Myles, rencontré à la Maison olympique de Montréal, vendredi. On suit ça de très proche. Ce qui est important, c’est de voir comment tout le monde va travailler ensemble. Je regarde la ministre  St-Onge, qui est en train de prendre des actions précises. On est impliqué avec le ministère, les fédérations et les athlètes, qui ont un rôle crucial à jouer là-dedans.»

Le problème est que le COC a un peu les poings liés dans ce dossier: les fédérations sportives nationales sont membres du COC, mais l’organisme fédéral n’a aucun pouvoir sur celles-ci.

«C’est très important qu’il y ait une certaine autorité au-dessus des fédérations, a noté la président du COC, Tricia Smith. Je vois que notre nouvelle ministre des Sports porte une grande attention à ce dossier, car Sport Canada a autorité sur les fédérations. Nous travaillerons avec la ministre, les athlètes et À Nous le podium (ANP) dans ces dossiers. Mais surtout les athlètes, car ce sont vraiment eux qui sont victimes dans ces affaires-là. C’est très important pour nous.»

Du côté de la ministre St-Onge, interviewée à Magog, où elle s’est rendue en compagnie du premier ministre du Québec, François Legault, pour annoncer le financement d’un nouvel aréna, il semble qu’elle n’ait pas beaucoup plus de pouvoirs, même si les fédérations nationales sont subventionnées en grande partie par le gouvernement fédéral.

«Du côté de ma juridiction, de mon pouvoir, nous avons des ententes avec les fédérations nationales, mais elles demeurent autonomes et indépendantes, a-t-elle souligné. En même temps, je l’ai dit depuis le début de mon mandat, je vais me servir de tout mon leadership, mais aussi de tous les outils qui sont à ma disposition, pour aider ces cas-là à cheminer et travailler à changer la culture du sport.

«Il y a des anciennes méthodes de ‘coaching’ ou des façons de faire qui ne sont plus acceptables aujourd’hui. Il faut travailler avec toutes les organisations, à tous les niveaux, pour changer cette culture du sport. On est à travailler sur une feuille de route avec Sport Canada pour faire le recensement de tout ce qui est à notre disposition pour agir, mais aussi pour rendre les organismes plus imputables, pour améliorer la gouvernance, pour améliorer tout le système de soutien financier. Ce sont des discussions entamées avec le COC, le Comité paralympique canadien, les fédérations et les athlètes, qui sont au centre de tout ce que je fais. (…) On veut agir à tous les niveaux, afin que ces cas-là ne se reproduisent plus et que le sport redevienne ce qu’il devrait être: un élément de bien-être pour la santé physique et mentale, même quand on atteint des niveaux d’excellence nationale ou internationale.»

Il semble d’ailleurs que la gouvernance de Boxe Canada sera scrutée de plus près au cours des prochaines semaines.

«Dans ce qui se passe à la boxe par exemple, il y a des choses qui se passent autour de certains individus, mais il y a tout un enjeu de gouvernance également, a laissé tomber Myles. Ce sont des situations qui sont discutées entre nous et les fédérations, mais aussi avec le gouvernement du Canada. C’est là qu’on doit travailler ensemble, ce n’est pas un enjeu territorial. Peu importe cette crise, ça fait des années qu’on travaille avec les fédérations sur les enjeux de gouvernance. Présentement, il y a des coups de barre qui doivent être donnés à certains endroits». 

«Nous pouvons regarder toutes les options possibles, a ajouté Smith. Nous allons regarder à fond toutes ces situations pour en connaître tous les aspects, mais oui: si un de nos membres ne répond pas à nos standards, nous pourrions l’exclure.»

Persona non grata

Il appert que Boxe Canada pourrait obtenir une «aide extérieure» pour porter ce fameux coup de barre: La Presse Canadienne a appris vendredi que l’Association internationale de la boxe (IBA) a demandé au Canada de ne pas envoyer Trépanier aux Championnats du monde de boxe féminine, qui auront lieu en Turquie, du 6 au 21 mai.

Dans une lettre transmise à Boxe Canada et dont La Presse Canadienne a obtenu copie, l’IBA a indiqué qu’elle avait retiré l’accréditation de Trépanier et que le commissaire et le comité d’éthique de la fédération analyseront les allégations faites contre l’entraîneur.

Trépanier et Boxe Canada n’ont pas répondu aux demandes d’entrevue formulées par La Presse Canadienne.

Mercredi, un groupe de 121 signataires a envoyé une lettre ouverte à Boxe Canada, la ministre St-Onge, ANP, Sport Canada et AthletesCan pour dénoncer le climat toxique et demander la démission de Trépanier. Ce groupe serait maintenant fort de 233 personnes.

«La bonne chose dans tout ce qui se passe, c’est que ce sont les athlètes qui dénoncent et que ce soit de moins en moins tabou aujourd’hui de dénoncer les cas d’abus, a conclu la ministre St-Onge. Parler publiquement fait en sorte que tout le monde peut prendre conscience du problème, le transformer et rendre ceux qui ont commis des gestes impardonnables ou abusifs, les rendre imputables et qu’ils ne puissent plus répéter ces comportements inacceptables au cours de leur carrière.»

– Les journalistes de La Presse Canadienne Lori Ewing, à Toronto, et Pierre St-Arnaud, à Montréal, ont contribué à cet article.