Un organisme musulman demande au tribunal de mettre fin à un audit fédéral

OTTAWA — La plus grande organisation communautaire musulmane au Canada s’adresse au tribunal dans l’espoir de mettre fin à une vérification fiscale fédérale de ses activités à titre d’organisme de bienfaisance enregistré. L’Association musulmane du Canada (AMC) affirme que l’audit dont elle fait l’objet est discriminatoire et viole ses droits.

L’AMC a déposé un avis de demande en Cour supérieure de l’Ontario dans l’espoir de mettre un terme à la vérification fiscale entreprise par l’Agence du revenu du Canada il y a sept ans. L’association qui offre des services communautaires, de l’éducation et le développement des jeunes affirme que plus de 150 000 Canadiens fréquentent ses mosquées, ses écoles et ses centres communautaires chaque année.

Dans sa requête, l’organisme allègue que la démarche de l’agence du revenu «est entachée de biais systémiques et d’islamophobie» depuis le tout début en 2015.

Dans un communiqué publié mercredi, l’AMC affirme que bien qu’aucune décision n’a été rendue, un rapport préliminaire qui n’a pas été rendu la menace «de sanctions extrêmes totalement injustifiées».

L’agence du revenu, qui aura l’occasion de répondre aux allégations en cour, a déjà par le passé insisté sur le fait qu’elle ne sélectionne pas les organismes visés par un audit sur la base de leur confession ou de leurs valeurs, ajoutant qu’elle est fermement dévouée envers la diversité, l’inclusion et la lutte au racisme.

Dans ses arguments portant sur la violation de ses droits protégés par la charte, l’AMC donne divers exemples où elle ferait l’objet d’un double standard par rapport à d’autres groupes confessionnels. 

«Des faits qui sont anodins, et qui seraient considérés comme tels pour une organisation confessionnelle d’une religion autre que l’islam, ont été retenus comme base de suspicion» contre l’AMC, peut-on lire dans une citation attribuée à l’avocat Geoff Hall du cabinet McCarthy Tétrault.

«Cet audit est un exemple classique de préjugés et de discrimination», renchérit Me Hall.

Parmi les exemples cités, on dénonce le fait que les célébrations de l’Eid ne sont pas considérées comme des activités religieuses, mais sociales. On leur reprocherait également que les activités sportives et récréatives pour les jeunes ne constituent pas un avantage caritatif.

Finalement, l’agence du revenu chercherait à établir des liens entre l’AMC et des entités étrangères à partir de quatre courriels retenus parmi les dizaines de milliers d’échanges analysés.

«Dans chacun de ces exemples et d’autres, l’ARC perçoit ces interactions parfaitement normales comme sinistres et trompeuses», dénonce l’association dans son communiqué.

Dans sa requête au tribunal, l’organisme soutient que l’audit n’aurait jamais été mené de cette manière s’il avait visé toute autre grande confession religieuse.

«Le rapport d’audit n’a trouvé aucune preuve que (l’AMC) soit impliquée dans le financement du terrorisme ou affiliée à des organisations terroristes. Néanmoins, le rapport d’audit s’appuie sur des sources islamophobes et des articles de journaux discrédités pour étayer ses allégations», plaide l’organisme.

Environ une centaine d’organismes musulmans et de la société civile ont cosigné une lettre envoyée au premier ministre Justin Trudeau, l’été dernier, dans laquelle ils demandent une réforme des pratiques de vérification de l’Agence du revenu qui, selon eux, vise injustement les organismes musulmans.

De plus ces groupes demandent au gouvernement de renverser une décision de l’Agence du revenu qui a suspendu le droit de l’organisme Human Concern International de remettre des reçus à des fins fiscales.

La ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier a accepté, lors d’un sommet sur l’Islamophobie, de demander à l’ombudsman des contribuables François Boileau d’effectuer une révision systémique sur cet enjeu.

Des rencontres préliminaires ont eu lieu sur cette démarche impliquant toutes les parties a récemment fait savoir le bureau de l’ombudsman. D’autres discussions sont prévues et les organismes sont invités à répondre à des questionnaires en ligne pour partager leurs expériences.