Québec tarde à implanter plus de défibrillateurs dans des lieux publics

MONTRÉAL — Bonifier l’accès aux défibrillateurs externes automatisés (DEA) permettrait d’augmenter de près de 50 % le nombre de survivants d’un arrêt cardiaque, selon la Fondation Jacques-de Champlain. Elle dénonce l’inaction du gouvernement Legault pour la mise en place de son propre plan visant à déployer plus de DEA sur le territoire.

En 2022, le gouvernement a déposé un Plan d’action qui incluait une proposition de loi encadrant l’accès aux défibrillateurs externes automatisés. La même année, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a présenté la Stratégie globale de déploiement de 1000 DEA sur le territoire québécois.

La stratégie a, dans un premier temps, permis de procéder à l’installation de 100 défibrillateurs dans les guichets automatiques des institutions financières Desjardins et Banque Nationale. En fonction des résultats de cette première phase, 900 autres DEA devaient être déployés, mais ils ne le sont toujours pas.

«Depuis, silence radio. Le projet de loi n’est toujours pas en voie d’être déposé», déplore dans un communiqué la Fondation Jacques-de Champlain. «C’est inacceptable, lance en entrevue François de Champlain, président fondateur de la fondation. Si on fait cette sortie en ce moment, c’est qu’on est exaspéré.»

«Il y a eu beaucoup de va-et-vient. La volonté du gouvernement semble aller de l’avant pour ces 900 défibrillateurs. Ils ont demandé à la Fondation Jacques-de Champlain de se positionner sur les meilleurs emplacements pour ces 900 [DEA] à travers la province», a indiqué M. de Champlain.

Son organisme est en train de créer un modèle de gestion de risques pour repérer les endroits où les défibrillateurs ont le plus grand potentiel de sauver des vies.

En mêlée de presse à Québec, le ministre Dubé a confirmé qu’il voulait mettre en place les 900 DEA promis. «On avait un projet pilote de 100 défibrillateurs. Il y a eu quelques petits ajustements. Je donne un exemple: on s’en faisait beaucoup voler. Donc, il faut trouver les meilleurs endroits pour les mettre», a commenté le ministre.

Il a affirmé qu’on devrait voir de nouveaux DEA installés dans les prochains mois. M. de Champlain a aussi dit qu’on devrait voir ce projet se concrétiser en 2025.

Cependant, le nombre de 1000 défibrillateurs est insuffisant, estime la fondation. «Malgré que c’est une bonne idée, c’est un peu un coup d’épée dans l’eau», soutient M. de Champlain. Il a expliqué qu’avec une loi, on pourrait obliger certains établissements à se doter d’un DEA au même titre qu’ils doivent avoir un extincteur pour éteindre un feu.

La loi pourrait cibler certains lieux plus critiques comme les résidences de personnes âgées, les tours à condos, mais aussi les centres commerciaux, les épiceries et les pharmacies. Il y a environ 70 % des arrêts cardiorespiratoires qui se produisent à l’extérieur de l’hôpital dans des résidences, a souligné M. de Champlain.

Comparé au Canada, le Québec en queue de peloton

La fondation est un organisme de bienfaisance qui a entre autres fait en sorte qu’un registre provincial sur l’emplacement des DEA voit le jour au Québec. Il est possible de localiser ces emplacements sur une application mobile gratuite appelée DEA – Québec.

La fondation réclame depuis 10 ans une loi pour améliorer l’accès aux DEA. Elle a affirmé jeudi que «rien n’avance» pour l’adoption d’une telle loi et elle estime que M. Dubé a plutôt choisi de se concentrer sur une réforme administrative du système de santé, arguant qu’une loi sur les défibrillateurs dans l’espace public pourrait sauver des vies.

«C’est un défibrillateur qui m’a sauvé la vie, témoigne Jean-Philippe LaRose, survivant d’un arrêt cardiaque et administrateur à la Fondation Jacques-de Champlain. C’est normal que mon souhait le plus cher soit que tout le monde ait la même chance que moi de survivre. Avec le projet de loi, nous sommes tout près du but. Je comprends mal pourquoi on n’a pas encore une loi qui améliore l’accès aux DEA au Québec.»

Au Québec, près de 10 000 personnes sont victimes annuellement d’un arrêt cardiaque et malheureusement, neuf personnes sur dix en décèdent. «Je suis partisan de la démocratisation de l’aide médicale à mourir, mais ici on parle d’une initiative d’aide médicale à survivre. Pour nous, c’est un enjeu aussi important et on a l’impression que c’est un petit peu mis en dessous du tapis en ce moment», se désole M. de Champlain.

«Comme urgentologue, dans ma vie, j’ai trop souvent eu à annoncer à des familles de patients endeuillées qu’elles venaient de perdre un de leur proche. Et je sais très bien que s’il y avait eu un défibrillateur accessible dans cet endroit public, l’histoire aurait pu se terminer complètement autrement», raconte M. de Champlain.

Selon des estimations, il serait possible de sauver jusqu’à 200 vies par année. «C’est une loi simple, une loi qui devrait être transpartisane à travers les élus. On devrait suivre la tendance canadienne et aller de l’avant au Québec», plaide-t-il.

Le Manitoba fait bonne figure en la matière. Cette province canadienne possède une loi sur l’accès aux DEA et bénéficie d’un des plus grands accès au pays, soit 324 DEA par 10 000 habitants en 2020. Le Québec est l’une des provinces avec le plus faible bilan, c’est-à-dire 27 DEA par 10 000 habitants en 2020.

Ce taux est encore plus faible dans certaines régions du Québec. Par exemple, on compte au Saguenay-Lac-Saint-Jean 324 défibrillateurs externes automatisés enregistrés sur l’application DEA-Québec pour 95 761 km2. En Mauricie, on en recense 251 pour 35 447 km2.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.