Plusieurs inconnues demeurent sur l’issue des élections de mi-mandat aux États-Unis

WASHINGTON — Les politiciens en campagne le disent tout le temps : l’élection à venir sera la plus importante de cette génération.

Mais ces jours-ci, au milieu de l’impasse politique et de l’instabilité sociale profonde aux États-Unis, chaque appel aux urnes – dont les élections qui se déroulent à mi-parcours d’un mandat présidentiel – semble plus important que le précédent.

«Je suis toujours un peu inquiet, bouleversé, chagriné que lorsque nous avons une élection, le monde doit s’inquiéter du résultat», a affirmé Bruce Stokes, chercheur principal invité au German Marshall Fund à D.C., lors d’une récente table ronde sur la question.

«Lorsque nous élisons un Congrès ou un président, ce Congrès et ce président ont une influence disproportionnée sur ce qui se passe dans le monde.»

L’héritage de Donald Trump pèse lourd sur les élections de mi-mandat de 2022, mais il en va de même pour les difficultés de Joe Biden, son successeur démocrate. Les électeurs ont donné aux démocrates le contrôle du Congrès en 2020 – mais à peine.

Du changement pourrait se produire le 8 novembre.

Il est vrai que l’élan républicain implacable du début de cette année, initialement alimentée par une inflation élevée, de faibles taux d’approbation présidentielle et une incertitude économique persistante, a considérablement ralenti depuis le printemps.

La décision étonnante de la Cour suprême d’abandonner la protection fédérale du droit à l’avortement a provoqué une onde de choc tout au long de la campagne électorale, dynamisant les démocrates et mobilisant les électrices.

Joe Biden a également trouvé son rythme tardivement, avec des victoires législatives clés, dont l’importante Loi sur la réduction de l’inflation, adoptée avec l’appui du sénateur démocrate modéré Joe Manchin. Elle comprenait un sursis bienvenu pour le Canada: les incitations fiscales américaines pour les véhicules électriques ont été remplacées par des crédits qui s’appliqueraient également aux véhicules électriques construits au nord de la frontière.

Mais la plupart des observateurs politiques ne parient pas gros sur la possibilité d’une vague démocrate. Le parti à la Maison-Blanche s’est fait punir dans huit des dix dernières élections de mi-mandat, et le taux d’approbation du président Biden continue de tourner autour des 41 %.

– BALANCE DU POUVOIR: 

À la Chambre des représentants, où chaque siège est à pourvoir en novembre, les démocrates occupent 221 sièges sur 435, tandis que les républicains en détiennent 212. Deux sièges sont actuellement vacants.

«Lorsque la cote du président est dans les 40, son parti a tendance à perdre en moyenne 37 sièges à la Chambre […] il est donc très probable que les démocrates perdent le contrôle de la Chambre des représentants», a souligné M. Stokes.

«C’est, je crois, la marge de cette perte qui sera intéressante à suivre.»

Le Sénat est divisé à parts égales — 50 sièges de chaque côté, donnant le vote décisif à la vice-présidente Kamala Harris. Les règles du Sénat exigent que 60 sénateurs votent en faveur de la fin du débat sur la plupart des projets de loi afin d’échapper à l’obstruction systématique, ce qui signifie qu’une majorité simple n’est souvent pas suffisante.

Seuls 35 sièges au Sénat sont à pourvoir cette année, dont 21 démocrates et 14 républicains. Les experts n’anticipent pas un énorme basculement, mais lorsque le Sénat est divisé à parts égales, il suffit qu’un siège change de mains pour modifier l’équilibre des pouvoirs.

– REDÉCOUPAGE:

Tous les dix ans, les chambres législatives États redessinent leurs districts du Congrès pour refléter plus précisément l’évolution de la carte de la population — un processus connu sous le nom de redécoupage. Quand c’est fait au profit d’un parti en particulier, c’est ce qu’on appelle le gerrymandering («charcutage électoral»). Aux États-Unis ces jours-ci, les deux termes sont largement synonymes.

Les deux partis le font, mais cette année, plus de républicains que de démocrates ont effectué du redécoupage et devraient en récolter les fruits en novembre. Une analyse de «Politico» sur la nouvelle carte du Congrès a révélé que les républicains avaient un avantage dans dix districts de plus qu’en 2020, contre un seul pour les démocrates.

– LES AUTRES ÉLECTIONS:

Les électeurs américains font généralement plusieurs choix dans l’isoloir, élisant non seulement des sénateurs et des membres du Congrès, mais également des législateurs d’État, des responsables de l’application des lois et des juges. À une époque où l’intégrité des élections ou le droit à l’avortement sont remis en question, les autres élections qui attirent rarement l’attention des médias sont plus importantes que jamais.

«Une chose qu’il est important d’examiner sera les courses pour les secrétaires d’État, car ce sont eux qui ont compétence sur les élections», a déclaré l’ancien sénateur de l’État de l’Ohio, Capri Cafaro, qui enseigne la politique à l’Université américaine de Washington, D.C.

«Cela pourrait vraiment changer la dynamique de l’intégrité électorale et ce qui est perçu comme la tenue d’élections libres et équitables, selon qui est à la barre.»

ÉTATS À SURVEILLER

Pennsylvanie: Sans doute l’événement principal de la saison de mi-mandat 2022, les électeurs de cet État décisif – celui qui a confirmé la victoire électorale de Joe Biden il y a deux ans – choisiront entre le célèbre animateur de télévision Mehmet Oz, un médecin républicain controversé, et le lieutenant-gouverneur de la Pennsylvanie, le démocrate au franc-parler John Fetterman qui a été mis sur la touche par un accident vasculaire cérébral pendant une grande partie de l’été. Cette fois, au lieu de décider qui obtient la Maison-Blanche, la Pennsylvanie peut décider qui contrôle le Sénat.

Ohio: J.D. Vance, l’investisseur en capital de risque et auteur controversé de «Hillbilly Elegy», est l’un des nombreux porte-drapeaux de Trump en 2022, au même titre que Oz et l’ancien porteur de ballon de la NFL Herschel Walker en Géorgie. Après une primaire meurtrière et une approbation tardive de l’ancien président, il se présente dans un État que Trump a remporté haut la main en 2016 et 2020. Le fait est qu’il ne gagne pas: les sondages suggèrent que Vance et le représentant démocrate Tim Ryan, qui essaie de passer au Sénat, sont au coude-à-coude.

Géorgie : La franchise en pleine expansion des célébrités qui font campagne pour la première fois se poursuit dans le Peach State, où la légende du football Herschel Walker se bat avec Raphael Warnock. La victoire du révérend de Géorgie, la veille des émeutes du 6 janvier de l’année dernière à Capitol Hill, a fait de lui le premier sénateur noir du Grand Sud et a aidé les démocrates à prendre le contrôle du Sénat. Walker, un favori de Trump, a été talonné par des allégations de violence domestique, des affirmations douteuses de service dans les forces de l’ordre et des commentaires de campagne décousus et absurdes. Les sondages suggèrent une course serrée avec Warnock, qui garde une avance étroite dans un État qui nécessite un second tour si aucun des candidats ne franchit le seuil de 50 %.

Arizona: les républicains avaient de grands espoirs d’arracher la victoire au sénateur sortant Mark Kelly : l’ancien pilote de la navette spatiale, qui a remplacé feu John McCain en 2020, est le mari de l’ancienne représentante Gabby Giffords, qui est devenue une éminente défenseure du contrôle des armes à feu après avoir survécu de peu à une tentative d’assassinat en 2011. Mais le candidat républicain Blake Masters, un autre endossé de Trump, est à la traîne dans une campagne que les experts considèrent comme emblématique de l’épée à double tranchant qu’est le soutien de l’ancien président.

Nevada : la démocrate sortante, l’ancienne procureure générale Catherine Cortez Masto,  affronte un autre ancien procureur général de l’État, Adam Laxalt. Il pourrait s’agir du baromètre le plus fidèle de la manière dont des facteurs clés tels que l’inflation et les prix de l’essence, l’avortement et l’influence croissante des électeurs hispaniques influenceront le résultat.

Wisconsin : Le sénateur sortant Ron Johnson personnifie le dilemme post-Trump pour les républicains fidèles à l’ancien président. Le Wisconsin a opté de justesse pour Trump plutôt qu’Hillary Clinton en 2016, puis a pivoté vers Biden en 2020. Ironiquement, Johnson s’est avéré vulnérable aux efforts démocrates pour utiliser ses affiliations avec Trump contre lui, le dépeignant comme un milliardaire qui n’a pas l’authentique crédibilité de classe ouvrière de son challenger, Mandela Barnes, la première lieutenante-gouverneure noire de l’État. Les sondages les placent au coude-à-coude.

Caroline du Nord : un autre État violet qui penche vers les républicains et qui pourrait déterminer quel parti détient l’équilibre des pouvoirs au Sénat. Le représentant républicain au Congrès, Ted Budd, espère passer à la chambre haute, tout comme l’ancienne juge de la Cour suprême de l’État, Cheri Beasley. Avec Budd, un autre proche de Trump qui a voté contre la certification de la victoire électorale de Joe Biden, les démocrates voient la Caroline du Nord comme une opportunité de transformer un siège rouge en bleu – et les deux partis augmentent leurs dépenses publicitaires alors que la campagne approche du sprint final de quatre semaines.