Nouvelle cible: Ottawa compte réduire les GES de moitié d’ici 2035
MONTRÉAL — Le Canada a publié jeudi midi une nouvelle cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ottawa vise une réduction de la moitié des GES du pays par rapport aux niveaux de 2005, d’ici 2035.
En 2021, le Canada s’était engagé à réduire d’ici 2030 ses émissions de GES de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005, mais, jusqu’à présent, elles n’ont diminué que de 7 %.
Selon la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, le ministre de l’Environnement devait établir une cible pour l’année 2035, au plus tard le 1er décembre 2024.
Jeudi midi, Steven Guilbeault a donc annoncé, avec plus d’une semaine de retard, que la nouvelle cible de réduction des émissions pour 2035 sera de 45 à 50 % par rapport aux niveaux de 2005.
«Je pense que ça envoie le signal à l’ensemble de la société canadienne, à l’industrie, aux provinces et aux autres acteurs concernés, que le Canada poursuit sa lutte au changement climatique et qu’on va plus loin», a indiqué le ministre Guilbeault en entrevue avec La Presse Canadienne.
Cette cible est «ambitieuse», mais «atteignable et responsable», selon le ministre de l’Environnement.
«Je pense que c’est encore possible, mais il faut continuer de travailler», a ajouté le ministre lors d’un entretien téléphonique.
La tarification sur le carbone, le règlement sur le méthane, le plafond sur les émissions des secteurs pétroliers et gaziers, l’éventuelle réglementation sur l’électricité propre et la norme sur la disponibilité des véhicules électriques sont les principales mesures qui permettront de réduire les GES au cours des prochaines années, selon Steven Guilbeault.
Le ministre sollicite l’aide des provinces
Toutefois, a indiqué le ministre, «le gouvernement fédéral seul ne peut pas tout faire» et «plus les provinces vont être parties prenantes, plus elles vont aller de l’avant avec des mesures ambitieuses, plus ça va être facile de réduire les émissions».
L’élu libéral a donné l’exemple d’une entente récente entre le fédéral et le Nouveau-Brunswick.
Il y a quelques jours, Ottawa a annoncé que le gouvernement dépenserait plus d’un milliard de dollars pour développer le réseau d’électricité propre de cette province.
Ottawa soutiendrait notamment jusqu’à 670 mégawatts de projets éoliens dirigés par des Autochtones avec près d’un milliard de dollars de dépenses.
«Si on arrivait à avoir ce genre de partenariat là partout au pays, ça serait incroyable la vitesse à laquelle on pourrait aller», a fait valoir le ministre.
Une cible qui ne peut pas être revue à la baisse
La Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité stipule que le gouvernement fédéral doit publier le Plan de réduction des émissions pour 2035 d’ici la fin de 2029.
Selon le ministre Guilbeault, advenant un changement de pouvoir, le prochain gouvernement devrait «non seulement présenter un plan, mais aussi publier des mises à jour du plan actuel (pour 2030) en 2027 et en 2028, car c’est dans la loi».
Le ministre a ajouté que «selon la loi», si un autre gouvernement voulait changer la cible de 2035, celle-ci «ne pourrait pas être plus basse que la cible que nous avons présentement».
Selon le commissaire fédéral à l’environnement, le Canada n’est toujours pas sur la bonne voie pour respecter ses engagements dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat de 2015.
Le rapport du commissaire Jerry DeMarco, publié il y a un mois, indique que «dans l’ensemble, le gouvernement fédéral a mis en place diverses mesures d’atténuation pour soutenir les progrès vers une transition vers la carboneutralité, mais n’a toujours pas réalisé suffisamment de progrès pour réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre son objectif de 2030».
Le rapport souligne que, de 2005 à 2022, les émissions de GES du Canada ont diminué de 7,1 %.
Des réactions partagées
Le groupe consultatif sur la carboneutralité, qui conseille le gouvernement fédéral, recommandait de son côté une réduction de 50 à 55 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2035.
Ce qui fait dire à Nature Québec que la cible de 2035 annoncée par le ministre représente un «effort insuffisant».
«En établissant sa cible climatique pour 2035, le Canada avait une opportunité en or: celle de montrer au monde entier que malgré un contexte politique et économique difficile, l’action climatique ne doit être freinée, mais accélérée. Malheureusement, le gouvernement fédéral est complètement passé à côté, laissant tomber au passage celles et ceux qui souffrent aujourd’hui, ici comme ailleurs, des impacts des bouleversements climatiques», a indiqué Anne-Céline Guyon, analyste énergie et climat à Nature Québec.
Pour Anna Kanduth, directrice du projet 440 mégatonnes de l’Institut climatique du Canada, «l’extrémité haute de la fourchette officielle, qui correspond à une réduction des émissions de 45 à 50 % par rapport aux niveaux de 2005, concorde avec la fourchette recommandée par l’Institut climatique du Canada à l’issue d’une analyse indépendante des différentes cibles possibles pour 2035».
Toutefois, a indiqué l’Institut climatique du Canada, dans un communiqué, «si l’extrémité basse de la fourchette est plus atteignable à court terme, elle risque de nuire à la compétitivité à long terme du Canada, notamment en retardant certaines décisions d’investissements propres et en augmentant le risque d’abandon des installations de combustibles fossiles à l’avenir».