Libéraux et néo-démocrates se chamaillent au centre-gauche, à mi-campagne en Ontario

TORONTO — Le chef libéral de l’Ontario qualifie de «tactiques désespérées» les allégations néo-démocrates qui visent certaines candidatures de son parti — des manœuvres qui selon lui ne font qu’aider les progressistes-conservateurs à conserver le pouvoir le 2 juin.

Steven Del Duca a refusé mercredi de commenter les allégations soulevées par le Nouveau Parti démocratique (NPD) selon lesquelles la candidate libérale dans Chatham-Kent-Leamington aurait été frauduleusement inscrite, in extremis, pour le scrutin de juin.

M. Del Duca a indiqué qu’il ne veut pas s’engager avec le NPD dans de telles querelles sur les candidatures. Les néo-démocrates ont déjà soulevé des doutes à propos d’autres candidats libéraux abandonnés par le parti avant la date limite de déclaration des candidatures le 12 mai dernier. Les libéraux ne présenteront pas de candidats dans la totalité des 124 circonscriptions le mois prochain.

«Alors qu’il reste 16 jours dans cette campagne, je pense qu’il est vraiment triste de voir Mme Horwath et le NPD de l’Ontario recourir à des tactiques désespérées», a soutenu M. Del Duca lors d’une annonce à Toronto sur les services de garde.

Le chef libéral s’est dit «déçu» de voir que les néo-démocrates l’attaquent lui plutôt que de cibler les conservateurs, comme le fait son parti, selon lui. «Chaque fois que le NPD de l’Ontario m’attaque et attaque les libéraux de l’Ontario, (le chef progressiste-conservateur) Doug Ford et son équipe sourient», a déclaré M. Del Duca, répétant une phrase qu’il avait lancée pour la première fois lors du débat des chefs de lundi soir. «Eh bien, je ne veux pas que Doug Ford sourie le 2 juin: je veux qu’on lui montre la porte.»

La cheffe néo-démocrate estime toutefois que les questions de nominations et de candidatures sont sérieuses, et que M. Del Duca devra répondre sur le fond, plutôt que de jouer la carte de l’attaque personnelle.

«Il doit intervenir et assumer ses responsabilités, a-t-elle déclaré lors d’une annonce à Kingston, mercredi. Comment pouvez-vous faire confiance à quelqu’un pour qu’il devienne premier ministre de la province si vous ne pouvez pas lui faire confiance pour suivre les règles en matière de nomination des candidats.»

Le NPD a demandé à Élections Ontario d’enquêter sur une allégation selon laquelle la candidate libérale dans la circonscription avait finalement été nommée en se servant de signatures recueillies en faveur du candidat abandonné précédemment par le parti. Élections Ontario a refusé de confirmer si une enquête avait été ouverte dans ce dossier.

Ford maintient son appui à un candidat

Pendant ce temps, le chef progressiste-conservateur Doug Ford a soutenu mercredi un de ses candidats qui aurait été impliqué, selon un reportage, dans des organisations qui ont publié des opinions homophobes. 

Dans un article de «PressProgress», un média fondé et financé par l’Institut Broadbent, on rapporte que le candidat dans Brantford-Brant, Will Bouma, avait occupé un poste de direction dans une organisation religieuse qui a publié un magazine déconseillant aux jeunes d’adopter un «mode de vie homosexuel». Les libéraux, les néo-démocrates et les verts ont tous condamné les articles et les opinions véhiculées.

M. Ford, qui était mercredi dans un comté néo-démocrate à Hamilton, a plaidé que M. Bouma n’avait pas écrit les articles en question et qu’il était injuste de le qualifier d’homophobe. 

Dans un message sur Twitter, M. Bouma a commenté l’histoire en disant qu’il était «un père fier, aimant et solidaire d’une fille qui est membre de la communauté LGBTQ», et il assure que ses «opinions sont claires» là-dessus. «Je soutiens les droits de tous mes électeurs, quelle que soit leur orientation. Je n’ai pas participé à la rédaction de ces articles», lit-on dans son message.

M. Ford a estimé que les citoyens se souciaient d’enjeux comme l’emploi et la baisse des impôts. «Ils veulent s’assurer qu’ils peuvent payer leur hypothèque, payer leur loyer et mettre de la nourriture sur la table. C’est ce qui préoccupe les gens et c’est l’enjeu de cette élection», a-t-il dit.

Division des progressistes

Les révélations sur les candidats et l’escalade des tensions entre les libéraux et le NPD arrivent à mi-parcours de cette campagne, alors que les deux partis ont soutenu qu’ils voulaient former le gouvernement, malgré les récents sondages qui suggèrent que les conservateurs sont toujours en tête dans les intentions de vote.

Mme Horwath a refusé de commenter mercredi lorsqu’on lui a demandé si le moment ne serait pas venu pour les partis progressistes en Ontario d’adopter une stratégie plus unifiée afin de barrer la route aux conservateurs. Elle a soutenu qu’elle faisait toujours campagne pour former un gouvernement majoritaire à Queen’s Park et que le NPD offrait aux électeurs ontariens le meilleur véhicule pour chasser les conservateurs. 

M. Del Duca a également soutenu que son parti, qui comptait sept députés à la dissolution de l’Assemblée législative, avait une chance réaliste de former un gouvernement. Il estime que les électeurs n’aiment pas que les chefs de partis discutent avant les élections de la façon dont ils pourraient «se répartir le pouvoir».

Pour Cristine de Clercy, professeure agrégée de sciences politiques à l’Université Western, il n’y a «aucun doute» que la division des votes de centre-gauche entre les libéraux et le NPD profiterait aux progressistes-conservateurs.

Mme De Clercy a aussi déclaré en entrevue que les électeurs pourraient se fatiguer si les attaques contre des candidats particuliers dominent le débat électoral.

«Les Ontariens ont, comme la plupart des électeurs, une tolérance limitée pour, disons, la ‘politique négative’, pour des petits moments ‘je t’ai eu’ qui se produisent en montrant du doigt certains candidats, de chaque côté, pour adopter une rhétorique vraiment au vitriol, plutôt que pour proposer des solutions positives», a-t-elle déclaré.

«C’est vrai pour tous les principaux partis: ils doivent être un peu prudents quant à leur quête d’aller chercher le vote au cours de ces deux dernières semaines, car il y a parfois une ligne un peu mobile entre être compétitif et être perçu comme négatif et agressif.»