Le trèfle blanc s’est adapté aux villes, montre une nouvelle étude

MONTRÉAL — Omniprésent dans nos parcs et dans nos pelouses, le trèfle blanc cosmopolite s’est adapté au milieu urbain en produisant moins d’une substance qui lui permet normalement de se protéger des prédateurs herbivores, constate une nouvelle étude internationale à laquelle participent des chercheurs montréalais.

Le trèfle blanc se protège habituellement des herbivores en produisant de l’acide cyanhydrique, une substance qui lui confère un goût très amer et une toxicité potentiellement létale, a-t-on expliqué par voie de communiqué.

Les chercheurs du Global Urban Evolution Project (GLUE), une initiative d’envergure internationale à laquelle contribuent les professeurs Pedro Peres-Neto et Carly Ziter de l’Université Concordia, ont toutefois découvert que le trèfle blanc qui pousse en ville est moins susceptible de produire de l’acide cyanhydrique pour se défendre que celui qui pousse en campagne.

«C’est un changement très important pour le trèfle, parce que ça concerne la protection face (aux herbivores)», a résumé le professeur Peres-Neto, un spécialiste de l’écologie quantitative.

Les chercheurs ont recueilli plus de 100 000 trèfles blancs provenant de 160 villes situées sur tous les continents. Les plantes ont été cueillies selon un gradient géographique allant de zone très urbaine à zone non urbaine. Leur capacité à produire de l’acide cyanhydrique a ensuite été analysée.

Dans environ la moitié des villes où des échantillons ont été prélevés, les scientifiques ont constaté que les plantes qui produisent moins d’acide cyanhydrique sont plus nombreuses en ville qu’en campagne.

Les plantes demeurent toutefois génétiquement très similaires, ce qui porte à penser «qu’il y a une forte évolution par sélection conduisant à une réduction de la cyanogenèse dans les systèmes urbains», explique-t-on.

«Cette espèce (le trèfle blanc) a été introduite partout dans la planète, donc on peut utiliser une espèce qui est bien distribuée pour générer des évidences claires et fortes que les milieux urbains peuvent changer la trajectoire évolutive des espèces», a dit le professeur Peres-Neto.

Des résultats similaires avaient déjà été obtenus à l’échelle locale, dans deux ou trois villes, a-t-il ajouté, «mais le résultat colle très bien à l’échelle globale. (…) On pourrait dire que les résultats ont été validés à l’échelle mondiale».

Cette adaptation du trèfle blanc cosmopolite donne un aperçu de l’impact de l’urbanisation sur les écosystèmes et leur biodiversité, au moment où les Nations unies prédisent que les deux tiers de la population mondiale habiteront en ville d’ici la fin du siècle.

Les villes sont des écosystèmes totalement différents par rapport à ce qu’on retrouve dans la nature, a souligné le professeur Peres-Neto, «et il faut qu’on commence à comprendre comment les organismes s’adaptent à ce milieu, parce que c’est un milieu qui va grandir».

«Pour la gestion et la conservation de la biodiversité qui va se trouver de plus en plus dans les villes, c’est important pour nous de comprendre quels sont les processus qui amènent une évolution qui, potentiellement, est différente en ville par rapport à des milieux qui sont en dehors des villes», a-t-il expliqué.

D’autres espèces vont s’adapter d’autres manières, a poursuivi le chercheur, «mais il n’y a pas de façons infinies de s’adapter». Si le trèfle blanc s’est adapté en réduisant sa production de cyanure, d’autres plantes pourront s’adapter différemment aux conditions plus positives (moins de prédateurs) ou plus négatives (plus de béton, donc moins de sols où s’enraciner) des villes.

Si de nombreux chercheurs ont étudié l’adaptation des animaux aux villes, cette étude est une des premières, sinon la première, à s’intéresser à l’adaptation des plantes au milieu urbain. Mais une étude d’une telle ampleur mondiale serait essentiellement impossible à réaliser avec les animaux, a souligné le professeur Peres-Neto: «Les plantes nous facilitent beaucoup la vie parce qu’elles ne bougent pas».

Les chercheurs tenteront maintenant de déterminer si l’énergie que le trèfle consacrait auparavant à la production d’acide cyanhydrique est maintenant utilisée à d’autres fins, comme une reproduction plus importante ou une plus longue longévité.

Le premier article issu du projet est publié par la très prestigieuse revue Science. Le professeur Peres-Neto compte parmi les 11 principaux auteurs de l’article.