L’ambassadeur des États-Unis prévoit une embellie dans la relation canado-américaine

MONTRÉAL — L’arrivée du président Joe Biden aux États-Unis représente «une occasion de rebâtir la relation (canado-américaine) à nouveau», selon l’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen, mais cela ne résoudra pas le conflit du bois d’œuvre pour autant.

S’adressant mardi à quelque 250 convives réunis sur place à Montréal et par vidéoconférence par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), M. Cohen a louangé l’action rassembleuse du président Biden, un ami personnel.

«Il n’y a pas grand-chose de bon qui soit ressorti de l’invasion horrifique de l’Ukraine et les crimes de guerre qui, en toute franchise, sont à être commis avec cette invasion, mais une bonne chose qui en est ressortie – et qui aurait été impensable il y a un an – est que le comportement de la Russie a absolument aidé à unifier l’OTAN, à unifier le G7, à unifier le G20, à unifier l’Union européenne, à unifier les démocraties du monde contre la malfaisance de l’autocratie.»

Biden un meilleur interlocuteur que Trump

La présence du président Biden a le même effet sur la relation entre le Canada et son voisin du Sud, selon l’ambassadeur.

En discussion avec les représentants des médias à la suite de sa conférence, l’ambassadeur américain s’est montré réticent à parler de l’administration de Donald Trump et de son impact sur la relation entre les deux pays. «Je n’aime pas parler de l’administration précédente», a-t-il d’abord déclaré, admettant en toute franchise qu’il ne l’avait jamais soutenue et se gardant bien de nommer le président défait.

C’est à ce moment qu’il a dit croire que son remplacement par Joe Biden était une occasion de rebâtir les ponts. «N’importe quelle bonne relation connaîtra ses hauts et ses bas», a-t-il fait valoir, soulignant qu’à chaque fois qu’elle avait été mise à l’épreuve, la relation canado-américaine «a été rebâtie, pour être meilleure et plus forte (…) de sorte qu’il n’y a pas de dommage qui dure à moyen et à long terme».

Bois d’oeuvre: un conflit qui persistera

Questionné sur la persistance du conflit du bois d’œuvre, toutefois, il a d’abord rappelé qu’il s’agissait d’un différend qui s’inscrit dans une relation commerciale qui se chiffre à 2,6 milliards $ par jour. «Les différends que nous avons – et je ne veux pas les minimiser en disant à quel point ils sont petits – doivent être vus par rapport au contexte de l’ensemble de la relation qui est presque entièrement en libre-échange.»

Selon l’ambassadeur, toutefois, ce contentieux qui perdure depuis des décennies est entièrement imputable au Canada. «Ce dont il est question ici – et c’est très difficile de le faire comprendre au Canada – est que l’initiateur du problème est le Canada, ce ne sont pas les États-Unis.»

Reprenant l’argumentaire traditionnel des États-Unis, il a expliqué que «les exploitants de bois d’œuvre canadiens font pousser la vaste majorité de leurs arbres sur des terres qui sont la propriété du gouvernement canadien et le gouvernement canadien offre des coûts de location qui sont substantiellement inférieurs au coût du marché. Aux États-Unis, les exploitants de la forêt doivent louer leurs terres de propriétaires privés et doivent payer les prix du marché.» 

Une subvention injuste

La résultante, selon cette logique, est «que le Canada subventionne injustement les exploitants de bois d’œuvre canadiens», d’où la réponse américaine d’imposer des tarifs sur les produits canadiens «pour rendre le marché plus égalitaire et pour donner aux exploitants de bois d’œuvre des États-Unis une situation compétitive juste face aux exploitants canadiens». En d’autres termes, ce différend n’est pas sur le point d’être résolu, à court ou à moyen terme ou possiblement même à long terme.

D’ailleurs, devant les convives du CORIM, il avait abordé la question des différends comme étant normale. «Dans toute famille il y aura des différends et j’aime évaluer la solidité d’une relation et la valeur d’une relation par la manière dont nous résolvons ces différends.

«Le Canada et les États-Unis ont un historique de résolution de tous nos différends de manière constructive, civile et appropriée pour les deux pays.»

Investir dans la défense

Sur la question des dépenses militaires du Canada, sa contribution à l’OTAN et son engagement à moderniser NORAD, le système de surveillance et de défense du Nord de l’Amérique et de l’Arctique, David Cohen s’est montré diplomate, comme l’exigent ses fonctions. Toujours sans la nommer, il a rejeté l’approche de l’administration Trump. «Je ne me comporterai pas comme d’autres ont pu se comporter dans le passé et tracer une ligne dans le sable et dire que le Canada doit faire X.»

Ainsi, par exemple, le Canada ne contribue que 1,39 % de son PIB à l’OTAN alors que ses obligations comme membre prévoient une participation équivalant à de 2 % du PIB. M. Cohen s’est contenté d’envoyer plutôt subtilement qu’«il faut une défense adéquate et cela exige des ressources».

Mais plutôt que d’invoquer le 2 %, l’ambassadeur américain s’est dit très encouragé par les propos de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, de la ministre de la Défense, Anita Anand, et surtout du premier ministre Justin Trudeau qui ont tous trois reconnu que le Canada doit augmenter ses dépenses militaires. Il a dit s’attendre à ce que ces propos se concrétisent dans le budget fédéral de jeudi.

Pour appuyer son propos, il a argué que le Canada lui-même aura avantage à investir dans sa défense nationale, plus particulièrement dans l’Arctique. «Protéger et préserver l’Arctique et les intérêts canadiens dans les minéraux critiques de l’Arctique est une priorité majeure pour le gouvernement canadien et pour le gouvernement américain et ça, c’est NORAD et la modernisation de NORAD», a-t-il argué. Il n’a pas eu besoin d’élaborer sur ce sujet pour passer le message que la menace, dans cette région, vient de la Russie.