Doctorat honoris causa: malgré l’état de la planète, Maude Barlow garde espoir

MONTRÉAL — Quelques jours avant son 75e anniversaire, l’environnementaliste canadienne Maude Barlow recevra samedi un doctorat honoris causa de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), pour souligner sa contribution au droit universel à l’eau.

La militante Maude Barlow ajoutera un 16e doctorat honorifique à sa collection, l’INRS souhaitant ainsi «réaffirmer sa reconnaissance des enjeux liés à l’accès à l’eau ainsi que l’importance de préserver cette ressource essentielle à toute forme de vie».

Cette distinction sera la première à lui être remise par une université au Québec.

«C’est un joli cadeau d’anniversaire pour mes 75 ans et, comme je l’ai dit, je suis très honorée parce que c’est un incroyable Institut, ils sont très appréciés et font des recherches scientifiques très précises avec des jeunes du monde entier et ils ont un impact sur les politiques publiques», a déclaré Mme Barlow à La Presse Canadienne.

Le mythe de l’abondance

Maude Barlow est l’initiatrice des Communautés bleues, dont fait partie Montréal, un projet qui encourage les municipalités à protéger et à promouvoir le droit de l’accès à l’eau ainsi qu’à renoncer à sa privatisation. 

À ce sujet, elle a expliqué en entrevue que le «Canada et le Québec ont ce qu’on appelle le mythe de l’abondance. Nous avons simplement cette idée que nous avons tellement d’eau que nous n’avons pas à nous en occuper et que nous pouvons laisser n’importe qui avoir tout ce qu’il veut pour presque rien.»

Elle dénonce sans détour la récente décision de la Cour du Québec d’empêcher Eau Secours et le Conseil québécois du droit de l’environnement (CQDE) de connaître les quantités d’eau prélevées par les grands embouteilleurs.

En utilisant la Loi sur l’accès à l’information, neuf grands embouteilleurs dont Coca−Cola, Pepsi, Naya, Amaro et Eska, notamment, ont réussi à empêcher le ministère de l’Environnement de fournir ces chiffres aux deux organismes qui les avaient demandés par le biais d’une demande d’accès à l’information.

La Loi sur l’accès à l’information permet en effet d’invoquer le secret commercial pour refuser de donner certains renseignements.

«C’est tout simplement inacceptable à tous les niveaux et il est absolument inacceptable que la loi empêche les Québécois de connaître ces détails. Alors, vraiment, j’espère que c’est un signal d’alarme pour que le gouvernement du Québec modifie cette législation parce que vous savez, vous pensez qu’il y a toute l’eau du monde, mais nous avons une planète qui manque d’eau potable et il est très important que les gens le comprennent.»

Elle compare ces compagnies à des minières, qui creusent le sol jusqu’au moment où il n’y a plus de minéraux.

«Qu’est-ce qu’il arrivera si ces entreprises en prennent plus que ce que les écosystèmes peuvent fournir? Est-ce que c’est possible qu’un jour on se réveille et qu’il n’y a plus d’eau à certains endroits?» 

Selon elle, aucune entreprise ne devrait avoir le droit de commercialiser l’eau et elle croit que le modèle des Communautés bleues peut agir comme un bouclier face à la privatisation de l’eau.

Garder espoir

Maude Barlow est l’auteure d’une vingtaine de livres. Dans son dernier, dont le titre en anglais est «Still Hopeful: Lessons from a Lifetime of Activism», elle tente d’offrir de l’espoir.

Malgré les rapports alarmants provenant des scientifiques sur l’état de notre planète, Maude Barlow voit plusieurs raisons de garder espoir.

Par exemple, les promesses et différents traités pour protéger et restaurer la biodiversité, le projet du gouvernement fédéral de planter des milliards d’arbres et celui de protéger 30 % des terres et des eaux d’ici 2030. Elle voit aussi dans le traité sur la pollution des plastiques et celui sur la réduction du méthane des progrès qui permettent de rester optimiste.

Elle fonde également beaucoup d’espoir sur le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, avec qui elle a combattu pour empêcher la réalisation du projet d’oléoduc Énergie Est.

Même si le gouvernement libéral a fait des erreurs en achetant un pipeline et en permettant le projet Bay du Nord, elle continue de croire que Steven Guilbeault «a un plan très sérieux concernant l’environnement».

L’INRS, un établissement universitaire dédié exclusivement à la recherche et à la formation aux cycles supérieurs, remettra le doctorat honoris causa à la présidente du conseil d’administration de l’organisme Food and Water Watch à l’occasion de sa collation des grades.