Bay du Nord: T.-N.-L. ne s’inquiète pas trop de l’entente libéraux-néo-démocrates

SAINT-JEAN, T.-N.-L. — Alors que l’industrie pétrolière de Terre-Neuve-et-Labrador fait face à plus d’hésitations de la part d’Ottawa, le ministre provincial de l’Énergie se dit insensible aux commentaires des néo-démocrates fédéraux selon lesquels l’approbation fédérale d’un nouveau champ pétrolifère au large de Saint-Jean sera bien difficile à justifier d’un point de vue environnemental.

Andrew Parsons admet qu’il s’attend à de l’opposition à Ottawa, en particulier de la part du Nouveau Parti démocratique (NPD), concernant le projet de développement «Bay du Nord» d’Equinor, qui ouvrirait un nouveau champ pétrolifère à environ 500 km à l’est de l’île de Terre-Neuve.

Mais le ministre Parsons assure qu’il ne craint pas que l’opposition affecte le sort de ce projet, même avec l’annonce cette semaine d’une «entente de soutien et de confiance» entre les libéraux et les néo-démocrates fédéraux pour travailler sur des priorités communes.

«Je n’ai eu aucune conversation avec le gouvernement fédéral à ce sujet, et nous n’avons reçu aucune indication que (cette entente) aura un impact sur la décision», a-t-il déclaré jeudi en entrevue. «Je sais que nous avons un soutien fédéral, et je sais qu’il y a évidemment des gens sur la scène fédérale qui sont contre le projet. Ce n’est pas nouveau.»

Terre-Neuve-et-Labrador attend avec impatience une décision, deux fois reportée, du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, qui doit déterminer si les impacts environnementaux du projet Bay du Nord seront suffisamment minimes pour qu’il aille de l’avant. 

M. Guilbeault a deux fois demandé plus de temps, d’abord en décembre dernier puis à nouveau en mars. Sa décision est maintenant attendue le mois prochain.

Jeudi, à Ottawa, le ministre Guilbeault a comparu devant un comité sénatorial sur l’énergie et a discuté du projet Bay du Nord dans le contexte de la guerre en Ukraine et de la possibilité d’aider les Européens à réduire leur dépendance au pétrole et au gaz russes. Il a dit au sénateur Claude Carignan que le pétrole n’était «pas une énergie de transition» et que le projet Bay du Nord ne résoudra pas les problèmes énergétiques immédiats de l’Europe.

Difficile à arrimer avec le climat

Plus tôt cette semaine, le NPD a déclaré qu’il soutiendrait en Chambre le gouvernement libéral minoritaire du premier ministre Justin Trudeau jusqu’en 2025. En échange, les libéraux ont accepté de travailler avec l’opposition néo-démocrate sur plusieurs priorités, dont la lutte contre les changements climatiques.

La porte-parole du NPD en matière d’environnement, Laurel Collins, a admis mercredi qu’elle avait du mal à voir comment les libéraux pourraient approuver Bay du Nord et l’aligner sur les engagements nationaux visant à limiter la hausse des températures mondiales à 1,5 °C.

Les progressistes-conservateurs provinciaux ont déclaré que l’entente entre les deux partis — et l’influence qu’elle donnerait au NPD à Ottawa — pourrait signifier l’arrêt de mort de Bay du Nord.

Pendant ce temps, Ottawa a suspendu un nouvel appel d’offres pour les permis d’exploration extracôtière de Terre-Neuve-et-Labrador. Le ministre Parsons a annoncé mercredi que le gouvernement fédéral avait demandé un délai pouvant aller jusqu’à 90 jours, parce qu’il avait besoin de plus de temps pour l’examen.

Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, a expliqué jeudi que son ministère avait demandé du temps parce que certaines des zones soumises à l’appel d’offres chevauchent des aires marines protégées, «et les intentions autour des aires marines protégées».

M. Wilkinson a déclaré aux journalistes qu’on ne devrait rien déduire de ce délai, qui n’est pas inhabituel, selon lui. Mais un porte-parole de l’agence provinciale de réglementation du pétrole extracôtier a déclaré jeudi que c’était la première fois qu’Ottawa suspendait ainsi un appel d’offres.

La «kryptonite» des libéraux

Alex Marland, professeur de sciences politiques à l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador, a déclaré que les retards avec Bay du Nord indiquent qu’Ottawa traverse une «période vraiment difficile avec ce dossier particulier».

«Chaque parti politique a sa kryptonite – quelque chose qui le déchire», a déclaré M. Marland jeudi. Pour les libéraux, dit-il, la kryptonite, c’est le changement climatique et leur désir de faire des progrès significatifs pour le combattre, tout en faisant face à des pressions pour soutenir le pétrole et le gaz.

Quant à la capacité du NPD fédéral d’influencer la décision des libéraux sur Bay du Nord, le professeur Marland souligne que les deux partis n’ont pas décidé de former un gouvernement de coalition — les néo-démocrates ne sont donc pas assis autour de la table au cabinet.

Selon M. Marland, la véritable indication de la position des libéraux fédéraux sur Bay du Nord se trouve en fait dans leurs promesses électorales.

«Ils n’ont pas fait campagne en disant: ‘Nous allons soutenir l’industrie pétrolière et gazière’. Ils ont fait campagne en disant qu’ils allaient agir contre le changement climatique.»