Ukraine: des combattants sont évacués de l’aciérie d’Azovstal

KYIV, Ukraine — La ville de Marioupol semblait près de passer aux mains des forces russes, mardi, alors que l’Ukraine a abandonné l’usine où des centaines de ses soldats s’étaient réfugiés pendant des mois, malgré les bombardements, afin d’éviter que leur ville soit capturée par l’ennemi.

La Russie a qualifié l’opération de reddition massive. Les Ukrainiens ont évité d’utiliser ce mot, déclarant que la garnison avait terminé sa mission.

Plus de 260 combattants, dont certains grièvement blessés, ont été retirés lundi d’une aciérie qui est la dernière redoute des combattants ukrainiens dans la ville et transportés vers deux villes contrôlées par les séparatistes, ont indiqué des responsables des deux côtés. D’autres combattants ― dont le nombre exact est inconnu ― restent à l’intérieur de l’aciérie d’Azovstal qui s’étend sur 11 kilomètres carrés dans une ville autrement contrôlée par les forces russes.

La capture complète de l’usine marquerait une étape importante. Cela donnerait à la Russie sa plus grande victoire de la guerre à ce jour et pourrait aider à libérer des forces pour une action offensive ailleurs dans le cœur industriel de l’est de l’Ukraine, qui est maintenant la cible de la Russie après une série de revers.

«L’Ukraine a besoin de héros ukrainiens pour vivre. C’est notre principe», a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky en annonçant que l’évacuation avait commencé.

«Il y a parmi eux de lourds blessés. Ils reçoivent une aide médicale, a-t-il ajouté. Le travail se poursuit pour ramener les gars à la maison et cela demande de la délicatesse et du temps.»

La vice-ministre ukrainienne de la Défense, Hanna Maliar, a dit espérer que les soldats qui ont été transportés en territoire russe pourront être échangés contre des prisonniers de guerre. Le président de la Douma — la chambre basse du Parlement russe — Viatcheslav Volodine a affirmé sans hésitation qu’il y avait parmi les résistants de l’aciérie des «criminels de guerre» et qu’ils ne seront pas échangés, mais bien jugés.

Les bombardements russes ont tué plus de 20 000 civils ukrainiens, selon les autorités locales, et ont forcé des milliers d’autres — jusqu’au quart de la population de la ville de 430 000 habitants — à quitter leur domicile ou à vivre avec un accès difficile à l’eau, à la nourriture,  à des endroits chauffés et aux médicaments.

Après la tombée de la nuit lundi, plusieurs autocars se sont éloignés de l’aciérie accompagnés de véhicules militaires russes. La vidéo du ministère russe de la Défense de certaines personnes évacuées n’en montre aucune qui soit armée. La vidéo montre des troupes palpant et fouillant les combattants. Certains étaient sur des civières lorsqu’ils ont été chargés dans les autocars.

Oleksandr Danylyuk, un ancien chef ukrainien de la sécurité nationale et ministre des Finances, a expliqué à la BBC que les forces ukrainiennes n’ayant pas pu rejoindre l’usine, l’évacuation négociée vers le territoire sous contrôle russe avait été «le seul espoir» pour les défenseurs d’Azovstal.

Ceux qui restent dans l’usine sont encore «capables de la défendre. Mais je pense qu’il est important de comprendre que leur mission principale est terminée et que maintenant leurs vies doivent être sauvées», a-t-il dit.

Un retrait négocié complet pourrait également sauver des vies du côté russe, épargnant aux troupes soutenues par la Russie ce qui serait presque certainement une bataille sanglante et difficile pour prendre le contrôle de l’usine et de son dédale de couloirs souterrains.

Mme Maliar a fait l’éloge des combattants qui ont survécu dans l’usine pendant près de trois mois et déclaré qu’il était impossible de les libérer «par des moyens militaires».

«Grâce aux défenseurs de Marioupol, nous avons gagné un temps extrêmement important pour former des réserves, regrouper des forces et recevoir l’aide de nos partenaires, a-t-elle dit. Les défenseurs de Marioupol ont pleinement accompli toutes les missions assignées par les commandants.»

La Russie a subi des échecs cuisants pendant la guerre, le plus flagrant étant son échec précoce à prendre la capitale de Kyiv. Une grande partie des combats s’est déplacée vers la région du Donbass à l’est, mais s’est également transformée en combats village par village.

Des attaques ont aussi occasionnellement touché d’autres régions du pays. La ville de Lviv, dans l’ouest du pays, a été secouée par de fortes explosions mardi matin. Des témoins ont compté au moins huit explosions accompagnées de booms lointains. Le ciel à l’ouest de la ville, qui était soumise à un couvre-feu nocturne, était éclairé par une lueur orange.

Des obusiers des États-Unis et d’autres pays ont aidé Kyiv à résister ou à gagner du terrain contre la Russie, a assuré un haut responsable américain de la défense. Le responsable, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat pour discuter de l’évaluation militaire américaine, a dit que l’Ukraine avait repoussé les forces russes à l’Est à quelques kilomètres de la frontière russe, mais n’a pas pu confirmer si c’était complètement jusqu’à la frontière.

Dans un autre revers pour Moscou, la Suède a décidé de demander l’adhésion à l’OTAN à la suite d’une décision similaire de la Finlande voisine. C’est un changement historique pour les pays qui sont non alignés depuis des générations.

Mardi, la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde, a signé la demande officielle d’adhésion à l’Alliance, qui sera désormais envoyée au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.

M. Stoltenberg a indiqué que le processus d’adhésion pour les deux pourrait être rapide – mais le président turc Recep Tayyip Erdogan, membre de l’OTAN, a mis en doute le processus. Il s’est opposé à l’adhésion de la Suède et de la Finlande, affirmant qu’elles n’avaient pas adopté de position «claire» contre les militants kurdes et d’autres groupes qu’Ankara considère comme des terroristes, et qu’elles ont imposé des sanctions militaires à la Turquie.

Les 30 membres actuels de l’OTAN doivent accepter de laisser les voisins nordiques se joindre.

Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que Moscou «n’avait pas de problème» avec la Suède ou la Finlande en ce qui concerne leur demande d’adhésion à l’OTAN, mais que «l’expansion de l’infrastructure militaire sur ce territoire suscitera bien sûr notre réaction en réponse».

M. Poutine a lancé l’invasion le 24 février dans ce qu’il a dit être un effort pour freiner l’expansion de l’OTAN, mais a vu cette stratégie se retourner contre lui.