«Nous méritons mieux»: des milliers de Serbes manifestent contre le président Vučić

Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblées samedi en Serbie. Ils étaient menés par des étudiants qui ont juré de transformer ce pays en proie aux troubles et au populisme en une nation libre basée sur des principes de justice et d’État de droit. Beaucoup ont répété le slogan: «Nous méritons mieux».

Les étudiants des universités de ce pays des Balkans, dirigé fermement par un gouvernement de droite pro-russe depuis plus d’une décennie, organisent des manifestations dans tout le pays depuis l’effondrement mortel de la verrière d’une gare en novembre. Le drame a fait 15 morts et les opposants l’imputent à la corruption du gouvernement.

Les manifestations quasi quotidiennes attirent régulièrement des dizaines de milliers de personnes et ont ébranlé l’emprise du président Aleksandar Vučić sur le pouvoir.

«Nous voulons des institutions (d’État) qui travaillent dans l’intérêt de nous tous et non à notre détriment, ont déclaré les étudiants dans un communiqué. Nous voulons un système qui valorise la connaissance et le travail, et non l’obéissance et le silence.»

Des manifestants venus de tout le pays se sont rassemblés à Niš, à environ 200 kilomètres au sud de Belgrade, pour un rassemblement festif qui devait durer 18 heures samedi. «Nous nous rassemblons parce que nous savons que nous méritons mieux», ont ajouté les étudiants.

L’événement de Niš, au cours duquel un décret a été adopté symboliquement, a été «un signal d’alarme pour passer de l’apathie à l’action, du silence à une lutte bruyante pour un avenir meilleur (…), notre engagement à ne jamais abandonner! »

Le décret proclamait les «valeurs pour lesquelles nous nous battons comme un gage pour l’avenir» afin de construire un État «dans lequel la justice et la liberté seront plus fortes que n’importe quel individu». Le président Vučić, qui décrit les manifestations comme une tentative orchestrée par l’Occident pour le chasser du pouvoir, a ignoré samedi la manifestation, affirmant que «le soutien est en baisse» et qu’il n’en pense «rien de spécial».

Avec leur détermination, leur énergie et leur créativité, les étudiants ont recueilli un large soutien parmi les citoyens qui ont été déçus par les politiciens traditionnels et ont perdu l’espoir d’un changement.

La Serbie est officiellement sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne, mais M. Vučić et son Parti progressiste serbe ont été accusés d’étouffer les libertés démocratiques et d’alimenter une corruption rampante depuis leur arrivée au pouvoir.

«C’est ici qu’il faut être aujourd’hui»

Les habitants de Niš ont organisé un accueil bruyant pour les étudiants vendredi soir alors qu’ils défilaient dans la ville après avoir marché pendant plusieurs jours en groupes venus de différentes directions.

Ces marches étudiantes sont devenues une force de ralliement dans les zones rurales de Serbie, qui sont traditionnellement progouvernementales. Partout où les étudiants se sont présentés, les gens les ont accueillis avec de la nourriture et des rafraîchissements, tandis que beaucoup pleuraient et les embrassaient.

«C’est ici qu’il faut être aujourd’hui. Il n’y a aucun endroit sur terre où je me sens plus à ma place qu’ici», a déclarée Marjan Zivanovic, un retraité originaire de Belgrade. «Ici, il y a l’amour, ici il y a la joie, ici il y a tout. Ici, il y a l’avenir.»

Milan Bogicevic, un professeur d’une école secondaire de Novi Sad, a noté qu’il était conscient que «ce n’est pas une course de 100 mètres, c’est un marathon.» Spécifiant qu’il n’y a pas de place pour l’abandon.

Des rassemblements similaires avaient déjà eu lieu à Novi Sad et dans la ville centrale de Kragujevac.

Le rassemblement de Niš commémore les quatre mois écoulés depuis l’effondrement de la voûte en béton de la gare centrale de Novi Sad, dans le nord du pays, le 1er novembre.

La foule est restée silencieuse pendant 15 minutes à 11h52 pour rendre hommage aux 15 victimes de la catastrophe de Novi Sad, à l’heure même où la voûte s’est écrasée sur les personnes se trouvant en dessous.

Le bâtiment de la gare avait été rénové deux fois ces dernières années dans le cadre d’un vaste projet d’infrastructures avec des entreprises d’État chinoises. De nombreux Serbes pensent que les travaux ont été bâclés et qu’ils ne respectent pas les règles de sécurité à cause de la corruption dans le secteur.