Saison devancée dans un climat d’incertitudes
AGRICULTURE. Bon an mal an, la météo influence les récoltes de sirop d’érable. Les acériculteurs font face à un printemps hâtif, mais d’autres facteurs impondérables entrent en jeu cette année.
« On est deux semaines en avance sur une saison moyenne. Les températures chaudes du week-end [15 et 16 mars] ont accéléré les coulées, même dans les érablières en altitude », d’expliquer Martin Guay, premier vice-président des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), région Côte-du-Sud.
Propriétaire de deux érablières totalisant 17 000 entailles, à Saint-Malachie et Saint-Nazaire, il rappelle que des conditions optimales, à l’écoulement de la sève, impliquent des températures moyennes près de -5 degrés la nuit et de 5 degrés le jour.
Depuis quelques saisons, les changements climatiques influencent le travail des acériculteurs. Les PPAQ mènent des recherches afin de mieux outiller ses membres.
« C’est quelque chose qu’on prend très au sérieux. Pour certains acériculteurs, le sirop d’érable est devenu leur revenu principal et un travail à temps plein. On fait aussi face, comme d’autres secteurs, à une pénurie de main-d’œuvre », indique Martin Guay, qui rappelle l’importance des travailleurs étrangers en agriculture.
Crainte des tarifs douaniers
Francis Roy, président des PPAQ Beauce, opère sept érablières réparties à Saint-Côme-Linière, Saint-Zacharie, Sainte-Aurélie et Saint-Louis-de-Gonzague. En plus de ses 88 300 entailles, il exploite 70 000 entailles dans l’État du Maine. La menace planante de tarifs douaniers, chaque côté de la frontière, l’affecterait doublement.
« J’achète mes équipements au Québec et la résine de tubulure aux États-Unis. Ce serait donc une surtaxe de chaque côté. Pour la vente de sirop [en sol américain], c’est plus à long terme qu’on verra vraiment les impacts. Donald Trump change d’idée chaque jour [sur les tarifs]. C’est inquiétant », avoue M. Roy.
Lui aussi s’attend à une bonne saison en termes de production. « Les coulées sont abondantes, mais ça nous prend encore des périodes de gel et de dégel dans les prochaines semaines. Les gens achèteront encore du sirop d’érable », dit Francis Roy avec optimisme.
Protéger les érables publics
Le chapitre provincial des PPAQ dénonce toujours les coupes intensives permises dans les érablières en forêt publique. Des acériculteurs ont notamment bloqué, en février, les routes menant à la forêt publique de la Seigneurie de Lotbinière.
Le président des PPAQ Appalaches-Beauce-Lotbinière, Vincent Boutin, appuyait ce mouvement pacifique. « C’est un non-sens de bûcher des érables pouvant produire du sirop. On touche à des zonages agricoles, sans penser à nos futurs besoins économiques. Tout ça ne repoussera pas d’un trait », dénonce celui-ci.
Sur une note plus légère, il vise encore une production de cinq livres à l’entaille sur son érablière, à Frampton, qui compte 19 000 entailles. « On doit vivre avec des enjeux différents chaque saison », d’affirmer M. Boutin avec philosophie.
